ROME, vendredi 1ermai 2012 (ZENIT.org) – Le travail est toujours une « orientation vers les autres », a souligné Mgr Laffitte, invitant le travailleur à agir « dans le sens du service et de la communion ».
Mgr Jean Laffitte, secrétaire du Conseil pontifical pour la famille, a introduit la seconde session du Congrès théologique de la VIIe Rencontre mondiale des familles, à Milan, hier, 31 mai 2012, en prenant la parole sur le thème: « Le travail et ses significations pour la famille ».
Durant son intervention, Mgr Laffitte a rappelé que le travail est un « devoir sacré » et qu’il peut être oeuvre de « justice et de paix ».
Intervention de Mgr Laffitte:
La seconde session du Congrès entend approfondir l’aspect anthropologique et pastoral du travail, qui est non seulement une clé essentielle de la vie sociale, comme l’écrivait le bienheureux Jean-Paul II dans Laborem exercens, mais aussi une expérience centrale de la vie familiale, même si cette dernière ne peut pas être réduite à l’activité professionnelle. En effet, comme en témoigne cette rencontre mondiale, la famille est aussi le lieu de la gratuité et de la fête.
L’anthropologie chrétienne réfute la tentation réductrice contemporaine qui pense l’homme uniquement comme un individu: sa dimension sociale ne doit pas être considérée comme une qualité qui viendrait compléter sa perfection morale personnelle. Une telle vision en effet ne parvient pas à penser les exigences de la vie sociale en elle-même, mais seulement de la perspective déformante de l’individu qui se pose en face de la société dont il est membre et ne fait que transposer ses problématiques individuelles. Les symptômes de cette conception sont alors visibles dans les situations particulières de chômage, dans les débats politiques ou syndicaux et plus généralement lorsqu’on oublie l’importance de la contribution au bien commun de la société, de chaque sujet qui travaille.
Dans cette expérience concrète, la famille est le lieu où le travail garde toutes ses dimensions : personnelle et sociale. Bien sûr, seul un travail digne permet à la famille d’exister et de se réaliser pleinement. Le travail, en effet, offre à chacun de ses membres la sécurité nécessaire pour grandir et devenir toujours plus acteur de la vie familiale; le verbe « famulari » duquel viennent le terme “famille” et ses dérivés, signifie en effet: être utile à quelqu’un.
Inscrite dans le divin dessein du Créateur (le « Consilium Dei matrimonii ac familiae » cher au bienheureux Jean-Paul II), la famille est donc le premier lieu où se réalise le caractère social constitutif de l’homme, son aspiration à vivre avec les autres et pour les autres, profondément inscrite dans la nature humaine. Le théologien von Balthasar voyait dans le binôme individu-communauté une des trois tensions constitutives de l’être humain (avec les binômes esprit–corps et homme-femme). Il n’existe pas de nature humaine individuelle qui n’ait pas en soi, depuis le commencement de son existence, cette orientation fondamentale vers l’autre. Le statut social et familial de l’homme est principalement caractérisé par la notion de communion. La pensée chrétienne voit l’origine de chaque communion humaine en Dieu.
Le terme de « communion » renvoie à une qualité particulière de la relation interpersonnelle et de son développement concret. Déjà Aristote parle de « l’amitié » comme une forme de bienveillance qui va au-delà de la justice, en la complétant. Lorsqu’elle est réciproque, elle établit entre les sujets en relation une communication, une réalité commune, un bien commun: la koinonia, la communion! La famille est le lieu de la communion par excellence, en ces deux sens: don de Dieu et plénitude des relations interpersonnelles.
La famille, en tant que lieu d’une socialisation fondamentale, a besoin de la protection du droit, non pas tant parce qu’elle est un lieu d’intimité, mais plutôt comme noyau d’une société plus humaine. C’est dans ce contexte, que nous pouvons définir comme une « socialité supérieure », que s’inscrit la question du travail. Il est le lieu de toutes les ambiguïtés et de toutes les contradictions: don – possession; réalisation – pouvoir; service – oppression; respect des autres – instrumentalisation; formation d’un patrimoine – convoitise. Nous observons cependant qu’il n’existe pas de travail sans orientation vers les autres, directement ou indirectement. Il dépend ensuite de l’intention de celui qui agit, d’œuvrer et de travailler résolument dans le sens du service et de la communion. Le travail peut donc être œuvre de justice et de paix. Dans une vision de foi, le travail est même objet de bénédiction et instruction du Créateur aux premiers hommes, par lequel toute chose a été créée; il a la qualité d’un devoir sacré. Lorsqu’il est accompli en vue de Dieu, sous le regard du Père, le travail reflète sa sainteté originelle et affermit la personne dans son être filial; c’est dans cette maturation que l’homme devient capable de se donner un jour, de façon privilégiée à l’intérieur de la famille.
La sainteté du travail est contredite par toutes les activités qui visent directement à priver les hommes de cette dimension, à les opprimer par des structures sociales inhumaines qui les réduisent à de simples instruments de profit, les privent du juste fruit de leurs activités, à accroissent les disparités dans la destination des biens.
La question de la place du travail se pose concrètement dans la vie quotidienne de la famille. Parfois, il entrave la relation entre les membres d’une famille (rendant le père ou la mère indisponible); quelquefois, lorsqu’il n’y a pas de travail, certains choix éducatifs sont impossibles.
Lorsqu’il y a une vision saine du travail, l’activité des parents, dans cette première école interne du travail qu’est la famille (Laborem exercens 10), prend une valeur exemplaire pour les enfants. Au contraire, une relation déséquilibrée avec l’activité professionnelle peut sérieusement blesser le rapport à venir des enfants avec le travail. Il existe ainsi une juste place du travail dans la cellule familiale, fruit d’une maturation personnelle et quotidienne dans la vie des époux.
Traduction de ZENIT, Anne Kurian