Benoît XVI évoque la théologie du corps et de l'amour : Discours du 13 mai

30e anniversaire de l’Institut Jean-Paul II pour le mariage et la famille

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 ROME, Mardi 17 mai 2011 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte du discours prononcé par le pape Benoît XVI vendredi 13 mai à l’occasion du 30ème anniversaire de la fondation de l’Institut pontifical Jean-Paul II pour les études sur le mariage et la famille. Le pape recevait les participants à la rencontre promue par l’Institut à cette occasion.

Messieurs les cardinaux,

vénérés frères dans l’épiscopat

et dans le sacerdoce,

chers frères et sœurs,

C’est avec joie que je vous accueille aujourd’hui, quelques jours après la béatification du Pape Jean-Paul II, qui, il y a trente ans, comme nous l’avons entendu, voulut fonder dans le même temps le Conseil pontifical pour la famille et votre Institut pontifical ; deux organismes qui montrent qu’il était fermement convaincu de l’importance décisive de la famille pour l’Eglise et pour la société. Je salue les représentants de votre grande communauté présente désormais sur tous les continents, ainsi que la Fondation de grand mérite pour le mariage et la famille que j’ai créée pour soutenir votre mission. Je remercie le président, Mgr Melina, pour les paroles qu’il m’a adressées au nom de tous. Le nouveau bienheureux Jean-Paul II, qui, comme cela a été rappelé, fut victime il y a trente ans précisément du terrible attentat Place Saint-Pierre, vous a confié, en particulier, pour l’étude, la recherche et la diffusion, ses « catéchèses sur l’amour humain », qui contiennent une profonde réflexion sur le corps humain. Conjuguer la théologie du corps et celle de l’amour pour trouver l’unité du chemin de l’homme : tel est le thème que je voudrais vous indiquer comme horizon pour votre travail.

Peu de temps après la mort de Michel-Ange, Paolo Veronese fut convoqué par l’Inquisition, accusé d’avoir peint des figures inappropriées autour de la Dernière Cène. Le peintre répondit que dans la chapelle Sixtine également, les corps étaient représentés nus, de façon peu respectueuse. Ce fut précisément l’inquisiteur qui prit la défense de Michel-Ange à travers une réponse devenue célèbre : « Ne sais-tu pas qu’il n’y a rien dans ces figures qui ne soient de l’esprit ? ». Vivant à l’époque moderne, nous avons du mal à comprendre ces paroles, car le corps nous apparaît comme une matière inerte, lourde, opposée à la connaissance et à la liberté propres à l’esprit. Mais les corps peints par Michel-Ange sont habités de lumière, de vie, de splendeur. Il voulait montrer ainsi que nos corps cachent un mystère. En eux, l’esprit se manifeste et est à l’œuvre. Ils sont appelés à être des corps spirituels, comme le dit saint Paul (1 Co 15, 44). Nous pouvons alors nous demander : ce destin du corps peut-il illuminer les étapes de son chemin ? Si notre corps est appelé à être spirituel, son histoire ne devra-t-elle pas être celle de l’alliance entre le corps et l’esprit ? En effet, loin de s’opposer à l’esprit, le corps est le lieu où l’esprit peut habiter. A la lumière de cela, il est possible de comprendre que nos corps ne sont pas une matière inerte, lourde, mais qu’ils parlent, si nous savons les écouter, le langage du véritable amour.

Le premier mot de ce langage se trouve dans la création de l’homme. Le corps nous parle d’une origine que nous n’avons pas conférée à nous-mêmes. « C’est toi… qui m’as tissé au ventre de ma mère » dit le Psalmiste au Seigneur (Ps 139, 13). Nous pouvons affirmer que le corps, en nous révélant l’Origine, porte en lui une signification filiale, car il nous rappelle notre engendrement, qui puise, à travers nos parents qui nous ont transmis la vie, au Dieu Créateur. Ce n’est que lorsqu’il reconnaît l’amour originel qui lui a donné la vie que l’homme peut s’accepter, qu’il peut se réconcilier avec la nature et avec le monde. A la création d’Adam suit celle d’Eve. La chair, reçue de Dieu, est appelée à rendre possible l’union d’amour entre l’homme et la femme et à transmettre la vie. Les corps d’Adam et d’Eve apparaissent, avant la chute, en parfaite harmonie. Il y a en eux un langage qu’ils n’ont pas créé, un eros enraciné dans leur nature, qui les invite à se recevoir mutuellement par le Créateur, pour pouvoir ainsi se donner. Nous comprenons alors que, dans l’amour, l’homme est « recréé ». Incipit vita nova, disait Dante (Vita Nuova, i, 1), la vie de la nouvelle unité des deux en une seule chair. La véritable fascination de la sexualité naît de la grandeur de cet horizon qui s’ouvre : la beauté intégrale, l’univers de l’autre personne et du « nous » qui naît dans l’union, la promesse de communion qui se cache, la fécondité nouvelle, le chemin que l’amour ouvre vers Dieu, source de l’amour. L’union en une seule chair se fait alors union de toute la vie, tant que l’homme et la femme deviennent également un seul esprit. C’est ainsi que s’ouvre un chemin dans lequel le corps nous enseigne la valeur du temps, de la lente maturation dans l’amour. Dans cette lumière, la vertu de la chasteté reçoit un nouveau sens. Ce n’est pas un « non » aux plaisirs et à la joie de la vie, mais le grand « oui » à l’amour comme communication profonde entre les personnes, qui exige temps et respect, comme chemin parcouru ensemble vers la plénitude et comme amour qui devient capable d’engendrer la vie et d’accueillir généreusement la vie nouvelle naissante.

