Les médias, don de Dieu pour notre temps, par le patriarche Twal

Pour une communauté chrétienne qui « communique »

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ROME, vendredi 20 avril 2012 (ZENIT.org) –  Les médias sont « un don de Dieu pour notre temps », affirme S. B. Fouad Twal.

Au cours d’un séminaire sur la communication organisé par le Conseil pontifical pour les communications sociales, pour les évêques du Moyen-Orient, le patriarche latin de Jérusalem est en effet intervenu sur le thème : « La formation à la communication dans les séminaires et les facultés de théologie ».

A propos de la situation de l’Eglise catholique au Moyen-Orient, et du besoin de « formation » en matière de communication (cf. article ci-dessus), le patriarche a souligné le lien essentiel entre Eglise et communication, et le devoir des baptisés d’annoncer l’Evangile dans les médias. Il les considère comme un « don de Dieu pour notre temps » : « L’utilisation des moyens modernes de communication est incontournable, pour la transmission de la foi, l’évangélisation, l’action éducative, la formation à la paix. »

Pour Mgr Fouad Twal, la communication est essentielle à la vie de l’Eglise, à tel point qu’« une communauté chrétienne qui ne communique pas n’est pas fidèle à sa vocation ».

Voici le texte intégral de cette intervention :

Chères Béatitudes, chères Excellences, chers Pères et chers amis,

Recevez mon salut de Jérusalem. Merci pour ce beau congrès. La haute qualité des participants montre l’importance du sujet. Puisque nous sommes arrivés à notre dernier jour de réunions, pardonnez-moi si je donne quelques répétitions.

Déjà, réunis en synode extraordinaire pour le Moyen-Orient à Rome, les Pères Synodaux ont souligné la nécessité et l’urgence de former des agents pastoraux dans tous les secteurs, pour relever les différents défis dans l’Eglise. Je cite : « l’utilisation des moyens modernes de communication est incontournable, pour la transmission de la foi, la formation religieuse, la mission et l’évangélisation, l’action éducative, la formation à la paix, les œuvres de développement, et l’action pour le développement intégral de nos sociétés. Les médias sont le lieu de témoignage au Christ et aux valeurs chrétiennes. Ils constituent une nouvelle culture de communication mondiale vraie et propre, caractérisée de nouveaux langages et méthodes de pensées. Ils sont les nouveaux aréopages du monde globalisé » (1).

La première Assemblée Spéciale pour l’Afrique du Synode des Évêques en 1994 a rappelé que: « la formation à l’utilisation des médias est une nécessité, non seulement pour le prédicateur de l’Evangile, qui doit, entre autres, maîtriser le genre littéraire médiatique, mais aussi pour le lecteur, l’auditeur et le téléspectateur qui, formés à l’intelligence du style médiatique, doivent saisir les apports avec discernement et esprit critique » (2).

Aujourd’hui, dans notre Moyen-Orient, on voit comment la communication a profondément transformé notre société. Les médias et la presse étant leaders d’opinion, sont qualifiés de « quatrième pouvoir ». Les « révolutions arabes » – comme elles sont appelées – ont utilisé l’outil médiatique et les réseaux sociaux. Ce qui a permis en partie de mobiliser la diaspora dans le monde entier, rendant particulièrement visible les combats – réels ou apparents – des populations arabes. Dans les rues de Tunis, du Caire, de Benghazi ou de Damas, il semble qu’ils aient été de simples citoyens armés de téléphones qui ont filmé manifestations et répressions.

Grâce à l’amélioration des nouvelles technologies de l’information, le monde devient un village planétaire. Et l’Eglise veut et doit en profiter.

Le nouveau langage des moyens de communication demande que la foi soit proposée de manière à s’adresser à tout homme pour que l’appel soit perçu dans sa qualité et dans sa profondeur (3). Sur ce point, il est souhaitable que l’Eglise accueille les médias comme un véhicule extraordinaire dans la transmission de la foi. « La foi vient de la prédication entendue » (Rm 10, 17). Et les médias augmentent le potentiel de transmission de la prédication.

C’est pour cela, que l’utilisation de « mass media » n’est pas en soi un travail mais avant tout une mission, qui exige souvent aussi des sacrifices. De là, nous ne pouvons pas ignorer la dimension spirituelle.

Notre Église de Terre Sainte a un double objectif en ce qui concerne les médias :

–                d’une part, elle désire encourager leur correct développement et leur correcte utilisation pour le bien du développement humain, de la justice et de la paix, pour l’édification de la société au niveau local, national et des communautés à la lumière du bien commun dans un esprit de solidarité.

