Traduction d’Océane Le Gall
ROME, lundi 25 juin 2012 (ZENIT.org) – « Nous savons que le SIDA n’est pas un destin fatal de l’humanité », déclare le cardinal Bertone qui lance cet appel : « Fournissons vite aux malades du SIDA des soins gratuits et efficaces! Qu’il y ait un accès universel aux soins ! Faisons-le en partant des mères et des enfants ».
Nous publions ci-dessous le discours du cardinal Tarcisio Bertone, Secrétaire d’Etat au Vatican, à la VIIIème conférence internationale sur le SIDA, du vendredi 22 juin dernier à l’Institut San Gallicano au Trastevere (cf. Zenit du 22 juin 2012).
Discours du card. Bertone :
Monsieur le Ministre,
Illustres Autorités italiennes et internationales,
Chers amis,
C’est avec plaisir que j’ai accueilli cette invitation d’intervenir aux travaux de la VIIIe Conférence internationale sur le SIDA dont le thème est : « Vive les mamans, vive les enfants ! » (« W le mamme, W i bambini »).
Je salue les autorités présentes et, en particulier, la Première dame de la République de Guinée, madame Djenè Condè, le ministre Andrea Riccardi, les nombreux ministres africains de la santé et les autres dirigeants, les responsables de l’OMS et le personnel de santé.
Une pensée cordiale et chaleureuse va aux amis de la communauté de Sant’Egidio qui ont convoqué cette conférence pour favoriser de nouvelles voies, plus efficaces, dans la lutte contre l’HIV/AIDS et pour défendre et promouvoir la dignité de la vie humaine, surtout là où celle-ci est conçue et voit le jour.
Je suis heureux d’être ici avec vous cette année. D’autant plus que le thème choisi me tient particulièrement à cœur. En effet, les personnes touchées par le virus de l’HIV se trouvent dans une situation de faiblesse, ils ont besoin de soins, d’assistance et d’accompagnement. Du reste, l’Eglise est présente dans les pays où cette pandémie est en cours, et elle est très inquiète face à ce vrai drame de notre temps. C’est un drame qui engloutit tant de vies humaines, qui affaiblit des sociétés entières, qui brûle l’avenir. Il faut faire davantage ! Plus l’infection progresse chez les femmes, qui sont le pilier des familles et des communautés, plus le risque d’écroulement social augmente dans pas mal de pays. La maladie des femmes, des enfants, des hommes, devient celle de la société tout entière. L’Eglise se préoccupe de la santé. L’exemple lui vient du Christ lui-même qui, après avoir proclamé la Parole et guéri les malades, a envoyé ses disciples guérir « chaque maladie, chaque infirmité » (Mt10, 1). C’est ce que nous sommes appelés à faire. C’est un mandat réalisé par le biais des institutions sanitaires de l’Eglise et de tant de chrétiens de bonne volonté.
Oui, l’Eglise est résolument engagée dans cette lutte contre les infirmités, les maladies et les grandes pandémies, comme elle l’a déclaré spécifiquement au Synode pour l’Afrique (Exhortation Apostolique Post synodale Africae Munus III,139).
L’Eglise catholique, dès les débuts de ce terrible fléau du SIDA, a toujours offert sa contribution à prévenir la transmission du virus HIV et à assister les malades et leurs familles sur le plan médical, social, spirituel et pastoral. Le dernier synode des évêques pour l’Afrique l’a dit : « Le Sida est une pandémie qui, avec le paludisme et la tuberculose, décime les populations africaines et cause d’énormes préjudices à leur vie économique et sociale » (IIe Assemblée Spéciale pour l’Afrique du Synode des Évêques – Propositio 51). Et il en est vraiment ainsi !
Le bienheureux Jean Paul II, dans l’encyclique Sollicitudo Rei Socialis, rappelait : « Les citoyens des pays riches, chacun à titre personnel, surtout s’ils sont chrétiens, ont l’obligation morale – à leur niveau respectif de responsabilité – de tenir compte, dans leurs décisions personnelles et gouvernementales, de ce rapport d’universalité, de cette interdépendance existant entre leur comportement et la misère et le sous-développement de tant de millions d’hommes » (n. 9). Nous ne pouvons nous désintéresser d’une partie du monde qui souffre et qui est malade. On a besoin de réponses globales à des problèmes qui ont une dimension mondiale. Il faut une vraie mondialisation de la solidarité!
