Propos recueillis par Anita Bourdin
ROME, jeudi 21 juin 2012 (ZENIT.org) – Le Père Lataste avait « une foi profonde qu’il revivifiait dans la prière et surtout l’Eucharistie », mais aussi « dans la Parole de Dieu qu’il cite souvent dans ses sermons » et le Christ était pour lui « un ami », explique Sr Marie-Ange, des Dominicaines de Béthanie, une communauté fondée par le nouveau bienheureux, béatifié en France, à Besançon le 3 juin dernier.
Zenit - Le Père Jean-Joseph Lataste, votre fondateur vient d'être béatifié: quels sont les traits les plus marquants de sa personnalité humaine et spirituelle?
La loyauté : au début de son adolescence, il dit de lui-même : « J’étais un peu menteur ». Il n’avait pas achevé son devoir et il a inventé une histoire pour s’en sortir. Il a recommencé une seconde fois, mais à la troisième, il a eu honte de tromper un homme qui qui lui faisait du bien, et il s’est dit : « je ne mentirai plus jamais ». Et il a tenu parole.
La fidélité en amitié : il s’est fait beaucoup d’amis, et il est resté fidèles à de longues et solides amitiés. Le nombre de ses lettres à ses amis en témoignent.
Le sens du devoir : sa conscience professionnelle, son sérieux dans ses obligations humaines qu’il accomplissait avec une grande intégrité.
Au plan spirituel, la bonté, surtout envers les plus pauvres, qu’il allait visiter en tant que membre des Conférences de St Vincent de Paul. Il avait « un cœur très aimant », dit-il de lui-même, et il l’a montré avec eux qu’il considérait comme ses amis : « Il faut visiter les pauvres comme des amis, et se faire accepter d’eux comme tels ». Déjà une notion d’égalité avec tous, et non pas « se pencher sur ».
Mais aussi le don aux autres qui découle de la bonté. Il a eu beaucoup d’activités en ce sens, jeune homme, qui fondait des « fourneaux économiques » (genre de resto du cœur), dans les villes où il arrivait.
Avant même son martyre, quelles sont en quelque sorte les pierres d'attente? Quel prêtre, quel Dominicain était-il?
Le P. Lataste n’est pas mort martyr dans le sens où on l’entend habituellement, mais il a fait la confidence suivante à Mère Henri-Dominique, la cofondatrice, dans une lettre :« Je n’ai jamais célébré la Sainte Messe sans Lui demander, à la communion au sang, de verser un jour mon sang pour Lui et de l’unir au sien ».
Qu’il soit témoin au selon la définition du mot « martyr », oui, témoin de la miséricorde de Dieu, parce qu’il a conscience d’avoir été lui-même bénéficiaire de cette miséricorde.
Et quel prêtre ? Voici une des phrases qu’il a écrite au 3è anniversaire de son ordination sacerdotale : « Mon Dieu, faites de moi un prêtre toujours fidèle, un religieux selon votre cœur, un saint ». Voilà ce que Dieu a réalisé en lui.
Mais, en bon Dominicain, il ne pensait pas qu’à sa sainteté personnelle, mais à la communiquer aux autres dans le souci de leur sainteté à eux. Il écrit à une postulante (1èreétape d’entrée au couvent) : « Demandez que je sois un saint, je n’ambitionne pas autre chose, et qu’étant un saint, je fasse des saints ».
Comment est née sa vocation?
Alcide Lataste a eu très jeune la vocation sacerdotale, il dit même qu’il ne se souvient pas à quel moment.
Au moment de son adolescence, il ne parlait plus du tout de sa vocation, car il se sent indigne du sacerdoce à cause de la grandeur et de la dignité du prêtre.
Plus tard, à l’occasion d’une retraite prêchée par trois Dominicains, sa vocation sacerdotale est remontée à la surface, mais en tant que religieux Dominicain.
Comment et où a-t-il eu l'intuition de la vocation des Dominicaines de Béthanie? Et comment a-t-il réalisé sa vision?
Il a eu cette intuition au cours d’une retraite qu’on l’avait envoyé prêcher aux détenues de la maison de force de Cadillac/Garonne, où étaient incarcérées plus de 400 femmes. Il est entré à la prison « …avec un grand serrement de cœur, et la pensée que c’était ou que ce serait peut-être inutile… Elles étaient là, près de 400, couvertes de vêtements grossiers, la tête enveloppée d’un mouchoir étroitement serré autour des tempes qui leur donnaient une physionomie toute singulière, et-il me le parut du moins- vraiment repoussante ».