–                D’autre part, l’Église recherche « un dialogue honnête et respectueux avec les responsables des médias » (4).

Ce dialogue implique que :

o               l’Église s’efforce de comprendre les médias : leurs objectifs, leurs méthodes et les différents aspects de leurs règles de travail, leurs structures internes et leurs modalités ;

o               l’Eglise soutienne et encourage ceux qui y travaillent.   

Ici en Orient, nous aurions bien tort de nous désintéresser de la communication ou de nous en méfier à l’excès. Il serait aussi illusoire de prétendre communiquer en ignorant le rôle et les modes de fonctionnement des moyens de communication de masse. Comme  ce serait suicidaire que l’Eglise soit absente dans le débat, au moment où l’on parle de mondialisation.

Pour ce faire, il faut :

–                comprendre le lien entre l’Eglise et les communications aujourd’hui ;

–                constater les faiblesses et les défis auxquels est confrontée l’Eglise ;

–                établir des recommandations nécessaires et pressantes aux séminaristes, aux prêtres puis aux fidèles en matière de communication.

I.               Comprendre les liens entre l’Eglise  et les communications

A.             Conception trinitaire de la communication

1.             Communion d’amour

La préoccupation de l’Eglise concernant la communication dans et par l’Eglise « trouve son point de départ dans la communion d’amour entre les personnes divines et leur communication avec nous » et dans la prise de conscience que la communication trinitaire « s’étend à l’humanité : le Fils est le verbe, éternellement « parlé » par le Père et, en Jésus- Christ et par lui, Fils et Verbe fait chair, Dieu se communique, ainsi que son salut, aux hommes et aux femmes » (5).

2.             Dialogue avec Dieu

En effet, la doctrine catholique enseigne qu’en Dieu, il y a trois personnes autonomes qui sont unies par l’Amour et qui communiquent entre elles. En venant dans le monde, le Christ  communique aux hommes l’amour qui unit la Trinité. Il leur parle de l’amour du Père qui passe par l’Evangile. Ce dernier est chemin de libération et de salut pour le monde. Jésus apprend à l’homme qui est le Père et comment entrer en communion avec Lui. Cette communion n’est rien d’autre que la communication, le dialogue avec Dieu. En révélant à l’homme le visage de Dieu, le Christ se présente comme le « médiateur » du Père. Il apprend à l’homme à aimer, à communiquer avec Dieu et avec les autres. C’est ce message d’amour que l’Eglise a reçu mission de proclamer à temps et à contretemps (2 Tm 4,2).

B.             Annonce de la Bonne Nouvelle

1.             L’Eglise, gardienne de la Révélation divine

Dieu continue de
communiquer avec l’humanité à travers l’Eglise, dépositaire et gardienne de sa révélation, et à travers le magistère qui a charge d’interpréter la « Parole » de manière authentique (6).

2.             L’Eglise, communion de personnes

De plus, l’Eglise elle-même est une communion de personnes et de communautés eucharistiques issues de la Trinité et reflétant sa communion.

3.             Proclamation de l’Evangile

Il faut dire que « la communication qui s’opère dans l’Eglise et par l’Eglise consiste essentiellement dans l’annonce de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ. C’est la proclamation de l’Evangile comme parole prophétique et libératrice adressée aux hommes et aux femmes de notre temps ; c’est le témoignage rendu, face à une sécularisation radicale, à la vérité divine et à la destinée transcendante de la personne humaine ; c’est, face aux conflits et aux divisions, le parti pris de la justice, en solidarité avec tous les croyants, au service de la communication entre les peuples, les nations et les cultures ». Cela, plus que toute autre, est la raison pour laquelle « la pratique de la communication devrait être exemplaire dans l’Eglise et refléter les modèles les plus élevés de vérité, de responsabilité, de sensibilité aux droits humains, ainsi que d’autres principes et normes importants » (7).

4.             Culture nouvelle à évangéliser

A ce sujet, Jean Paul II a dit  que les médias  sont apparus « sous deux aspects importants et complémentaires : comme univers culturel nouveau qui se constitue, et comme un ensemble de moyens au service de la communication. Ils représentent d’abord une culture nouvelle qui a son langage propre et surtout ses valeurs et contre-valeurs spécifiques. A ce titre, ils ont besoin, comme toute culture, d’être évangélisés. Effectivement, de nos jours, les médias constituent non seulement un monde, mais toute une culture et une civilisation. C’est à ce monde aussi que l’Eglise est envoyée  pour porter la Bonne Nouvelle du Salut » (8).