Actuellement, environ 30% des centres du monde qui s’occupent de personnes atteintes d’HIV/SIDA sont des centres catholiques. Notamment en Afrique, les activités d’assistance sanitaire de l’Eglise fournissent un soutien essentiel aux personnes qui vivent en dehors des zones urbaines et dans les zones rurales. Les besoins sociaux de ces personnes sont énormes et les malades, atteints d’HIV/SIDA sont nombreux. Il y a beaucoup de programmes de formation, de prévention, de soins et d’accompagnement pastoral pour les malades atteints d’HIV/AIDS, que les églises locales, les instituts religieux et les associations suivent avec amour, sens des responsabilités et dans un esprit de charité. Concrètement, les actions entreprises sont les suivantes : promotion de campagnes de sensibilisation, programmes de prévention et éducation sanitaire, soutien aux orphelins, distribution de médicaments et aliments, assistance à domicile, hôpitaux, centres, communautés thérapeutiques pour soigner et aider le malade atteint du SIDA, collaboration avec les gouvernements, assistance dans les prisons, cours de catéchèses, élaboration de systèmes d’aide par internet, instruction de groupes d’appui aux malades.
Puis le bienheureux Jean Paul II a institué en 2004 une fondation, « Le Bon Samaritain », confiée au Conseil pontifical pour la pastorale de la santé, et confirmée par le pape Benoît XVI, qui vient au secours des plus nécessiteux, en particulier des victimes du SIDA.
Pour l’Eglise, se pencher comme le Bon Samaritain sur l’homme blessé, abandonné sur le bord de la route c’est faire œuvre de cette « justice plus grande » que Jésus demande à ses disciples, car l’accomplissement de la Loi est « Amour ». Nous le faisons avec passion chaque jour et nous continuerons à le faire dans le monde entier.
Je remercie aussi la Communauté de Sant’ Egidio pour son travail avec le Programme DREAM en Afrique. Avec ses 33 centres, DREAM dans 10 pays africains, représente un modèle d’une efficacité indiscutable dans ses résultats, mais un modèle aussi d’engagement chrétien, de capacité à se faire proches de ceux qui souffrent, en ne leur dispensant pas seulement des soins, mais en considérant chaque malade comme personne, en ne réduisant jamais l’individu à sa maladie. De cette manière, on peut rendre sa dignité à celui qui s’en est trouvé privé à cause de la réputation que suscite ce genre de maladie.
Aujourd’hui, les soins permettent déjà à des milliers de femmes de donner naissance à des enfants libérés du SIDA et de les voir grandir, dans la mesure où celles-ci sont les premières à recevoir des soins. C’est un geste particulièrement efficace d’un amour pour la vie, quand celle-ci est menacée par la maladie et la pauvreté. L’amour, en effet, « est ce qui fait de la personne humaine l’image authentique de Dieu », rappelait le Saint-Père à Milan il y a quelques jours, à l’occasion de la VIIème rencontre des familles. Et c’est au fond le thème aujourd’hui de notre conférence, qui sera certainement riche de contributions.
Lutter contre le fléau du SIDA exige que l’on affronte de nombreux problèmes concrets, économiques, scientifiques et techniques: mais c’est l’amour qui est à la racine de ce grand travail, un amour qui est « la seule force qu
i peut vraiment transformer le monde » (Benoît XVI, Rencontre mondiale des familles – Milan, 3 juin 2012). Quelle image plus efficace d’amour que celle du rapport entre la mère et l’enfant ? Qui sauve la mère et l’enfant sauve l’avenir du monde! – pourrait-on dire.
