ROME, Jeudi 27 janvier 2011 (ZENIT.org) – L’Eglise de Birmanie s’interroge sur les difficultés qu’elle rencontre dans la formation de ses séminaristes, rapporte « Eglises d’Asie » (EDA), l’agence des Missions étrangères de Paris.
A l’occasion de la célébration des 25 ans de la fondation du séminaire catholique Saint-Thomas à Mandalay, au centre de la Birmanie (Myanmar), son recteur, le P. Dominic Jyo Du, a exprimé publiquement ses inquiétudes concernant la formation des futurs prêtres. Selon le responsable de l’établissement, le principal défi auquel est confronté le séminaire n’est pas le financement (quoique qu’il ne doive sa survie qu’à la générosité des donateurs, sur place ou à l’étranger (1)), mais plutôt la faible réceptivité des étudiants à l’enseignement qui leur est proposé, ainsi que leur manque de maturité et du sens des responsabilités. « Nous ne pouvons attendre de nos jeunes séminaristes qu’ils deviennent tous prêtres, mais nous voulons au moins qu’ils deviennent de bons chrétiens », a-t-il confié notamment à l’agence Ucanews (2).
Mgr Paul Zinghtung Grawng, archevêque de Mandalay et président de la Conférence épiscopale catholique de Birmanie concélébrait la messe d’action de grâces pour le jubilé d’argent du séminaire Saint-Thomas avec le P. George Khin Mg Htwe. Ce dernier a tenu à rappeler lors de l’homélie qu’il a adressée aux quelque 400 séminaristes, religieuses et laïcs assistant à la célébration qu’« offrir un bon exemple était plus important que de faire [de bons ] prêches aux fidèles ».
U Joseph Ahkee, un laïc qui enseigne le latin dans l’établissement depuis sa création, partage l’avis du recteur. Il y a vingt ans, constate-t-il, les séminaristes avaient une maturité et un enthousiasme pour l’instruction que n’ont plus les étudiants des dernières promotions. Aujourd’hui, ils manquent souvent de certaines qualités morales, du sens de l’engagement, de maturité en général et même d’aptitudes à l’étude, poursuit-il, ajoutant que la formation spirituelle est à la base de tout ; si les séminaristes se développent spirituellement, leur formation morale et intellectuelle en fait autant.
Un constat sévère mais qui n’est pas nouveau. Déjà en 2003, les responsables de tous les séminaires du pays avaient été convoqués à Rangoun, à l’initiative de la Conférence épiscopale de Birmanie, afin de réfléchir aux problèmes de la formation à la prêtrise dans leurs établissements, formation jugée « inadaptée », aussi bien sur le plan académique, que personnel ou spirituel. Déjà étaient pointées les mêmes difficultés : le « manque de responsabilisation » des étudiants en vue de leur future activité de prêtre, le manque de relation entre « ce qui était prêché et ce qui était pratiqué », le peu de temps consacré à la prière et à l’apprentissage de la vie communautaire, ainsi que la mauvaise assimilation des bases académiques, les étudiants étant habitués à apprendre par coeur sans assimiler ni parfois comprendre les concepts enseignés.
Conscients que l’accès à la prêtrise est encore considéré dans de nombreuses familles du pays comme un moyen de promotion sociale, les formateurs avaient alors souligné la nécessité de permettre un véritable discernement sur le sens profond de la vie sacerdotale (3).
Depuis sa création il y a 25 ans, le séminaire Saint-Thomas a formé 655 séminaristes dont 91 sont devenus prêtres et quatre devenus diacres. Cette année, l’établissement accueille 57 jeunes qui suivent parallèlement un programme universitaire par correspondance (4).
Le P. Tin Htun, prédécesseur de l’actuel recteur du séminaire, rapporte que le fait qu’un nombre important d’ex-séminaristes n’ait pas accédé à la prêtrise, a nécessité une réflexion en Eglise et l’élaboration d’un programme d’accompagnement : « Pour ces anciens séminaristes qui ne deviendront pas prêtres, il y a l’espoir qu’ils puissent servir l’Eglise à leur manière ». Dans l’archidiocèse de Mandalay, comme dans d’autres diocèses de Birmanie, des sessions et des rencontres pour ex-séminaristes ont ainsi été créées, ainsi que des associations « d’anciens du séminaire ».
En 2007 a été fondée, à l’incitation de leur archevêque, Mgr Zinghtung Grawng, très au fait de la situation de la formation au sacerdoce en tant que responsable du séminaire national de Birmanie, l’association des « anciens séminaristes de Mandalay ». Avec aujourd’hui plus d’une centaine de membres à son actif, le groupe fournit un contingent important de « volontaires » en services d’Eglise divers, qu’il s’agisse d’opérations humanitaires lors de catastrophes naturelles ou d’aide dans les paroisses (préparations liturgiques, formation des fidèles…). Membre de l’association, James Bo Khin, 34 ans, explique ainsi à Ucanews : « Je n’ai [finalement] pas été choisi par Dieu pour devenir prêtre, mais le diocèse s’est occupé de moi au séminaire pendant 10 ans. C’est pourquoi je veux me mettre au service de l’Eglise en tant qu’ex-séminariste » (5).
Selon les statistiques des Eglises locales, les chrétiens de Birmanie représentent aujourd’hui un peu plus de 4 % (dont un quart de catholiques) d’une population bouddhiste à 89 %. Les catholiques se répartissent au sein de 13 diocèses et de trois archidiocèses.
(1) Sur les difficultés de financement des petits séminaires de Saint -Thomas et de Saint-Aloyius dans le diocèse de Mandalay, voir EDA 519
(2) Ucanews, 24 janvier 2011
(3) Voir EDA 534
(4) Il y a actuellement en Birmanie une vingtaine de petits séminaires (établissement supérieur ou pré-universitaire), parmi lesquels on compte des « séminaires intermédiaires » (comme celui de St Thomas qui a le statut de pre-major ou intermediate.) L’âge minimum requis est de 18 ans, ainsi qu’un niveau d’études équivalent à la fin du secondaire (le petit séminaire permettant souvent à l’étudiant de rattraper les bases mal acquises dans le système scolaire d’Etat). Le grand séminaire est quant à lui partagé en trois établissements : à Pyn Oo Lwin pour les années de philosophie, à Rangoun pour la théologie et enfin à Taunggyi pour la dernière année dite de « spiritualité ».
(5) Ucanews 19 mars 2007
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