C.             Axiomes chrétiens pour la communication

L’Eglise a pour mission d’apporter la Bonne Nouvelle à l’homme où qu’il soit. Ainsi l’homme d’aujourd’hui, puisqu’il passe le plus clair de son temps à lire, à écouter la radio, à regarder la télévision ou encore à surfer sur internet, l’Eglise se doit de le rejoindre à travers ces moyens qui sont devenus incontournables.

1.             Dignité

Communio et progressio (9) explique que les médias sont appelés à servir la dignité humaine. Les médias peuvent faire cela en encourageant les hommes et les femmes :

–                à être conscients de leur dignité (chaque personne tire son origine en ce qu’il a été créé à l’image et à la ressemblance de Dieu),

–                à cultiver un sens de responsabilité mutuelle,

–                à croître dans la liberté personnelle, dans le respect de la liberté d’autrui et dans la capacité au dialogue.

2.             Justice et charité

 « Correctement utilisés, les moyens de communication peuvent contribuer à créer et à soutenir une communauté humaine fondée sur la justice et la charité ; et c’est à cette condition qu’ils représenteront des signes d’espérance » (10).

3.             Vérité

La communication doit toujours être fidèle à la vérité. Car la vérité est essentielle à la liberté individuelle et à la communion authentique entre les personnes.

« L’homme ne peut se contenter d’un simple et tolérant échange d’opinions sceptiques et d’expériences de vie : tous, nous sommes des chercheurs de vérité et partageons ce profond désir, spécialement à notre époque où lorsque les personnes s’échangent des informations, déjà elles partagent d’elles-mêmes, leur vision du monde, leurs espoirs, leurs idéaux » (11).

a)             Par conséquent, il est nécessaire d’informer, mais surtout, il est essentiel de former la conscience du peuple et de ceux qui les guident.

b)             Les médias entrent dans la mission de l’Église. Pour cette raison, son utilisation exige la responsabilité et comporte des sacrifices. Il est impératif de ne pas avoir peur de dire la vérité. Même au prix de sa vie. Le Christ et les apôtres ont donné leur vie pour la vérité. Nous non plus, nous n’avons pas le droit de nous taire.

c)              A noter également le danger du détournement et de la falsification de l’information. Il y a une sorte de sélection subjective de la part des journalistes. Ce risque a diminué, il faut remarquer que seul ce qui apparaît dans les médias vaut « actualité ». Mais c’est oublier que l’actualité n’est pas toujours relayée dans la presse. Prenons un exemple: qu’est-ce qui s’est passé ces derniers mois à Jérusalem ? Les medias internationaux se sont centrés sur la situation  syrienne et n’ont guère laissé de  place pour Jérusalem, pour la situation des chrétiens, pour l’occupation militaire…

Les médias peuvent ainsi sélectionner, amplifier, détourner les informations ou « créer » de l’actualité. Comme c’est souvent le cas au Moyen-Orient.

D.             En Orient

1.             Rendre compte

La communication est au cœur du message chrétien ici en Orient comme dans le Monde entier, comme nous le rappelle saint Pierre : « Vous devez toujours être prêts à vous expliquer devant tous ceux qui vous demandent de rendre compte de l’espérance qui est en vous ». (1 P 3, 15).

2.             Domination de la communication

On ne peut pas échapper à la communication ici au Moyen-Orient. Force est de constater que la vie de nos fidèles est dominée par la communication : les nouvelles technologies de la communication, la radio, la télévision, les films,… tous nous dépendons de la communication verbale ou écrite. On l’a vu pour le « printemps arabe ».

3.             Vocation de l’Eglise Mère

Depuis les projets orgueilleux de Babel, la chute dans la confusion et l’incompréhension mutuelle qui en découlèrent (Gn 11, 1-9), jusqu’à la Pentecôte et le don des langues : la communication s’est rétablie et s’est centrée sur Jésus, à travers l’action de l’Esprit Saint. N’oublions pas que c’est de Jérusalem qu’est née l’Eglise primitive. Ils n’étaient que 12 apôtres sans Internet, sans téléphones portable et pourtant la Bonne Nouvelle a envahit l’univers. Voyez comme nous pouvons être efficaces à notre époque !

