ROME, Jeudi 20 janvier 2011 (ZENIT.org) - Au cours d'un entretien avec l'Aide à l'Eglise en Détresse (AED), l'archidiacre Emmanuel Youkhana, qui coordonne l'aide humanitaire en Irak pour les familles chrétiennes, a demandé au monde occidental et au gouvernement irakien « que la vérité soit dite clairement sur le fait que les chrétiens sont systématiquement attaqués et poussés à quitter l'Irak ».

Il a déploré que le gouvernement irakien le nie, et qu'il y ait sans cesse des voix, dans la communauté internationale, pour affirmer que la terreur se dirige « non pas contre les chrétiens, mais contre tout le monde ».

Il a appelé « à ne pas duper » les chrétiens irakiens. Selon lui, ni le gouvernement irakien ni la communauté internationale ne font assez pour soutenir les chrétiens d'Irak.

L'archidiacre a souligné qu'il ne suffisait pas de condamner ce qui s'était passé. « Les condamnations n'ont servi à rien », regrette-t-il. Il a affirmé que les chrétiens irakiens n'avaient pas peur à cause des attentats actuels, mais qu'ils craignaient l'avenir. Selon le prélat, ils redoutent surtout l'islamisation progressive de la société.

Aujourd'hui, de nombreuses chrétiennes n'osent quitter leur domicile que si elles sont voilées, parce que la pression sociale est énorme. Très récemment, la faculté de musique de l'université de Bagdad a été fermée, la musique n'étant pas compatible avec l'interprétation fondamentaliste de la charia. Par ailleurs, les ecclésiastiques musulmans de haut rang exigent maintenant la séparation des sexes à l'université.

Mgr Youkhana a par ailleurs déploré le fait que la constitution irakienne discrimine les chrétiens. Elle énonce par exemple la nécessité de la présence de hauts religieux musulmans parmi les juges de la Cour constitutionnelle du pays. « La Constitution doit reconnaître l'égalité de traitement pour les chrétiens et ne doit pas en faire des citoyens de deuxième ou troisième rang », a-t-il continué. Il ne suffit pas non plus de « limiter la sécurisation à une meilleure protection des églises, car qu'en est-il des écoles, des habitations, de la vie quotidienne ? ».

La vie des chrétiens est de plus en plus limitée. Ils n'ont plus confiance, et beaucoup ne pensent plus qu'à fuir. D'après ses données, il ne reste plus que 300 000 chrétiens sur les plus de 1 million de chrétiens qui vivaient ici autrefois. Chaque semaine, quatre avions quittent Bagdad pour Beyrouth, la capitale libanaise. La plupart des passagers sont chrétiens. « De nombreuses familles, du jour au lendemain, prennent la décision de laisser derrière elles, leur maison, leurs emplois, et tout ce que leurs ancêtres leur ont laissé au cours des siècles », explique Mgr Youkhana.

Il insiste sur la nécessité d'aider les familles qui fuient Bagdad et ses 5 millions d'habitants pour se rendre dans de petites villes du nord. Ils ont souvent des diplômes de l'enseignement supérieur, mais ne trouvent pas de travail et doivent reconstruire toute leur vie. « Le premier jour après la fuite, la seule chose qui compte est de pouvoir dormir quelque part en sécurité, mais ensuite il faut aussi un emploi, une infrastructure, des écoles » déclare Mgr Youkhana.

« Nous devons offrir une solidarité morale et matérielle, mais nous ne pouvons pas provoquer de changements politiques ». C'est sur ce point que le gouvernement est attendu a-t-il conclu.