Anne Kurian
ROME, vendredi 29 juin 2012 (ZENIT.org) – « Le pardon enlève au mal son énergie », a déclaré Benoît XVI ce matin, 29 juin 2012, lors de son homélie pour la solennité des saints Pierre et Paul, en la basilique Saint-Pierre de Rome.
Durant cette messe, le pape a remis le pallium à 44 archevêques métropolitains. Parmi eux, trois Canadiens et un Français : Mgr Christian Lépine, archevêque de Montréal, Mgr Luc Cyr, archevêque de Sherbrooke, Mgr Paul-André Durocher, archevêque de Gatineau et Mgr Pascal Wintzer, archevêque de Poitiers. Il était accompagné à Rome par une quarantaine de catholiques de son diocèse.
Le rite de l’imposition du pallium était pour la première fois célébré au début de la messe, et non pas après l’homélie, afin de centrer davantage la célébration sur l’eucharistie (cf. Zenit du 28 juin 2012).
Benoît XVI a commenté l’évangile du jour (Mt 16,13-19) où Jésus établit Pierre comme « le roc » dans l’Eglise, lui donnant les « clefs du Royaume des cieux » et l’autorité de « lier et de délier ». La promesse de Jésus, a affirmé le pape, est signe de la pérennité de l’Eglise, qui est don de Dieu et non pas dépendante des « capacités humaines » de Pierre ou de ses successeurs.
Evoquant les deux figures de Pierre et Paul « très différentes », le pape a voulu souligner dans leur modèle une « nouvelle façon d’être frère ». C’était aussi pour lui une façon de remercier la délégation du Patriarcat œcuménique de Constantinople présente pour la célébration, ainsi que la présence historique du chœur anglican de Westminster Abbey, animant la liturgie avec le chœur de la Chapelle Sixtine (qui chantait avec un autre chœur pour la première fois de son histoire).
Le pardon
Pour le pape, l’autorité de « délier et de lier » confiée à Pierre consiste « dans le pouvoir de remettre les péchés ».
Cette grâce, souligne-t-il, qui « enlève l’énergie aux forces du chaos et du mal », est au cœur du mystère et du ministère de l’Église : en effet, rappelle-t-il, l’Église « n’est pas une communauté de personnes parfaites », mais de « pécheurs » qui ont besoin « de l’amour de Dieu » et d’être « purifiés par la Croix de Jésus Christ ».
Ainsi, insiste Benoît XVI, exprimant l’autorité de Pierre et des apôtres, Jésus « laisse transparaître que le pouvoir de Dieu est l’amour, l’amour qui répand sa lumière à partir du Calvaire ».
Par ailleurs, ajoute-t-il, « lier et délier » fait allusion, d’un côté, aux « décisions doctrinales » et, de l’autre, au « pouvoir disciplinaire », c’est-à-dire à la « faculté d’infliger et de lever l’excommunication ».
Le parallélisme « sur terre … dans les cieux », « garantit que les décisions de Pierre dans l’exercice de sa fonction ecclésiale ont également une valeur devant Dieu », explique-t-il.
Paradoxe de la papauté
Si Pierre est « le roc », poursuit Benoît XVI, cependant cette prérogative est un don : en effet, explique-t-il, la reconnaissance de l’identité de Jésus prononcée par Pierre ne provient pas « de la chair et du sang », c’est-à-dire de ses « capacités humaines », mais d’une « révélation particulière de Dieu le Père ».
D’ailleurs, fait observer le pape, après cet épisode, Pierre cherche à contrecarrer la passion, mort et résurrection de Jésus, réagissant à partir de « la chair et du sang » (Mt 16,22) : « le disciple, commente-t-il, qui, par don de Dieu, peut devenir un roc solide, se manifeste aussi pour ce qu’il est, dans sa faiblesse humaine : une pierre sur la route, une pierre contre laquelle on peut buter ».
Benoît XVI voit dans ce paradoxe « la tension qui existe entre le don qui provient du Seigneur et les capacités humaines ». C’est « le drame de l’histoire de la papauté-même », estime-t-il, dans laquelle coexistent ces deux éléments : « d’une part, grâce à la lumière et à la force qui viennent d’en-haut, la papauté constitue le fondement de l’Église pèlerine dans le temps ; d’autre part, au long des siècles, émerge aussi la faiblesse des hommes, que seule l’ouverture à l’action de Dieu peut transformer. »
Pourtant, poursuit Benoît XVI, l’Évangile fait ressortir également la « promesse claire » de Jésus : « les « portes des enfers », c’est-à-dire les forces du mal, ne pourront pas prévaloir ». Cette promesse pour l’Eglise, affirme-t-il, « s’étend à tous les temps, au-delà de l’existence personnelle de Pierre lui-même ». C’est pourquoi Pierre peut être « rassuré ».
Nouvelle fraternité
Benoît XVI évoque par ailleurs le « combat » de saint Paul – représenté traditionnellement avec une épée – combat qui n’est pas celui d’un « grand capitaine » mais celui d’un « annonciateur de la Parole de Dieu, fidèle au Christ et à son Église, à laquelle il s’est donné totalement ».
Pierre et Paul, « bien qu’humainement très différents l’un de l’autre, et malgré les conflits qui n’ont pas manqué dans leur rapport », ont réalisé une « nouvelle manière d’être frères », fait remarquer le pape.
Cette fraternité, explique-t-il, est « authentique » et elle est « rendue possible par la grâce de l’Évangile du Christ opérant en eux ».
Par conséquent, « seule la suite (sequela) du Christ conduit à la nouvelle fraternité », affirme Benoît XVI, soulignant « l’importance de ce message » pour la « recherche de cette pleine communion, à laquelle aspirent le Patriarcat œcuménique et l’Évêque de Rome, ainsi que tous les chrétiens ».
Le pallium est cette bande de laine blanche ornée de cinq croix de soie noire, représentant les blessures du Christ en croix. Le pape a lui-même longuement commenté le sens de cet insigne liturgique lors de son intronisation, en avril 2005, disant notamment qu'il représente la brebis que le Bon Pasteur prend sur ses épaules. C'est, depuis Saint Césaire d'Arles, le premier à le recevoir d'un pape, en 513, le signe de la communion étroite avec le successeur de Pierre.