Propos recuillis par José Antonio Varela Vidal
Traduction d’Hélène Ginabat
ROME, jeudi 28 juin 2012 (ZENIT.org) – « Le chant sacré n’est pas une option mais une nécessité liturgique », explique le P. Carlos López Bonifacio, formateur au petit séminaire du diocèse de Huancavelica, dans les Andes péruviennes. En 28 ans d’existence, cette structure, qui accueille chaque année 150 jeunes garçons, a donné 36 prêtres à l’Eglise locale.
C’est pourquoi, celui qui est chargé de la formation musicale des élèves, espère « réaliser un rêve » pour ses séminaristes : acquérir un orgue, « particulièrement adapté pour la liturgie ».
ZENIT – Comment est venue l’idée d’ouvrir un petit séminaire dans le diocèse de Huancavelica ?
P. Carlos López – C’était il y a 28 ans. Un missionnaire irlandais, Mgr Dermott Molloy, ayant été nommé évêque de Huancavelica, devait administrer un diocèse très étendu avec seulement 17 prêtres. Il cherchait à soutenir les vocations parmi la population indigène mais il n’y parvenait pas à cause de la pauvreté matérielle des gens et de la situation difficile créée par le terrorisme de cette époque. Il fallait trouver un moyen de susciter les vocations à un âge plus jeune. C’est ainsi qu’est né le collège séminaire « Saint Jean-Marie Vianney ».
Quels fruits le petit séminaire a-t-il portés parmi les jeunes, leurs familles et l’Eglise locale ?
De nombreux bénéfices. Le plus grand est la promotion des vocations sacerdotales. Mais même si tous les jeunes gens ne sont pas appelés au sacerdoce, tous ont la possibilité de recevoir une meilleure éducation. Beaucoup de parents veulent que leurs enfants étudient, surtout les catéchistes qui vivent dans les zones rurales. Ce sont des acteurs pastoraux, responsables des communautés paysannes, dont le témoignage de vie est très édifiant pour tous. Un séminariste m’a raconté que son père avait l’habitude de l’emmener à la messe tous les dimanches et, pour y arriver, il fallait marcher pendant cinq heures sur des sentiers de montagne ; ils rentraient chez eux heureux. Aujourd’hui, de nombreux fils de catéchistes sont des jeunes prêtres qui enseignent au séminaire ou travaillent dans les paroisses.
Quelles sont les caractéristiques de l’éducation dispensée dans ce collège-séminaire ?
Ce petit séminaire est une école privée où nous donnons la première place à la formation humaine, spirituelle, artistique et intellectuelle. Le régime de l’internat nous permet un usage du temps optimal et une coexistence fraternelle et structurée, tout en promouvant les vertus nécessaire à tous les prêtres : sincérité, obéissance, responsabilité, chasteté, etc. Ici, les jeunes apprennent à apprécier la valeur de la vie et à lutter contre le péché à travers la confession et une rencontre hebdomadaire avec un directeur spirituel. Ils rencontrent le Seigneur dans la messe et dans la prière quotidienne de l’office. En ce qui concerne la formation intellectuelle, ils apprennent à servir Dieu et leur prochain en étudiant avec sérieux.
Quelle formation artistique spécifique reçoivent-ils ? Quel type de musique pratiquent-ils ?
Nous soignons la musique, parce que Mgr Molloy voulait que tous aient cette opportunité et parce qu’il avait découvert que les enfants des Andes sont particulièrement sensibles à la musique. Nous partons du principe que tous les enfants ont des talents musicaux, qu’il suffit de les motiver et de les encourager dans leurs progrès.
Les jeunes écoutent tous les jours des extraits de musique populaire, sacrée et classique qu’ils exécutent ensuite sur leurs instruments, tout en apprenant à lire une partition. Nous organisons chaque mois des concerts qui sont donnés dans l’auditorium municipal. Il ne faut pas oublier que le chant sacré n’est pas une option mais une nécessité liturgique ; nous essayons aussi d’enseigner le chant grégorien à ces jeunes garçons.
