Propos recueillis par Salvatore Cernuzio
Traduction d’Isabelle Cousturié
ROME, vendredi 20 avril 2012 (ZENIT.org) – « J’espère que cette Année de la foi sera pour nous l’occasion de chanter notre foi non seulement par la musique, mais par la vie aussi », déclare Mgr Frisina dans cet entretien accordé à Zenit.
Mgr Marco Frisina, prêtre italien, est aussi bibliste et directeur du Chœur du diocèse de Rome, compositeur de musique sacrée et musique liturgique. Il est également l’auteur de musiques de film pour la télévision et le cinéma.
Mgr Frisina, le Triduum pascal est une source d’inspiration particulière poru els musiciens ?
Mgr Frisina - Je crois que le triduum inspire le musicien car il renferme des éléments forts non seulement au plan théologique, mais au plan des émotions et de l’esprit. L’expression musicale met l’accent sur ce que suggère l’Esprit, l’emphatise, ce qui est très important pour un musicien.
La liturgie déjà, dans le chant grégorien, réserve de superbes pages au triduum. Il suffit de penser par exemple à l’Ubi caritas de la liturgie de la Messe in Coena Domini du jeudi saint, l’Eco fidelis de Venanzio Fortunato, les hymnes de la semaine sainte, des textes comme Resurrexit o Victimae Paschali et tant d’autres chefs-d’œuvre de la musique sacrée.
Comment la musique a-t-elle exprimé cette victoire du Fils de Dieu sur la mort?
Nous avons beaucoup d’exemples. Je voudrais en citer un en particulier qui résume une grande expérience musicale européenne: la messe en Si mineur de Bach.
Bach, luthérien, écrit une messe catholique en créant des épisodes d’une profondeur unique, en suivant les articles du credo. Dans Et incarnatus est ou Crucifixus, par exemple, Bach, on le voit bien, arrive à exprimer la douleur intérieure d’une manière étonnante. Nous avons aussi l’explosion de Et Resurrexit, entièrement baroque, où le son des trompettes, typique de Bach, est plein de vivacité.
Tant d’auteurs se sont inspirés de l’événement de la Résurrection. Certains compositeurs baroques l’ont décrit comme une splendeur, ou mieux un « crépitement » musical; d’autres, au XXème siècle, ont vu en lui des pages statiques, où la lumière et la vision du Christ ressuscité s’expriment par des sons suspendus et lumineux.
On peur aussi citer la passion du Christ, dans un chef-d’œuvre comme la Passio selon Luca Penderecki, écrit à la moitié des années 60, qui a surpris tout le monde avec ses sons uniques, nouveaux, choraux, une musicalité plus proche des bruits que des notes, exprimant le déchirement, la tragédie, le drame de la passion du Christ qui devient douleur pour l’univers, douleur pour les hommes.
La musique a aidé à transmettre la foi dans le Christ ?
Elle a beaucoup aidé. Encore maintenant la musique est un grand outil car elle transmet ce que les paroles ne peuvent prononcer et transmettre. Elle touche l’âme au point de faire corps avec l’inconscient, avec les souvenirs, la pensée, avec ce qu’il y a de plus caché en nous, mais que les notes musicales arrivent à faire sortir.
Et puis dans la musique il y a une structure, une harmonie, qui aide à comprendre l’idée qui se cache derrière. Cela arrive surtout chez de grands auteurs comme Bach ou Palestrina. Leurs œuvres révèlent un ordre merveilleux, une succession de voix qui, tout en s’entrecroisant, restent néanmoins distinctes, créant un ensemble harmonieux sans pair. C’est en somme un plaisir spirituel qui révèle aussi l’harmonie d’un concept.
Comment est née votre vocation à cet art?
J’étais enfant et comme tous les enfants de 5 ou 6 ans j’allais à l’église avec mes parents, et à l’époque les chants étaient en latin. Il y avait des moments qui me touchaient particulièrement, d’ailleurs je m’en souviens encore aujourd’hui, comme l’adoration eucharistique avec le Tantum ergo de Perosi.
Puis j’ai grandi et j’ai commencé à prendre des cours de musique, je suis entré au conservatoire puis au séminaire. Mais je porte encore en moi tant de souvenirs de mon enfance qui m’ont, d’une certaine façon, si conditionné qu’ils me touchent encore aujourd’hui.
Votre vocation à la musique a contribué à votre vocation au sacerdoce?
Tout à fait. La musique m’a fait, et me fait toujours, découvrir la beauté de la foi chrétienne, justement parce qu’en la jouant je la vois dans tout son éclat.Quand je mets en musique des textes de la tradition comme Anima Christi ou, comme dernièrement, la prière de saint Jean Marie Vianney, c’est pour moi une grand émotion, à laquelle s’ajoute le plaisir de transmettre aux autres la beauté de Dieu. C’est, dirais-je, comme un jeu de foi que je nourris grâce à ces textes et qui, je l’espère, peut nourrir mes frères au travers de mon expérience.
En une phrase, qu’est-ce que la musique représente pour vous?
C’est peut-être la manière la plus forte et la plus extraordinaire de communiquer car cela n’a pas besoin de traduction. On peut la suivre en Chine ou en Afrique ou en Amérique du sud ou en Allemagne.
Certains de mes morceaux sont joués dans des régions du monde où jamais je n’aurais pu imaginer qu’ils arrivent, et le plus extraordinaires c’est qu’ils sont compris de la même manière. C’est une arme extraordinaire, donc, un bon moyen pour dire tant de choses, surtout celle que nous avons nous chrétiens et qui est la plus belle, l’Evangile.
D’où tirez-vous votre inspiration?
Des textes ou de ce que le contenu inspire en moi. Toute chose ou chaque personne possède en lui une musique, car Dieu a donné à chaque créature son propre son. L’homme, qui est à l’image et ressemblance de Dieu, a une perception de cette musique de l’univers, comme dit e psaume 18: « Les cieux proclament la gloire de Dieu. Pas de paroles dans ce récit, pas de voix qui s'entende ». Le musicien est donc celui qui se met là à écouter et tire son inspiration des choses, des personnes, des événements, de très beaux textes, de la parole de Dieu surtout, dans un monde fait d’intuitions et d’émotions.
Par exemple, le pape pendant la messe chrismale du Jeudi saint a dit de très belles choses qui, mentalement, m’ont inspiré une musique. On sentait sa passion, sa souffrance à porter en lui tout le poids de l’Eglise mais en même temps son amour du Christ et sa façon d’entrer en communication avec lui. Il suffit de penser à tout cela et de les transformer ensuite en notes. Je sais que c’est un peu mystérieux, mais c’est ça la musique !
A quoi vous consacrez-vous en ce moment ?
Je m’occupe de trois projets différents qui devront sortir pendant l’Année de la Foi. Un de ces projets est sur des chants latins, que m’ont commandées plusieurs éditeurs qui sortira à Noël sous le nom de Incarnatus est. Un autre est consacré aux enfants. Il prévoit 11 paraboles qui racontent comment Jésus racontait la foi, et celui-ci sera à Pâques. Le dernier, en revanche, est un recueil de chants en italien.
J’espère que cette Année de la foi sera pour nous l’occasion de chanter notre foi non seulement par la musique, mais par la vie aussi.