Népal : Les chrétiens réclament en vain de pouvoir enterrer leurs morts

Destructions de tombes

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ROME, Jeudi 10 février 2011 (ZENIT.org) – Les chrétiens du Népal réclament en vain au gouvernement l’autorisation d’enterrer leurs morts, rapporte aujourd’hui « Eglises d’Asie » (EDA), l’agence des Missions étrangères de Paris.

La nomination, après des mois d’instabilité politique, d’un nouveau Premier ministre, le communiste Jhalanath Khanal, le 3 février dernier, n’aura laissé qu’un court répit à la controverse qui agite le Népal autour du droit des non-hindous à enterrer leurs défunts.

Le 29 décembre dernier, les autorités de Pashupatinath, ville sainte hindoue, proche de Katmandou, interdisaient toute inhumation dans la forêt de Sleshmantak qui jouxte le temple, un site utilisé comme cimetière depuis des années par différentes communautés hindoues comme non hindoues. Le Pashupati Area Development Trust (PADT), qui gère le temple hindou de Pashupatinath, commençait déjà à détruire les tombes, à l’indignation des chrétiens dont plusieurs centaines de sépultures étaient en passe d’être profanées.

La forêt très dense qui entoure les ghats, plateformes au bord de la rivière sacrée Bagmati où brûlent jour et nuit les cadavres dont les cendres seront ensuite dispersées dans le courant, est un lieu de sépulture traditionnel pour certaines ethnies ainsi que pour quelques communautés hindoues du Népal, les Dashnamis. Les chrétiens de Katmandou avaient commencé à ensevelir leurs défunts dans la forêt de Sleshmantak, les quelques parcelles consacrées à cet usage dans la capitale (essentiellement des terrains privés) étant saturées. Le même problème affectait également les communautés musulmanes et baha’i, qui, tout comme les chrétiens, avaient fait, en vain, de nombreuses demandes de terrains pouvant être utilisés comme cimetières, auprès des gouvernements qui se sont succédés ces dernières années au Népal.

Certains, dont une grande part de catholiques, s’étaient résignés à la crémation. « Déjà que les vivants n’ont pas de terre, il est inutile d’en demander pour les morts ! », ironise Mgr Anthony Sharma, vicaire apostolique du Népal. « Nous avons accepté la crémation pour les catholiques au Népal, comme cela a été accepté ailleurs dans le monde [par L’Eglise]. (…) Mais la crémation elle-même est source de discrimination, souligne le prélat. Sur les ghats de Pashupatinath, il est fait une distinction entre les castes, et les chrétiens sont traités comme des basses castes. Nous avons donc dû mettre en place nos propres sites de crémation afin d’effectuer nos rites [avec le respect nécessaire envers les défunts]. »

Le 30 janvier dernier, le Comité consultatif chrétien sur la Constitution népalaise (Christian Committee on New Constitution) (1) réunissait les leaders des mouvements en faveur des droits de l’homme et les responsables des principaux partis politiques, dont celui du Congrès, du Parti communiste du Népal (PCN-MLU) et du Parti communiste maoïste (UCPN-M). « Depuis deux ans, au nom de la communauté chrétienne, nous avons multiplié les demandes officielles à tous les organes du gouvernement et même proposé des terrains dans Katmandou mais les choses n’ont fait qu’empirer avec les années et nos demandes ont été complètement ignorées », a déclaré le Rév. C. Bahadur Gahatraj, secrétaire général du Comité consultatif chrétien, aux nombreux officiels et journalistes présents.

Tous les leaders politiques ont assuré les chrétiens qu’ils soumettraient le problème en urgence à l’Assemblée constituante. Minendra Rijal, ministre de la Culture et des Affaires fédérales, déclarait notamment avec fermeté qu’après des siècles de monarchie hindoue, « le pays était désormais un Etat laïc et que tous les hindous devaient apprendre à compter avec les autres religions » (2). Mais face à l’avalanche de protestations des extrémistes hindous, le ministre, également à la tête du PADT, faisait rapidement volte-face, affirmant cette fois qu’il « ne laisserait personne blesser les sentiments religieux de millions d’hindous » en autorisant les inhumations dans la forêt de Sleshmantak.

