Excellences, chers frères et sœurs, chers amis,
Volontiers nous participons aujourd’hui à cette messe de suffrage pour notre bien-aimé Monseigneur Sambi, un homme de Dieu qui a passionnément servi son Eglise, par son intelligence, sa délicatesse, sa bonté. Un homme qui pendant de nombreuses années a fait fructifier les talents reçus ici, en Terre Sainte. De 1998 à 2005, il fut ainsi Nonce pour Israël et pour Chypre, et délégué apostolique pour Jérusalem et les Territoires palestiniens. Notre frère est retourné au Père le 27 juillet dernier, à l’âge de 73 ans, suite à des complications de son état de santé. Il se trouvait aux Etats-Unis, là où il servait depuis son départ de Jérusalem en tant que Nonce apostolique. Un poste important, une marque de confiance.
Les lectures d’aujourd’hui, et tout particulièrement l’Évangile, nous introduisent dans le mystère de la gloire promise par le Seigneur, celle que nous sommes tous appelés à contempler un jour, lorsque s’achèvera notre passage dans le monde et que nous entrerons dans la vie éternelle, en compagnie de tous ceux qui nous ont précédés.
Lors de l’épisode de la Transfiguration, Jésus emmène Pierre, Jacques et Jean ses disciples préférés à l’écart, , « sur une haute montagne » (Mt 17 ; 1), pour y apparaître dans sa gloire. Certes, la Transfiguration suscite d’abord la frayeur des disciples, mais elle est surtout le signe de la divinité de ce Jésus ; c’est un avant-goût de sa Résurrection à venir. Par la manifestation de sa gloire, il leur signifie qu’eux aussi sont appelés à une telle gloire, à une nouvelle nature. Chaque homme est appelé à cette gloire. Nous sommes appelés à cette gloire en compagnie de ceux qui nous ont quittés. « N’ayez pas peur », dit Jésus, dans la maison de mon Père, il y a de la place pour tout le monde.
La place de cet épisode dans l’Évangile n’est pas anodine. En effet, le passage de la Transfiguration se situe entre deux annonces de la Passion. Bientôt, les mêmes disciples qui ont été choisis pour contempler la gloire du Christ seront les témoins privilégiés de ses souffrances et de sa mort. C’est bien là le mystère de notre foi, c’est bien le caractéristique de notre Eglise : Eglise du Calvaire, comme elle est aussi l’Eglise de l’espérance et de la gloire. Pendant sa vie, Jésus s’est heurté aux incompréhensions, aux calomnies ; il a subi la Passion, est mort, pour que se manifeste avec puissance sa Résurrection, qui devait nous racheter une fois pour toutes.
Notre chemin en ce monde est ainsi fait de peines et de consolations. Il nous est parfois donné de contempler le Seigneur dans sa gloire, de voir ses merveilles, son action dans nos vies. Dans son grand amour, notre Père est plein d’attentions à notre égard, il nous console, nous fait goûter sa bonté. Mais c’est aussi pour que nous soyons prêts au temps de l’épreuve.
Mgr Sambi a vécu cette dimension dramatique de notre foi. Ecclésiastique de premier rang, brillant diplomate, il a connu les satisfactions du travail bien fait, de la mission menée à bien, tout au long d’une carrière qui le mena à servir dans de nombreux pays. Né le 27 juin 1938 à Sogliano, près de Rimini, en Italie, il a été ordonné prêtre en 1964. Cinq ans plus tard, il est entré au service diplomatique du Saint-Siège, en se rendant au Cameroun. Dans les années 1970 et 1980, le jeune Secrétaire de Nonciature a travaillé successivement à Jérusalem, quand la ville faisait partie de la Jordanie, puis à Cuba, en Algérie, au Nicaragua, en Belgique et en Inde. En 1985, il a été nommé Pro-nonce apostolique au Burundi. Mgr Sambi a ensuite été nonce en Indonésie de 1991 à 1998, avant d’être nommé nonce et délégué apostolique en Terre Sainte.
Une Terre qu’il a tant aimée et pour qui il a tant donné. Rappelons-nous du voyage du Bienheureux Jean-Paul II ici, en l’an 2000, un pèlerinage délicat, soigneusement préparé par Mgr Sambi, et dont les fruits nous nourrissent encore aujourd’hui. Rappelons-nous de sa voix qui n’hésitait pas à dénoncer les injustices, nombreuses en notre terre, ou encore de son rôle lors du siège de la Nativité en 2002… Mais au-delà de ses talents intellectuels et de diplomate, c’était un véritable pasteur, marqué par une joie et un enthousiasme authentiques, une personne qui savait entrer en relation avec l’autre.
Je m’en souviens comme d’un homme de contact hors pair. Tel était Mgr Sambi, le secrétaire de Nonciature que j’ai connu en Nicaragua quand j’étais moi-même jeune secrétaire de Nonciature au Honduras, en Amérique centrale. Le travail de Bureau ne l’a jamais empêché de descendre sur le terrain et de se mêler aux hommes. En contact d’amitié et de travail avec la population et avec les dirigeants politiques, il faisait grandir et savait tirer le meilleur de ses interlocuteurs. Je suis sûr qu’en cette con-cathédrale, plusieurs d’entre nous qui ont connu de prés notre défunt pourraient s’associer à cet hommage envers un Archevêque qui a su aimer cette Terre Sainte.
Jérusalem est la vraie image de chaque vie. Jérusalem qui joint les croix de chaque jour aux petites joies quotidiennes, nous montre la dimension dramatique de chaque vie humaine et de chaque mission. Elle est aussi à l’image de la vie de Mgr Sambi, qui, lui aussi, est passé par les difficultés, la maladie. Mais la Résurrection promise par Jésus, que la Parole de Dieu répercute abondamment dans chaque liturgie, est la seule réponse valable à notre besoin de vivre sans fin.
Chers Amis, notre célébration aujourd’hui est plutôt une action de grâce, qui nous permet d’inscrire nos motifs personnels de reconnaissance au Seigneur, pour ce que nous avons connu particulièrement de notre défunt, lors de son service à Jérusalem, en faveur de la paix et de la justice, comme aussi ses multiples services en faveur des communautés religieuses qui recouraient à lui, trouvant toujours un cœur ouvert à écouter, même s’il n’était pas toujours possible de donner une réponse favorable à leurs requêtes, comme c’est le cas encore aujourd’hui avec Mgr Antonio Franco.
« La vie est trop belle pour ne pas être éternelle ». C’est précisément cette certitude de notre Résurrection que nous célébrons en ce moment, en offrant cette Messe en suffrage de l’âme de notre frère et ami Mgr Pietro Sambi, en attendant le bonheur de le rejoindre dans la maison du Père. Amen.
+ Fouad Twal, Patriarche
Jérusalem, 6 Août 2011