4.             Eglise universelle

Contrairement aux autres pays du monde qui ne parlent qu’en leur nom, la Terre Sainte, qui fait entendre la voix de l’Eglise sur la scène internationale, a en effet une expérience de la multi-culturalité, dont nul autre Etat ne peut se prévaloir et qu’elle se doit de communiquer au monde. L’Église de Terre Sainte, comme d’ailleurs toutes les Eglises du Moyen-Orient, vit dans une situation de minorité. Mais, ce n’est pas une raison pour se décourager. Bien au contraire. Cette position nous oblige à repenser notre façon de communiquer. Il est nécessaire pour nous d’avoir une  « vision pastorale » et de se fixer des objectifs qui répondent à cette exigence internationale. L’Eglise au Moyen-Orient ne doit plus se contenter d’entretenir le petit troupeau qui reste mais de dépasser les frontières.

5.             Pédagogie

Notre Eglise Mère montre que notre Eglise est une « maman » et c’est bien au fond, d’éducation, qu’il s’agit. Elle est au service d’un message qui ne lui appartient pas. Il ne lui revient pas d’en
reformater le contenu pour le rendre plus aimable mais de le respecter fidèlement et de la présenter d’une manière qui le rende accessible à ses destinataires.

= La Terre Sainte a un rôle de témoignage et d’exemple encore plus qu’ailleurs. C’est d’ici qu’est partie l’annonce de la résurrection au monde entier. Le Monde est tourné vers la Terre Sainte et attend d’elle un témoignage de paix.

II.             Constat : faiblesses et défis en Terre Sainte

A.             Retard

1. Une communauté chrétienne qui ne communique pas n’est pas fidèle à sa vocation. Sur le plan de la communication, notre Eglise a pris du retard.

2. Pourtant, l’Eglise de Terre Sainte s’organise (website du Patriarcat, de la Custodie, des paroisses, newsletters, archives, conférences, colloques à l’étranger, visites de la diaspora, messes télévisées…). S’il est vrai que nos Eglises en Orient ont d’abord privilégié les secteurs de la culture, avec leurs écoles, et universités comme elles ont été pionnières dans le monde médical et sanitaire, il faut avouer que le monde des « Mass Media » n’a pas joui du même intérêt et peu de budget lui a été alloué. 

3. Je voudrais aussi, ici-même, adresser un grand merci à l’Eglise du Liban pour les initiatives concrètes dans l’utilisation de Nour-Sat et Télé lumière. Plusieurs familles chrétiennes du Patriarcat latin de Jérusalem et de Jordanie sont abonnées et suivent volontiers les programmes (messes, prières, films, documentaires, etc…).

4. Je voudrais aussi mentionner la cérémonie d’ouverture le 25 avril prochain du « Catholic Center for Studies and Media » à Amman en Jordanie en présence du Ministre de l’Information et en collaboration avec  Nour Sat et Télé-Lumière. . 

= Investir dans la communication devient une priorité. La technologie représente un coût en effet, et tout à chacun est en droit de se demander pour quelles raisons telle entreprise décide d’investir de l’argent dans la communication. Nous devons le comprendre puis l’expliquer.

B.             Dispersion

1.             Dans nos Eglises  

Les initiatives ne manquent pas mais elles éclosent en ordre dispersé. L’utilisation des médias dans nos églises, à de rares exceptions près, est individuelle et à un niveau souvent modeste par manque de ressources financières et par conséquent professionnelles, ou par manque de coordination.

La plupart de nos paroisses, de nos congrégations, de nos institutions ecclésiales de tout genre (caritatives, juridiques, sanitaires…) ont leur propre website, … Tous font un usage  d’internet dans des projets créatifs. Les groupes ecclésiaux qui n’ont pas encore pris de mesures pour entrer dans l’espace cybernétique, sont encouragés à étudier l’éventualité de le faire au plus tôt.

Notre Patriarcat ne dispose pas encore d’un plan d’enseignement global concernant les médias. Et ce devrait être une priorité au Séminaire.

Là, il y a un énorme travail d’études à faire pour fixer le contour de cet enseignement ainsi que le but à atteindre.

2.             Avec les Eglises d’Orient

A l’échelle du Proche-Orient, nous n’avons pas réellement une politique de communication conjointe. Et Dieu sait que nous en aurions besoin.

D’autre part, les régimes politiques de nos pays ne facilitent pas la création de cette unité dans la communication. C’est un obstacle.

Certes, en 1991, le Conseil des Patriarches catholiques d’Orient a vu le jour. L’un de ses buts est de « donner aux Eglises Catholiques d’Orient la possibilité d’exprimer leur point de vue et d’étudier les questions qui concernent leurs fidèles et leurs pays. » Un autre point est de « promouvoir la justice, la paix, le développement, le respect des droits de l’homme surtout de la femme et de la famille dans nos pays et dans les relations entre les peuples. » D’où l’importance cruciale de mieux communiquer ensemble.