Le séminaire a-t-il tout ce dont il a besoin pour réaliser ces objectifs ?
Nous essayons de travailler avec ce que nous possédons mais notre désir d’excellence nous pousse à mettre la barre encore plus haut. Toutefois, le matérialisme et l’hédonisme ambiants atteignent aussi nos séminaristes et constituent un problème encore plus important, qui n’existait pas auparavant. Malgré cela, nous sommes bénis chaque année avec plusieurs vocations sacerdotales. Ces jeunes entrent alors au grand séminaire diocésain, où ils commencent leurs études ecclésiastiques et se préparent à l’ordination.
Quelles sont les nécessités principales qu’affrontent les formateurs et l’évêque du lieu pour faire vivre ce séminaire ?
Les besoins économiques sont primordiaux, même si la situation sociale et économique s’améliore. En fait, nous tenons grâce aux aides venant d’Espagne sans lesquelles nous ne pourrions pas subsister. Nos jeunes gens qui, en général, sont issus de familles nombreuses paysannes, sont bien conscients de la dette énorme qu’ils ont envers leurs bienfaiteurs et ils cherchent à y répondre en priant pour eux et en étudiant avec assiduité. Ce genre de difficulté n’est compréhensible que des personnes qui ont une vie chrétienne, car il est plus difficile d’obtenir des dons pour des séminaristes que pour des projets sociaux.
Pouvez-vous nous parler un peu de Huancavelica ?
Huancavelica est un département du Pérou situé sur la Cordillère des Andes, avec des villages qui sont entre 2500 et 5000 mètres au-dessus du niveau de la mer et un climat froid et sec. La région a été très importante et riche à l’époque de la vice-royauté du Pérou à cause de ses mines, mais aujourd’hui cette prospérité passée s’est arrêtée. Actuellement c’est le département le plus pauvre du Pérou, comme le montrent les taux de la mortalité infantile (29 décès sur 1000 enfants vivants), la malnutrition infantile chronique (53,6%), l’analphabétisme (77,9%) et la pauvreté extrême de ses habitants (72%).
Le diocèse de Huancavelica s’étend sur 22.000 kilomètres carrés, pour une population de 485.000 habitants. Les 42 prêtres, jeunes pour la plupart, ne sont pas suffisants pour servir les 1627 village ruraux (chacun de nous dessert entre 80 et 100 villages). Il y a de nouvelles communautés religieuses avec de nombreuses vocations et nous avons un Institut pédagogique pour la formation des professeurs de religion. Nous avons aussi une maison de retraite pour les personnes âgées abandonnées et six cantines qui donnent chaque jour à manger à 2000 enfants pauvres. La Caritas gère, dans les campagnes, différents projets d’autosuffisance.
Quel appel voudriez-vous lancer aux lecteurs de ZENIT ?
Je voudrais leur demander de prier pour ce diocèse caché au cœur des imposantes cimes andines. Déjà, la prière nous permettra de surmonter les difficultés pastorales que nous avons et de maintenir vivante la flamme des vocations pour Huancavelica et pour l’Eglise.
Nous aimerions que les lecteurs qui ont un cœur généreux nous aident à réaliser un rêve pour nos séminaristes : avoir un orgue à tuyaux, un instrument tout à fait adapté pour la liturgie. Nous pourrions ainsi former aussi les organistes de nos paroisses. La musique exprime ce que les paroles ne réussissent pas à dire et il est nécessaire de l’offrir à Dieu, qui a été si bon pour nous.
Je saisis cette occasion pour remercier les missionnaires espagnols pour leur témoignage sacerdotal, dont nous avons bénéficié depuis le temps où nous étions séminaristes. Maintenant c’est à nous, prêtres auto
chtones, de faire vivre le petit séminaire et le diocèse. Notre prière et notre reconnaissance vont aussi à ZENIT qui nous donne cette merveilleuse opportunité.
Pour contacter le P. Carlos López : carlosperu33@gmail.com