ROME, Mercredi 17 août 2011 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de l’homélie prononcée par Benoît XVI le lundi 15 août dernier, solennité de l’Assomption de la Vierge Marie, en l’église paroissiale San Tommaso da Villanova à Castel Gandolfo.
Chers frères et sœurs,
nous sommes réunis une fois de plus pour célébrer l’une des fêtes les plus antiques et les plus aimées dédiées à la Très Sainte Vierge Marie : la fête de son Assomption à la gloire du Ciel, âme et corps, c’est-à-dire de tout son être humain, dans l’intégrité de sa personne. Ainsi nous est donnée la grâce de renouveler notre amour à Marie, de l’admirer et de la louer pour les « grandes choses » que le Tout-Puissant a faites pour Elle et a opérées en Elle.
En contemplant la Vierge Marie, une autre grâce nous est donnée : celle de pouvoir voir également notre vie en profondeur. Oui, car notre existence quotidienne elle aussi, avec ses problèmes et ses espérances, reçoit une lumière de la Mère de Dieu, de son parcours spirituel, de son destin de gloire : un chemin et un objectif qui peuvent et qui doivent devenir, d’une certaine façon, notre même chemin et notre même objectif. Nous nous laissons guider par les passages de l’Ecriture Sainte que nous propose la liturgie d’aujourd’hui. Je voudrais m’arrêter en particulier sur une image que nous trouvons dans la première lecture, tirée de l’Apocalypse, et à laquelle fait écho l’Evangile de Luc : c’est-à-dire celle de l’arche.
Dans la première lecture, nous avons entendu : « Alors s’ouvrit le temple de Dieu, dans le ciel, et son arche d’alliance apparut, dans le temple » (Ap 11, 19). Quelle est la signification de l’arche ? Qu’est-ce qui apparaît ? Pour l’Ancien Testament, elle est le symbole de la présence de Dieu parmi son peuple. Mais désormais, le symbole a laissé la place à la réalité. Ainsi, le Nouveau Testament nous dit que la véritable arche de l’alliance est une personne vivante et concrète : c’est la Vierge Marie. Dieu n’habite pas un meuble, Dieu réside dans une personne, dans un cœur : Marie, Celle qui a porté dans son sein le Fils éternel de Dieu fait homme, Jésus, notre Seigneur et Sauveur. Dans l’arche — comme nous le savons — étaient conservées les deux tables de la loi de Moïse, qui manifestaient la volonté de Dieu de conserver l’alliance avec son peuple, en indiquant les conditions pour être fidèles au pacte de Dieu, pour être conformes à la volonté de Dieu et ainsi, également, à notre vérité profonde. Marie est l’arche de l’alliance car elle a accueilli Jésus en elle ; elle a accueilli en elle la Parole vivante, tout le contenu de la volonté de Dieu, de la vérité de Dieu ; elle a accueilli en elle Celui qui est l’alliance nouvelle et éternelle, qui a culminé dans le don de son corps et de son sang : un corps et un sang reçus de Marie. C’est donc à juste titre que la piété chrétienne, dans les litanies en l’honneur de la Vierge, s’adresse à Elle en l’invoquant comme Foederis Arca, c’est-à-dire « arche de l’alliance », arche de la présence de Dieu, arche de l’alliance d’amour que Dieu a voulu établir de façon définitive avec toute l’humanité dans le Christ.
Le passage de l’Apocalypse veut indiquer un autre aspect important de la réalité de Marie. Arche vivante de l’alliance, Elle possède un destin de gloire extraordinaire, car elle est unie de façon si étroite au Fils qu’elle a accueilli dans la foi et engendré dans la chair, qu’elle en partage pleinement la gloire au ciel. C’est ce que nous suggèrent les paroles que nous avons entendues : « Un signe grandiose apparut au ciel : une Femme ! Le soleil l’enveloppe, la lune est sous ses pieds et douze étoiles couronnent sa tête ; elle est enceinte… la Femme mit au monde un enfant mâle, celui qui doit mener toutes les nations… » (12, 1-2; 5). La grandeur de Marie, Mère de Dieu pleine de grâce, pleinement docile à l’action de l’Esprit Saint, vit déjà dans le Ciel de Dieu de toute sa personne, âme et corps. Saint Jean Damascène, en se référant à ce mystère, affirme dans une homélie célèbre : « Aujourd’hui la sainte et l’unique Vierge est amenée au temple céleste… Aujourd’hui l’arche sacrée et vivante du Dieu vivant, celle qui a porté dans son sein son Auteur, se repose dans le temple du Seigneur non fait de main d’homme… » (Deuxième homélie sur la dormition, 2, PG 96, 723) et poursuit : « Il fallait que celle qui avait donné asile au Verbe divin dans son sein, vînt habiter dans les tabernacles de son Fils… Il fallait que l’Epouse que le Père s’était choisie vînt habiter au ciel la demeure nuptiale » (ibid., 14, PG 96, 742). Aujourd’hui, l’Eglise chante l’amour immense de Dieu pour sa créature : elle l’a choisie comme véritable « arche de l’alliance », comme Celle qui continue à engendrer et à donner le Christ Sauveur à l’humanité, comme Celle qui partage au Ciel la plénitude de la gloire et jouit du bonheur même de Dieu et, dans le même temps, nous invite également à devenir, de notre modeste façon, une « arche » dans laquelle est présente la Parole de Dieu, qui est transformée et vivifiée par sa présence, lieu de la présence de Dieu, afin que les hommes puissent rencontrer dans l’autre homme la proximité de Dieu et vivre ainsi en communion avec Dieu et connaître la réalité du Ciel.