Le Conseil des Patriarches catholiques d’Orient dans leur 6ème lettre pastorale en 1999, avait ensuite insisté sur le projet de « prendre soin des moyens de communication pour leur importance croissante dans le monde d’aujourd’hui et dans nos pays;  suivre et soutenir les moyens de communication chrétiens sous toutes leurs formes dans nos pays; former les consciences à bien employer les différents moyens de communication, et créer des organismes spécialisés pour agir en ce domaine » en vue de « contribuer » à « édifier une société saine, stable, et évoluée » (12).

= A l’intérieur de notre diocèse comme avec nos diocèses voisins : il faudrait unir nos forces de communications.

Nous devons alors collaborer au:

o               développement d’une pastorale de la communication appelée à relever le défi lancé par les médias à l’Eglise ;

o               développement de sessions de formation communes ;

o               développement de synergies sur les aspects fonctionnels, techniques ou professionnels.

C.             Pèlerinages

1.             Vecteur de communication

Nous avons entre les mains la puissance des pèlerinages comme vecteurs de communication. La Terre Sainte se raconte. Nous parlons d’une terre bénie dans tous les sens du terme, qui devrait porter en elle une « contagion bénéfique ».

Je salue d’ailleurs les efforts louables à ce titre de la Custodie de Terre Sainte qui à travers l’Association de Terre Sainte a récemment mis à la disposition des touristes le « Nouveau guide du pèlerin » du Saint Sépulcre. Elle a aussi soutenu le musée du Studium Biblicum Franciscanum, dont le but est de faire naître un musée chrétien moderne, envisagé comme un complexe intégré de communication et de production culturelle au service des pèlerins, des touristes et des universitaires.

2.             Importance de l’accueil des pèlerins

Puisque l’accueil des pèlerins par l’Eglise est aussi un moyen de communication, il faut impérativement soigner leur venue dans nos pays. Notre Eglise locale dans toutes ses structures : paroisses, communautés religieuses et responsables des sanctuaires sont bien disposés à cet accueil. Nous encourageons les pèlerins à assister un dimanche à une messe paroissiale pour rencontrer les pierres vivantes de cette Eglise. Et quand ils repartent chez eux, qu’ils partagent leur expérience de la Terre Sainte !

3.             Formation des guides

Nous devons également veiller à la bonne formation de nos guides pour la visite des Lieux Saints. Le souci est qu’Israël veut monopoliser cette activité, étant donnée l’importance de la communication.

= A nous de bien recevoir les pèlerins, de leur enseigner le Cinquième évangile et qu’ils communiquent au monde la Terre Sainte.

D.             La Nouvelle évangélisation

1.             Les médias comme soutien

Le Pape Benoît XVI dans la perspective du Synode pour la Nouvelle Evangélisation en octobre prochain, rappelle le « défi des moyens de communication sociale qui offrent aujourd’hui d’immenses possibilités ». Et il souligne que « de nos jours, il n’existe aucun lieu au monde qui ne puisse être atteint et, donc être  influencé par la culture médiatique et numérique qui se structure toujours plus comme étant le « lieu » de la vie publique et de l’expérience sociale. La diffusion de cette culture porte en soi des bénéfices certains : un plus grand accès aux informations, davantage de possibilités de connaissance et d’échanges, de nouvelles formes de solidarité, de capacité de construire une culture t
oujours plus de dimension mondiale, faisant des valeurs et des meilleures expressions de la pensée et de l’expression humaine le patrimoine de tous » (13).

2.             S’approprier les outils modernes de la communication

Il faut nous approprier les outils modernes. Internet est approprié pour de nombreuses activités et programmes d’évangélisation de l’Eglise.

3.             Rôle de l’image

Dans la situation actuelle, avec le rythme effréné de la vie quotidienne, on constate que les personnes lisent de moins en moins et apprécient de regarder plus de photos. C’est donc un élément à considérer dans la nouvelle évangélisation : Il faut utiliser plus le langage des images.

Mais cela ne veut pas dire non plus occulter les moyens traditionnels d’information (journaux, articles de fond, dossiers spéciaux, interviews,…). D’ailleurs les images complètent souvent les autres medias notamment l’audiovisuel.

= Nous, les différents Patriarcats d’Orient, devons utiliser les médias pour rappeler que la nouvelle évangélisation passe par un retour aux racines de la foi. Jérusalem doit surfer sur les nouveaux médias.