Mais il les aborde, et d’emblée, les appelle : « mes chères sœurs… ». Il leur parle de l’amitié que Dieu leur offre, et qu’elles pourront tout de suite partager ?Certes, il ne nie pas qu’elles ont fait du mal, et il le leur dit « nous sommes en famille, nous pouvons bien nous dire nos vérités… ».
Il va rejoindre ces femmes avec des paroles simples. Je leur parlai de l’Amour de Dieu, et « leur tête se relevait comme une fleur après l’orage… »
Elles sont restaurées dans leur relation à Dieu. Il a été un annonciateur de cette liberté intérieure que rien ni personne ne peut leur enlever.
Il écrit : « C’est dès les premiers jours de la retraite, en priant pour elles,(et avec elles) devant le Saint Sacrement que Dieu m’a inspiré subitement le projet de cette œuvre… »
La fondation d’une Congrégation prenait acte de la pleine réhabilitation dont les prisonnières ont bénéficié aux yeux de Dieu, en leur permettant le plein accès à la vie religieuse : une communauté constituée de femmes aux passés différents, les unes converties les autres préservées des expériences du mal dans ses formes les plus extrêmes parfois. Dans la discrétion, chacune vit un mystère d’Espérance et de Résurrection : « la main qui a relevé les unes est la même qui a préservé les autres de tomber ».
Aujourd'hui qu'est-ce que dit son charisme et le vôtre dans le cadre de la nouvelle évangélisation?
Quel que soit notre passé, Dieu vient nous rejoindre là où nous sommes et là où nous en sommes. Le charisme rappelle de ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu. « les plus grands pécheurs ont en eux ce qui fait les plus grands saints ».
Et encore : le Christ, comme il y a 2000 ans, come depuis 2000 ans, guérit et ressuscite encore aujourd’hui, nous en sommes témoins.
La béatification intervient au moment où l'Eglise se prépare à l'année de la foi: qu'est-ce que le P. Lataste enseigne aux baptisés pour revivifier leur foi et leur vie de prière? Leur relation au Christ ?
Le Père Lataste avait une foi profonde qu’il revivifiait dans la prière et surtout l’Eucharistie : « Quand je suis trop longtemps sans la faire(la communion), je sens ma Foi faiblir, mes forces diminuer… », ceci à une époque où la communion n’était pas fréquente. Il répand cette conviction à la prison de Cadillac, et dans les débuts de Béthanie.
Il revivifiait aussi sa Foi dans la Parole de Dieu qu’il cite souvent dans ses sermons, ses lettres à ses amis, etc.
Enfin, le Christ est pour lui un ami : « Pour un ami, tous les mea culpa ne valent âs un bon ‘je t’aime ». Nous pouvons retrouver la même intuition dans els écrits de benoît XVI à notre époque.
Comment se présente votre congrégation? Quels sont les points forts de votre engagement?
Notre congrégation se présente comme celle de sœurs qui vivent –ou essaient de vivre ! - en communion fraternelle de miséricorde ; vivre ensemble la miséricorde reçue et donnée en vie religieuse avec le souci de témoigner d’un message d’Espérance et de Miséricorde.
Un des points forts est la discrétion sur notre passé moral. »d ieu est le Dieu du présent…Il est touché de ce que nous sommes (aujourd’hui)… ».Notre passé, nous l’avons donné à Dieu, et nous vivons le moment présent. Le passé peut-être relu avec une personne habilitée à cela, pour le rendre positif, en vue d’un meilleur vécu aujourd’hui avec Dieu et avec les autres.
Que dire à une jeune femme qui se pose la question d'une vocation chez vous?
Que désire-t-elle en profondeur ? La vie religieuse est une réponse à un appel à la suite du christ. Qu’elle précise ce qu’elle ressent intérieurement.
A Béthanie, on vous accepte là où vous en êtes de votre parcours, avec la discrétion reçue comme un don pour vivre cette vocation à la suite du Christ.
Quel livre lire pour mieux vous connaître et mieux connaître le P. Lataste?
Nous vous renvoyons au site de la béatification www.lataste2012.org et aussi au nôtre : www.dominicainesdebethanie.com, à la page « bibliographie ».