L’Evangile de Luc que nous venons d’écouter (cf. Lc 1, 39-56), nous montre cette arche vivante, qu’est Marie, en mouvement : ayant quitté sa maison de Nazareth, Marie se met en route vers la montagne pour rejoindre en hâte une ville de Juda et se rendre à la maison de Zacharie et Elisabeth. Il me semble important de souligner l’expression « en hâte » : les choses de Dieu méritent qu’on se hâte ; je dirais même que les seules choses au monde qui méritent que l’on se hâte sont précisément celles de Dieu, qui revêtent un caractère de véritable urgence pour notre vie. Alors Marie entre dans cette maison de Zacharie et Elisabeth, mais elle n’y entre pas seule. Elle y entre en portant dans son sein son fils, qui est Dieu lui-même fait homme. Il est certain qu’on l’attendait, ainsi que son aide, dans cette maison, mais l’évangéliste nous fait comprendre que cette attente renvoie à une autre, plus profonde. Zacharie, Elisabeth et le petit Jean-Baptiste sont, en effet, le symbole de tous les justes d’Israël, dont le cœur, riche d’espérance, attend la venue du Messie sauveur. Et c’est l’Esprit Saint qui ouvre les yeux d’Elisabeth et qui lui fait reconnaître en Marie la véritable arche de l’alliance, la Mère de Dieu, qui vient lui rendre visite. Et ainsi, la parente âgée l’accueille en poussant « un grand cri » : « Bénie es-tu entre les femmes, et béni le fruit de ton sein ! Et comment m’est-il donné que vienne à moi la mère de mon Seigneur ? » (Lc 1, 42-43). C’est le même Esprit Saint qui, devant Celle qui porte le Dieu fait homme, ouvre le cœur de Jean-Baptiste dans le sein d’Elisabeth. Elisabeth s’exclame : « Car, vois-tu, dès l’instant où ta salutation a frappé mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en mon sein » (v. 44). Ici, l’évangéliste Luc utilise le terme « skirtan », c’est-à-dire « sautiller », le même terme que nous trouvons dans l’une des plus anciennes traductions grecques de l’Ancien Testament pour décrire la danse du Roi David devant l’arche sainte qui est enfin revenue dans sa patrie (2 S 6, 16). Dans le sein de sa mère, Jean-Baptiste danse devant l’arche de l’Alliance, comme David ; et il reconnaît ainsi : Marie est la nouvelle arche de l’alliance, devant laquelle le cœur exulte de joie, la Mère de Dieu présente dans le monde, qui ne garde pas pour elle cette divine présence, mais l’offre en partageant la grâce
de Dieu. Et ainsi — comme le dit la prière — Marie est réellement « causa nostrae laetitiae », l’« arche » dans laquelle le Sauveur est réellement parmi nous.
Chers frères ! Nous parlons de Marie mais, dans un certain sens, nous parlons également de nous, de chacun de nous : nous aussi sommes les destinataires de l’amour immense que Dieu a réservé — certes, de façon absolument unique et irremplaçable — à Marie. En cette solennité de l’Assomption, tournons notre regard vers Marie : Elle nous ouvre à l’espérance, à un avenir plein de joie, et nous enseigne la voie pour y parvenir : accueillir dans la foi son Fils ; ne jamais perdre l’amitié avec Lui, mais nous laisser illuminer et guider par sa parole ; le suivre chaque jour, même dans les moments où nous sentons que nos croix deviennent lourdes. Marie, l’arche de l’alliance qui est dans le sanctuaire du Ciel, nous indique avec une clarté lumineuse que nous sommes en chemin vers notre véritable Maison, la communion de joie et de paix avec Dieu. Amen !
© Copyright du texte original en italien : Libreria Editrice Vaticana
Traduction française : Zenit