III.            Recommandations

– Après ce constat, il est clair que nos Eglises ont besoin de personnes spécialisées et formées dans les domaines de la communication. Le manque chronique de moyens financiers  ne doit pas être un obstacle.

– La communication n’est pas seulement une question de technique: on peut être à la pointe du progrès et avoir une communication déficiente. Tout passe par la formation. (14)

A.             Nécessité de former les séminaristes et les prêtres

1. Il faut nécessairement former les prêtres et les religieux, dès le séminaire, à bien communiquer. « L’initiative vise à réaliser les vœux du Saint Père constatant qu’évangéliser aujourd’hui, requiert une connaissance des instances culturelles modernes, dont les médias. Elle vise aussi à mettre en œuvre les orientations pour la formation des futurs prêtres publiées en 1986 par la Congrégation pour l’éducation catholique, lesquelles insistaient pour une formation des prêtres à la communication et aux médias » (15) et à réaliser efficacement la mission de l’Église. Le Christ lui-même ne communiquait-il pas différemment lorsqu’il s’agissait de la Samaritaine ou des publicains ? Il en résulte donc une nécessité pour l’Eglise de se construire sur le neuf, en mettant en lumière les potentiels de chacun.

2. Le fait de considérer les médias comme un « soutien » à l‘évangélisation, signifie qu’ils ne sont plus seulement une technique au service de l’Evangile. Ils ne sont plus l’affaire de spécialistes laïcs seulement : « le développement actuel des communications sociales pousse l’Eglise à une sorte de révision pastorale et culturelle permettant de faire face au changement d’époque que nous vivons » (16).

3. La situation (politique et sociale essentiellement) que nos Eglises traversent, constituent une urgence extraordinaire pour nous renouveler. Un renouvellement qui passe par un accompagnement personnalisé des prêtres et par une prise en compte de leurs compétences et talents dans l’accomplissement de la mission qui leur est confiée. D’où l’importance d’investir dans des moyens financiers et en ressources humaines.

4. Le séminaire doit former les prêtres pour se préparer :

–  à l’évangélisation numérique,

– à mieux prendre en compte les médias et la communication dans leur action pastorale.

5. – Cette formation pourrait se faire au travers des moyens modernes de communication

– Le prêtre pourra faire connaître la vie de l’Église et aider les hommes d’aujourd’hui à découvrir  le  visage du Christ,

– La formation pourrait conjuguer l’emploi opportun et compétent de tels instruments, acquis aussi durant la période de formation,  au côté d’une solide préparation théologique et d’une forte spiritualité sacerdotale, alimentée par un dialogue continu avec le Seigneur.

Plus que la main de l’opérateur de media, le prêtre dans l’impact avec le monde numérique, doit faire transparaître son cœur de consacré.

6. Importance du discernement et de l’esprit critique

La communication apporte aussi des dangers. « Il faudra veiller à prévenir les impacts négatifs des media : la manipulation des masses, la floraison des sectes, de la violence et de la pornographie, l’anticléricalisme international » (17).

Nous devons dénoncer le monopole de ces moyens de communication et leur manipulation sur l’homme. Le pape Benoît XVI a appelé les prêtres à utiliser toutes ses possibilités d’internet, mais « avec sagesse », dans son message pour la 44e journée mondiale des communications sociales. Dans ce message, intitulé « Le prêtre et la pastorale dans le monde numérique : les nouveaux médias au service de la Parole », Benoît XVI met en garde contre le risque de « considérer de façon erronée le web seulement comme un espace à occuper ». Et il recommande aux prêtres d’être présents sur la Toile « dans la fidélité constante au message évangélique. »

– Le prêtre doit savoir déléguer avec sagesse tout en étant responsable de la « théologie » de la communication de sa paroisse ou de son diocèse. 

– Ceci dit, la réalité virtuelle ne remplace pas la présence réelle du Christ dans l’eucharistie, la réalité sacramentelle des autres sacrements, et la participation au culte dans une communauté humaine faite de chair et de sang. Il n’y a pas de sacrements sur Internet ; et même les expériences religieuses qui y sont possibles par la grâce de Dieu, ne suffisent pas si elles sont séparées de l’interaction dans le monde réel avec d’autres personnes de foi.

B.             Formation pour tous les autres membres de l’Eglise

L’éducation et la formation à internet et aux nouveaux médias devraient faire partie de programmes complets d’éducation aux membres de l’Église.