Il est certain que le corps contient également un langage négatif : il nous parle de l’oppression de l’autre, du désir de posséder et d’exploiter. Toutefois, nous savons que ce langage n’appartient pas au dessein originel de Dieu, mais qu’il est le fruit du péché. Lorsqu’on le détache de son sens filial, de son lien avec le Créateur, le corps se rebelle contre l’homme, il perd sa capacité de faire transparaître la communion et devient le terrain de l’appropriation de l’autre. N’est-ce pas là le drame de la sexualité, qui demeure aujourd’hui renfermée dans le cercle restreint de son corps et dans l’émotivité, mais qui en réalité ne peut s’accomplir que dans l’appel à quelque chose de plus grand ? A ce propos Jean-Paul II parlait de l’humilité du corps. Un personnage de Claudel dit à son bien-aimé : « de cette promesse que mon corps t’a faite je suis impuissante à m’acquitter », et se voit répondre : le corps « se dissout mais la promesse qu’il m’a faite ne se dissout pas » (Le soulier de satin, Jour III, scène XIII). La force de cette promesse explique que la Chute n’est pas la dernière parole sur le corps dans l’histoire du salut. Dieu offre à l’homme également un chemin de rédemption du corps, dont le langage est préservé dans la famille. Si, après la Chute, Eve reçoit ce nom, Mère des vivants, cela témoigne que la force du péché ne réussit pas à effacer le langage originel du corps, la bénédiction de vie que Dieu continue d’offrir quand l’homme et la femme s’unissent en une seule chair. La famille, voilà le lieu où la théologie du corps et la théologie de l’amour se mêlent. Ici, on apprend la bonté du corps, son témoignage d’une origine bonne, dans l’expérience d’amour que nous recevons de nos parents. Ici l’on vit le don de soi dans une seule chair, dans la charité conjugale qui allie les époux. Ici, l’on fait l’expérience de la fécondité de l’amour, et la vie se mêle à celle d’autres générations. C’est dans la famille que l’homme découvre sa capacité à être en relation, non comme un individu autonome qui se réalise seul, mais comme fils, époux, parent, dont l’identité se fonde dans le fait d’être appelé à l’amour, à être reçu par les autres et à se donner aux autres.

Ce chemin de la création trouve sa plénitude avec l’Incarnation, avec la venue du Christ. Dieu a assumé le corps, il s’est révélé en lui. Le mouvement du corps vers le haut est ici intégré dans un autre mouvement plus originel, le mouvement humble de Dieu qui s’abaisse vers le corps, pour ensuite l’élever
vers lui. En tant que Fils, il a reçu le corps filial dans la gratitude et dans l’écoute du Père ; et il a donné ce corps pour nous, pour engendrer ainsi le nouveau corps de l’Eglise. La liturgie de l’Ascension chante cette histoire de la chair, qui a péché en Adam, et a été assumée et rachetée par le Christ. C’est une chair qui devient toujours plus pleine de lumière et d’Esprit, pleine de Dieu. C’est ainsi qu’apparaît la profondeur de la théologie du corps. Celle-ci, lorsqu’elle est lue dans l’ensemble de la tradition, évite le risque de superficialité et permet de saisir la grandeur de la vocation à l’amour, qui est un appel à la communion des personnes dans la double forme de vie de la virginité et du mariage.

Cher amis, votre Institut est placé sous la protection de la Vierge. Dante dit à propos de Marie des paroles lumineuses pour une théologie du corps : « En ton sein se ralluma l’amour » (Paradis, XXIII, 7). Dans son corps de femme, a pris corps l’Amour qui engendre l’Eglise. Que la Mère du Seigneur continue de protéger votre chemin et de rendre féconds votre étude et votre enseignement, au service de la mission de l’Eglise pour la famille et la société. Que vous accompagne ma Bénédiction apostolique, que je vous donne de tout cœur à tous. Merci.

© Copyright du texte original en italien : Libreria Editrice Vaticana

Traduction : Zenit

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ZENIT Staff

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