ROME, lundi 4 juin 2012 (ZENIT.org) – Benoît XVI a reconnu, en décembre dernier, « comme un fait établi » que le P. Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus (au siècle Henri Grialou, ocd, 1894-1967), fondateur de l’institut séculier Notre-Dame de Vie « a pratiqué de manière héroïque les vertus théologales de Foi, d’Espérance, de Charité, aussi bien envers Dieu qu’envers le prochain, et les vertus cardinales de Prudence, de Justice, de Tempérance et de Force ainsi que celles qui leur sont annexes », comme l’indique le décret latin de la Congrégation pour les causes des saints approuvé par le pape, le 19 décembre 2011, dont voici une traduction non officielle (cf. Zenit du 19 décembre 2011).
Décret sur les vertus du P. Marie-Eugène de l’Enfant Jésus
« Quel est donc le serviteur fidèle et avisé à qui le maître de maison a confié la charge des gens de sa maison pour leur donner la nourriture en temps voulu ? Heureux ce serviteur que son maître, en arrivant, trouvera à son travail » (Mt 24, 45-46).
Le Serviteur de Dieu Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus ressemble en vérité à cet homme fidèle et avisé auquel le Seigneur confie la mission de veiller sur ses disciples : sa vie fut en effet une recherche constante de la perfection dans la foi, l’humilité et la charité, sous la motion de l’Esprit Saint.
Le Serviteur de Dieu (dans le siècle : Henri Grialou) est né le 2 décembre 1894 au Gua, en France, dans une famille de condition modeste. Se sentant appelé au sacerdoce dès son enfance, il fut accueilli à l’Ecole Apostolique des Pères du Saint-Esprit à Suse, en Italie ; mais il préféra ensuite demander son admission au Séminaire diocésain de Graves, où il devint un grand familier de la spiritualité de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Il suivit les cours de théologie et de philosophie au Grand Séminaire de Rodez.
Il fut, selon la loi, enrôlé dans l’armée : les années qu’il vécut comme militaire, spécialement durant la terrible première guerre mondiale, furent très rudes, mais elles lui donnèrent d’acquérir « l’expérience des hommes ». Le conflit terminé, le Serviteur de Dieu put reprendre ses études et, durant sa retraite de préparation au sous-diaconat, il prit clairement conscience de sa vocation au Carmel, surtout après la lecture d’une vie de saint Jean de la Croix. C’est ainsi que, peu après son ordination sacerdotale qui eut lieu le 4 février 1922, il entra au Noviciat des Carmes d’Avon. Là, il s’immergea profondément dans une vie de prière et dans la contemplation, approfondissant d’une manière spéciale la spiritualité de sainte Thérèse de Jésus et l’enseignement de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus qui lui inspira son nom de religion.
Après sa profession simple, le Serviteur de Dieu fut envoyé au Couvent de Lille pour y compléter sa formation religieuse ; le 11 mars 1926, il émit ses vœux solennels. En 1928, il fut nommé Supérieur du couvent-école de Tarascon sur le Rhône puis Prieur du nouveau Noviciat d’Agen : dans ces lieux de formation, il sut toujours présenter à l’imitation des jeunes générations un modèle de religieux passionné par le charisme carmélitain et animé d’un ardent zèle pastoral qui s’exprima particulièrement par la prédication de l’Evangile et par la direction spirituelle. La soif spirituelle de ses auditeurs lui révéla la nécessité de répandre plus largement la spiritualité du Carmel, si bien qu’il commença à réfléchir sur la possibilité de former des disciples qui s’en imprégneraient et la diffuseraient également « en-dehors des couvents et des monastères ».
En 1936, il fut nommé Prieur du Couvent d’études de Monaco; mais celui-ci fut, quelques mois plus tard, transféré à Agen. Disposant dès lors de davantage de temps, le Serviteur de Dieu consacra toutes ses énergies à l’organisation du groupement de Notre-Dame de Vie, qu’il suivait déjà depuis 1929 et qui, quelques années plus tard, fut érigé non sans raison en fraternité séculière.
Elu troisième Définiteur au Chapitre Général de 1937, il s’installa en Italie. Dès lors, les missions qu’on lui confia furent innombrables. Entre toutes ressort surtout celle qu’il reçut au service des Missions Carmélitaines au Proche Orient où il effectua un long voyage.