La proposition 30 du Message du Synode pour le Moyen-Orient est clair là-dessus :   « Tout baptisé doit être prêt à rendre raison de sa foi en Jésus-Christ et à avoir le souci de proposer l’Évangile sans timidité, mais aussi sans provocation. La formation visera la célébration des mystères, le savoir, le vivre et l’agir….   Il est important que la formation implique l’apprentissage aux techniques modernes et à la science des communications. (…) Au niveau universitaire, nous encourageons la création d’une association des institutions de formation supérieure, avec une attention particulière à la Doctrine sociale de l’Église »(18).

1.             Les responsables ecclésiaux

Ils doivent apprendre à connaître les médias et appliquer cette connaissance à l’élaboration de plans pastoraux pour les communications sociales, ainsi que de politiques et programmes concrets dans ce domaine, et faire un usage approprié des médias. Si nécessaire, ils devraient eux-mêmes recevoir une formation en matière de médias ; en effet, l’Eglise serait mieux servie si les personnes accomplissant des fonctions et des rôles en son nom, recevaient une formation en communication. 

2.             La collaboration avec équipes pastorales

La Proposition 31 du Message du Synode pour le Moyen-Orient s’adresse aux agents pastoraux : « Pour la formation de cadres et d’agents pastoraux dans les différents domaines, on propose de fonder et de développer des Centres de formation inter-ecclésiaux dans chaque pays. On recommande qu’ils utilisent les nouveaux moyens audio-visuels de communication. Le matériel produit devrait être disponible sur Internet et sur des DVD, pour permettre la plus grande diffusion avec les moindres dépen
ses.» (19)

Quant au personnel ecclésial directement engagé dans les médias, il va sans dire, qu’il doit recevoir une formation professionnelle, mais il a également besoin d’une formation doctrinale et spirituelle.

3.             Aux éducateurs et aux catéchistes

–                L’Instruction pastorale Communio et progressio a parlé de la « tâche urgente » des écoles catholiques de former les communicateurs et les destinataires des communications sociales aux principes chrétiens appropriés. À l’époque d’internet, avec son immense portée et impact, ce besoin est plus urgent que jamais.

–                Les universités, collèges et écoles catholiques, ainsi que les programmes éducatifs à tous les niveaux, devraient mettre en place des cours pour divers groupes « des séminaristes, des prêtres, des religieux et religieuses ou des animateurs laïcs […] des enseignants, des parents et des étudiants » (20).

–                Une formation plus avancée dans le domaine de la technologie de communication, la gestion, l’éthique et les politiques de communication est nécessaire pour les personnes se préparant à une spécialisation dans les médias ou à des fonctions au niveau décisionnel, y compris ceux qui travaillent dans les communications sociales de l’Eglise. Un approfondissement ultérieur pourrait se faire dans les institutions catholiques d’éducation supérieure.

C.             Nos écoles et nos Universités

Ce nouveau virage fait des médias un grand chantier pour l’Eglise catholique d’Orient.

1. Nos écoles et nos universités proposent déjà des cours et des programmes de la Communication et de l’Information. 

2. La théologie devrait être sollicitée pour éclairer de sa réflexion les questions majeures de cette pastorale. Dans ces formations, ces initiatives de recherche, d’enseignement, je lance un appel à s’engager sur un nouveau « chantier » théologique, celui de la réflexion chrétienne sur la communication et les médias.

3. Développons un programme qui mêleraient des matières théologico-philosophiques, et l’ecclésiologie, en complément d’autres comme l’étude de la littérature et de l’histoire du cinéma, de la rhétorique et d’autres encore plus spécifiques comme l’étude de l’opinion publique, la communication audiovisuelle ou les rapports avec les médias.

5. Il s’agit non seulement de connaître les techniques appropriées de communication, mais encore d’intégrer le message chrétien dans le monde contemporain, de le rendre également compréhensible aux moyens de communication, et de découvrir sa force comme fondation pour l’édification des cultures du XXIème siècle.

6. Créer des liens entre nos étudiants, nos universités et nos séminaires: organiser des « Semaines de Théologie et Communication », puis des « Journées de réflexion pastorale sur la communication. »

7. Réunir des personnes à double compétence :

•               d’un côté une pratique médiatique, dans un champ ou un autre (dans le journalisme, la radio, la TV, l’édition, les relations publiques, l’animation socio – culturelle, la pédagogie audiovisuelle…),

•               de l’autre, une capacité de réflexion pastorale et théologique.

8. Apprendre à relire l’actualité ecclésiale avec l’émergence des communautés nouvelles,(qui par ailleurs sont quelques fois plus préparées et avec plus de moyens financiers que la paroisse classique) la tenue des synodes diocésains ou romains, les crises entre médias et chrétiens, les pratiques liturgiques innovantes, la création de nouvelles paroisses, …) sous l’angle de la communication interne et/ou publique des Eglises.