Toutefois, c’est le 1er février que l’affaire a pris une ampleur nationale malgré le fait que l’opinion publique était alors monopolisée par l’élection imminente du Premier ministre, après des mois d’incertitude politique. Aux protestations des chrétiens se sont ajoutées celles de l’ethnie kiranti (3), également frappée du même interdit d’inhumer ses défunts à Pashupatinath. Le 29 janvier, l’intervention de la police sur l’ordre du PADT, interrompant dans la forêt de Sleshmantak l’enterrement d’un jeune chrétien de l’ethnie kiranti-rai a mis le feu aux poudres. Se réclamant d’une longue tradition d’ensevelissement de leurs morts sur le site sacré, les Kirantis, sous l’égide de la Nepal Federation of Indigenous Nationalities (NEFIN), ont manifesté à Katmandou et bloqué des routes, pendant que les chrétiens poursuivent leur mouvement de protestation.

Catholiques et protestants menacent de déposer devant le Parlement les cadavres privés de sépulture. Les chrétiens sont prêts à manifester en « portant des cercueils et des urnes funéraires », affirme le P. Pius Perumana, pro-vicaire apostolique du Népal, qui ajoute que « l’Etat désormais laïc doit garantir des droits égaux à tous les citoyens, quelle que soit leur religion ». Un avis partagé par Narayan Sharam, évêque au sein de la Believers Church, une Eglise protestante, qui rappelle que « les hindous doivent respecter les droits des autres religions ».

Le 2 février, après une journée d’affrontements entre les forces de l’ordre et plusieurs centaines de manifestants à Pashupatinath, les Kirantis ont obtenu du gouvernement la création d’un comité chargé de résoudre la question de l’inhumation des morts qui ne sont pas de religion hindoue. En attendant, ils ont été autorisés à inhumer leurs morts à Sleshmantak et le Premier Ministre a autorisé l’enterrement du jeune kiranti interrompu par la police.

Le 5 février dernier, alors que le Premier ministre du Népal était enfin désigné, les chrétiens ont rappelé que bien qu’ils « n’aient pas pris part aux manifestations des Kirantis », ils attendaient à leur tour que leurs revendications soient prises en compte. L’United Christian Alliance of Nepal (UCAN), un rassemblement œcuménique réunissant des responsables de l’Eglise catholique et de neuf dénominations protestantes, a publié une déclaration dans laquelle il demandait au nouveau gouvernement du Népal « d’accorder toute son attention aux communautés chrétiennes et personnes réclamant le droit à ensevelir leurs morts », et proposait en plus du « site funéraire de Pashupatinath » différentes autres lieux pouvant être convertis en cimetières.

Ces déclarations successives étant restées lettres mortes, C. G. Gahatraj, secrétaire général du Christian Advising Commitee, a lancé un ultimatum au nouveau Premier ministre, menaçant d’organiser une manifestation d’une durée indéterminée avec grève de la faim et blocage des routes par les cadavres sans sépulture si aucune réponse n’est apportée par le gouvernement d’ici le 15 février prochain.

Aujourd’hui, si la communauté chrétienne (surtout protestante) connaît indéniablement une forte expansion au Népal (certains parlent de 2 millions de croyants), il reste difficile de la quantifier avec exactitude, le seul chiffre fiable étant celui des 8 000 catholiques inscrits dans les registres des paroisses du pays.

(1)           En raison de l’instabilité politique la nouvelle Constitution du Népal, qui devait être promulguée en 2010, est toujours en cours d’élaboration.

(2)           Jusqu’en 2006, l’hindouisme était la religion officielle du royaume du Népal

(3)           Les Kirant
is (ou Kirants) regroupent différentes ethnies d’origine tibéto-birmane (Rai, Limbu, Yakha, Sunuwar) d’implantation ancienne au Népal. Leur religion, distincte du bouddhisme et de l’hindouisme, est organisée autour de leur livre saint appelé Mundhum.

(4)           The Himalayan Times, 5 février 2011 ; ekantipur, 4 février 2011 ; Fides, 1er février 2011 ; Ucanews, 31 janvier 2011 ; AsiaNews, 28 janvier 2011 ; Christianpost, 26 janvier 2011.

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ZENIT Staff

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