Dans son exhortation apostolique Postsynodale Africae Munus, remise durant son voyage au Bénin, le pape Benoît XVI a déclaré : « Dieu veut le bonheur et le sourire de tout enfant et sa faveur est avec lui ‘car c’est à leurs pareils qu’appartient le Royaume de Dieu’ (Mc 10, 14) (…). Au nom de la vie – que l’Eglise a le devoir de défendre et protéger – je renouvelle mon soutien et m’adresse à toutes les institutions et à tous les mouvements de l’Eglise qui travaillent dans le domaine de la santé et spécialement du sida. Vous réalisez un travail merveilleux et important. » Le pape a ajouté : « J’encourage vivement de nouveau les instituts et les programmes de recherches thérapeutiques et pharmaceutiques en cours pour éradiquer les pandémies. N’épargnez pas vos fatigues pour aboutir au plus vite à des résultats, par amour pour le don précieux de la vie. Puissiez-vous trouver des solutions et rendre accessibles à tous les traitements et les médicaments tenant compte des situations de précarité ! L’Église plaide depuis longtemps pour un traitement médical de haute qualité et au moindre coût pour toutes les personnes concernées » (n. 73).
J’espère que de cette conférence, à laquelle participent de nombreux grands responsables de la santé, jailliront des propositions concrètes qui permettront de sauver la vie de ceux qui, dans le monde, sont aussi plus fragiles que pleins d’avenir: les enfants et leurs mères.
Pour vivre, chaque enfant a besoin de sa mère. Soigner une maman signifie aussi faire des naître des enfants sains et les faire vivre. En Afrique, un enfant sans mère est souvent exposé au danger de perdre la vie. Les femmes renforcent, unissent, soutiennent la famille et la famille est une garantie de cohésion sociale. C’est pourquoi, si nous aimons nos pays, nous avons le devoir de protéger la vie des mères. Si nous aimons l’avenir, protégeons la vie des mères et des enfants!
Je voudrais, en présence de tant de ministres et hauts responsables de la santé, adresser un appel à la communauté internationale, aux Etats et aux donateurs universels: fournissons vite aux malades du SIDA des soins gratuits et efficaces! Qu’il y ait un accès universel aux soins ! Faisons-le en partant des mères et des enfants. En ce siège, au nom du Saint-Père, je me fais le porte-parole de tant de malades qui n’ont pas la parole. Ne perdons pas de temps et investissons toutes les ressources nécessaires!
Les résultats de DREAM et les études prévisionnelles de l’OMS le confirment: l’accès universel aux soins est possible, scientifiquement prouvé, et faisable économiquement. Ce n’est pas une utopie: c’est possible ! En Afrique aussi, comme en Europe, nous avons le devoir d’arriver jusqu’à chaque femme enceinte séropositive, de lui faire suivre la thérapie antirétrovirale, de lui permettre de donner naissance à un enfant non sidéen, et de le faire grandir, sous son aile maternelle. Nous ne saurions concevoir un accès aux soins pour tous sans tenir compte de la faiblesse – aussi économique – de la plus plupart des populations africaines et des femmes. Avoir accès à des soins gratuits est une nécessité.
La mortalité maternelle en Afrique est, en fort pourcentage, liée au SIDA. Nous ne pouvons tolérer la mort de tant de mères ; nous ne pouvons penser à des milliers d’enfants en terme de génération perdue. Rien n’est perdu : l’Afrique a suffisamment d’énergies et elle est le continent de l’espérance! C’est pourquoi il nous est demandé un nouvel effort commun, un sursaut d’initiatives et d’imagination pour protéger la femme comme la mère.
A vous tous, responsables de tant de pays africains, chercheurs et médecins, agences internationales, donateurs, je demande de déployer tous les efforts possibles pour soulager de leurs souffrances tant de mères malades et de protéger la vie humaine, de la défendre depuis sa conception jusqu’à sa mort naturelle. Pour chaque homme, le respect de la vie est à la fois un droit et un devoir, car chaque vie est un don de Dieu.
Le pape Benoît XVI, avec toute l’Eglise, aime l’Afrique : nous sommes avec vous dans cette lutte pour la vie. Nous savons que le SIDA n’est pas un destin fatal de l’humanité. Tous ensemble, avec l’aide de Dieu, nous avons la possibilité et la force de la vaincre. Nous avons le devoir de promouvoir, dans un nouvel élan, le don de la vie. Merci.