Conclusion

En définitive,

– Les mass media sont un don de Dieu pour notre temps, pour exprimer le message de l’Evangile. Nous n’avons pas le droit de ne pas en profiter.

– Il est bien clair que la technologie des médias est nouvelle, mais non pas la Bonne Nouvelle. L’utilisation des moyens modernes de communication est incontournable, pour la transmission de la foi, l’évangélisation, l’action éducative, la formation à la paix.

– Nous devons répondre à un besoin précis du monde contemporain arabe — celui d’encourager, avec compétence professionnelle et sens ecclésial, le secteur de l’opinion publique et des moyens de communication sociale à avoir une compréhension chaque fois plus pertinente de la richesse qui naît de la vie de l’Église. Il faut donc sans cesse encourager à rendre compte avec exactitude des événements et d’illustrer honnêtement tous les différents points de vue.

– Je désire de tout cœur que nos efforts favorisent la diffusion et l’inculturation de l’Évangile, Bonne Nouvelle de libération authentique, dans tous les secteurs de la vie sociale et civile. Nous et nos frères prêtres, tous pasteurs avons à transmettre un trésor. Il importe d’être formés.  Comme tous les chrétiens de nos cités. Au sein des structures paroissiales ou diocésaines, il serait intéressant que professionnels et non professionnels, se retrouvent régulièrement pour échanger, se former, etc…

– Notre Eglise a une tâche urgente : passer d’une « pastorale » de l’information à une stratégie de communication.  Ne ratons pas la génération présente !

Comme l’a dit le Saint-Père dans son message pour la 46ème Journée mondiale des communications sociales qui aura lieu le 20 mai 2012).  « S’éduquer à la communication veut dire apprendre à écouter, à contempler, bien plus qu’à parler, et ceci est particulièrement important pour les acteurs de l’évangélisation : silence et parole sont les deux éléments essentiels et parties intégrantes de l’action de communiquer de l’Église, pour un renouveau de l’annonce du Christ dans le monde contemporain.» (21) Le St Père confie d’ailleurs à Marie, dont le silence « écoute et fait fleurir la Parole », toute l’œuvre d’évangélisation que l’Église accomplit à travers les moyens de communication sociale.

Merci pour votre écoute et grand merci pour le Conseil Pontifical des communications, d’avoir lancé cette initiative.

+ Patriarche Fouad Twal

NOTES:

(1)            Rapport après le débat général du Synode pour le Moyen-Orient 2010.

(2)            Ecclesia in Africa, n.71.

(3)            Aldo Falcon, L’Eglise intervient (Kinshasa, Limeté : Edition Mediaspaul, 1995) ,143.

(4)            L’Eglise et Internet – John P. Foley – Conseil Pontifical pour les Communications sociales –  2 février 2002.

(5)            Ethique dans la communication sociale, n° 3.

(6)            Concile Vatican II, Constitution dogmatique sur la Révélation divine, « Dei Verbum », n° 10.

(7)            Ethique dans la communication sociale, n° 27.

(8)            Ecclésia in Africa, n.71.

(9)            Instruction pastorale – Rome, dans la cinquième Journée mondiale des moyens de communication sociale, le 23 mai 1971.

(10)         Jean- Paul II, message à l’occasion de la 32ème journée des communications sociales, 1998).

(11)         Message du Pape Benoît XVI pour la 46ème Journée mondiale des communications sociales qui  aura lieu le 20 mai 2012.

(12)         6ème Lettre Pastorale des Patriarches Catholiques d’Orient adressée à leurs fidèles en Orient et dans la Diaspora. Noël 1999.

(13)         Lineamenta, La nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne, Cité du Vatican, 2011.

(14)         Rapport après le débat général du Synode pour le Moyen-Orient
2010).

(15)         CREC, Centre de recherche et de communication au service des institutions chrétiennes.

(16)         Lettre apostolique – Le progrès rapide  – de Jean-Paul II aux responsables des communications sociales – du Vatican, le 24 janvier 2005).

(17)         Rapport après le débat général du Synode pour le Moyen-Orient 2010.

(18)         Message issu du Synode pour le Moyen-Orient.

(19)         Ibid.

(20)         L’Eglise et Internet – John P. Foley – Conseil pontifical pour les communications sociales –  2 février 2002.

(21)         Prière pour l’Agora des Jeunes à Lorette, 1-2 septembre 2007.

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ZENIT Staff

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