Au moment où éclata la seconde guerre mondiale, le Serviteur de Dieu, du fait de sa nationalité française, n’eut pas la permission de regagner l’Italie et fut même mobilisé comme officier dans l’Armée des Alpes. Après l’armistice de 1940, alors que la guerre faisait toujours rage, il accompagna les Monastères de Carmélites en France et veilla sur la croissance de son Institut. A la fin de la guerre, il retourna à Rome et, au Chapitre qui s’y tint en 1947, il fut élu premier Définiteur général. Il en assuma les fonctions jusqu’en 1954. Ce fut une période d’intense activité : entre autres, la Congrégation pour les Religieux lui confia en effet la charge de Visiteur Apostolique des Monastères des Carmélites de France et le nomma Délégué Apostolique pour la mise en place des Fédérations des Monastères carmélitains français. En mars 1954, le Serviteur de Dieu devint Vicaire Général de l’Ordre, charge qu’il exerça jusqu’à l’élection du nouveau Préposé, en 1955. Elu en 1957 Supérieur de la Province d’Avignon-Aquitaine, il ne négligea rien pour soutenir la fidélité des religieux, pour promouvoir le renouveau d’une vie fondée sur la contemplation et la solitude et pour permettre la présence des Carmes au Canada. Après le Chapitre de 1960, il resta dans le gouvernement de la Province en tant que premier Définiteur.
Dans la richesse d’une vie marquée par l’effort et l’activité, la spiritualité du Serviteur de Dieu se signala par la force de sa foi nourrie d’oraison quotidienne, par la ferveur de la célébration eucharistique, par la constance de son don à l’Esprit Saint, par son immense confiance en la Vierge Marie, par son amour pour les Saints du Carmel et pour Sainte Emérentienne, ainsi que par son zèle missionnaire qui le poussa à offrir sa vie tout entière au Seigneur. Avec la fondation de son Institut séculier, il proposa une synthèse équilibrée entre les dimensions de l’ordre du Carmel que sont la contemplation et l’apostolat. Il fut un Maître de spiritualité et il accompagna personnellement des prêtres, des séminaristes, des religieuses et aussi de nombreux fidèles. Il a laissé en héritage un patrimoine ample et riche d’homélies, de conférences et de retraites, ainsi qu’un ouvrage intitulé Je veux voir Dieu. Ces textes concrétisent clairement son désir de porter, comme il disait, « la contemplation dans la rue » et de propager l’appel universel à la sainteté. Il supporta avec force les souffrances intérieures et les labeurs apostoliques qui l’accompagnèrent tout au long de sa vie consacrée au service de l’Eglise.
Au Chapitre de 1963, il fut de nouveau élu Provincial et son mandat fut renouvelé en 1966. Cependant l’âge et la mauvaise santé avaient diminué les forces du Serviteur de Dieu qui, miné par une tumeur, mourut à Notre-Dame de Vie le 27 mars 1967 après avoir prononcé ces paroles : « Je m’en vais vers l’étreinte de l’Esprit Saint… In manus tuas, Domine ».
Etant donné sa réputation de sainteté, sa Cause de Béatification et de Canonisation fut engagée à la Curie Archiépiscopale d’Avignon avec la célébration de l’Enquête Diocésaine du 7 avril 1985 au 5 mars 1994 et de l’Enquête Rogatoire à la Curie Archiépiscopale de Tokyo du 3 au 5 avril 1990. Leur autorité et leur validité juridique furent approuvées par la Congrégation des Causes des Saints le 25 novembre 1994. Le 24 mars 1999,
fut également reconnue la validité du Supplément de l’Enquête qui se déroula à la Curie Archiépiscopale d’Avignon du 20 février 1997 au 10 mars 1998. Une fois la Positio préparée, selon la coutume, les Consulteurs Théologiens réunis en Congrès Particulier le 14 juillet 2010 sont parvenus à une conclusion positive après avoir discuté pour savoir si le Serviteur de Dieu avait pratiqué les vertus chrétiennes de façon héroïque. Au cours de la Session ordinaire du 11 octobre 2011, après avoir entendu la relation du Ponant de la Cause, Son Excellence Mgr Laurent Chiarinelli, Evêque émérite de Viterbe, les Membres Cardinaux et Evêques ont déclaré que le Serviteur de Dieu a pratiqué de façon héroïque les vertus théologales, cardinales et annexes.
Une fois que le soussigné Cardinal Préfet eut présenté au Souverain Pontife Benoît XVI une relation précise sur toutes ces étapes, Sa Sainteté, ayant recueilli et ratifié l’avis de la Congrégation des Causes des Saints, a déclaré aujourd’hui : reconnaître comme un fait établi que le Serviteur de Dieu Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus (dans le siècle : Henri Grialou), Prêtre Profès de l’Ordre des Carmes Déchaux et Fondateur de l’Institut Séculier Notre-Dame de Vie, a pratiqué de manière héroïque les vertus théologales de Foi, d’Espérance, de Charité, aussi bien envers Dieu qu’envers le prochain, et les vertus cardinales de Prudence, de Justice, de Tempérance et de Force ainsi que celles qui leur sont annexes, ceci à propos de ce cas et en vue du but qu’on se propose.
Le Souverain Pontife a ensuite ordonné que ce décret soit rendu public et qu’il soit consigné dans les actes de la Congrégation des Causes des Saints.
Donné à Rome, le 19 décembre 2011.
Angelo Card. Amato, S.D.B.
Préfet
✠ Marcello Bartolucci
Archevêque tit. de Mevania
Secrétaire