Discrimination des chrétiens : le programme de Massimo Introvigne à l’OSCE

Il est nommé représentant de l’OSCE pour la lutte contre le racisme, la zénophobie et la discrimination

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ROME, Mardi 11 janvier 2011 (ZENIT.org) – Massimo Introvigne, sociologue italien, délégué général de « Alleanza Cattolica », et auteur d’un rapport sur « L’intolérance et les discriminations contre les chrétiens », vient d’être nommé représentant de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) pour la lutte contre « le racisme, la xénophobie et la discrimination », spécialement « contre les chrétiens et les membres d’autres religions ». Il dirige le Centre d’Etudes sur les nouvelles religions (CESNUR).

Il a confié à Zenit ce 11 janvier 2011, comment il envisage sa nouvelle mission, à partir des 5 risques courus actuellement dans le monde par la liberté religieuse, selon Benoît XVI, dans son discours du 10 janvier 2011 au Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège (cf. Zenit du 10 janvier 2011 pour le texte intégral en français).

« Au moment où, cette semaine, je m’apprête à assumer les fonctions de représentant de l’OSCE « pour la lutte contre le racisme, la xénophobie et la discrimination avec une attention particulière à la discrimination contre les chrétiens et les membres d’autres religions », je suis très reconnaissant envers le pape d’avoir indiqué, dans son discours du 10 janvier aux membres du Corps diplomatique, aux organisations internationales aussi – dont l’OSCE – un « agenda » aussi précis. L’OSCE a été définie par le rapport annuel de l’Aide à l’Eglise en détresse sur la liberté religieuse comme l’organisation la plus importante au monde après les Nations Unies dans le domaine des droits humains. Dans les limites de mes possibilités, et de mes capacités, et de la coordination nécessaire avec les autres organes et représentants de l’OSCE, je chercherai à faire mien ce programme.

Le pape a indiqué cinq risques pour la liberté religieuse. Le premier concerne une équivoque possible sur ce qu’est exactement la liberté religieuse. Rappelant son Message pour la Journée mondiale de la Paix 2011, le pape fait allusion aux discussions qui existent aussi à l’intérieur de l’Eglise catholique sur l’interprétation correcte de la déclaration sur la liberté religieuse « Dignitatis Humanae » du concile Vatican II, également citée à plusieurs reprises dans le discours du 10 janvier. On en a un exemple dans les réactions à l’annonce d’une nouvelle rencontre à Assise. La liberté religieuse a souvent été confondue avec le relativisme, c’est-à-dire avec la thèse selon laquelle il n’existerait pas de vérité religieuse, et le choix d’une religion ou d’une autre religion serait plus ou moins indifférent. Au contraire, comme Benoît XVI le rappelle dans son encyclique « Caritas in veritate » au paragraphe 55, « la liberté religieuse ne veut pas dire indifférence religieuse et elle n’implique pas que toutes les religions soient équivalentes ».

Il s’agit d’une question seulement théorique ? Certainement pas. De fait, la crainte que la liberté de religion apporte avec elle un relativisme et une sous-évaluation du rôle des religions typiques de l’Occident moderne est la première raison pour laquelle les pays ayant une forte identité religieuse musulmane, hindoue ou bouddhiste résistent à l’application des conventions internationales en matière de liberté religieuse. Ils craignent qu’accepter la liberté religieuse signifie nécessairement céder au relativisme et à l’indifférentisme typiques d’une certaine culture occidentale moderne. Il faut les convaincre qu’il n’en est pas ainsi et que la liberté religieuse et la dénonciation de ce que le pape appelle la dictature du relativisme peuvent et doivent coexister, comme le montre justement le Message pour la Journée mondiale de la Paix 2011.

Le deuxième risque, c’est la tentative de l’islam ultra-fondamentaliste de mettre fin à l’existence bimillénaire de communautés chrétiennes du Proche-Orient, en recourant même au terrorisme. Dans certains pays, la tentative d’une purification ethnique qui élimine définitivement les chrétiens est désormais tout à fait évidente. Les gouvernements, c’est vrai, prennent leurs distances par rapport aux ultra-fondamentalistes, et ce serait une erreur de confondre l’islam ultra-fondamentaliste avec l’islam en général. Mais le temps des paroles qui ne sont pas suivies d’actes est fini. Il faut, affirme le pape, « des mesures efficaces pour la protection des minorités religieuses ».

Il ne s’agit pas seulement d’un problème de police, dont l’action par ailleurs est très importante dans un pays comme l’Egypte et où elle doit opérer un saut qualitatif si elle veut atteindre des résultats qui ne soient pas fictifs. Il s’agit aussi des lois, qui, dans de nombreux pays à majorité musulmane, réduisent la liberté religieuse à la seule liberté de culte. Les chrétiens – mais pas partout – peuvent célébrer librement leurs rites enfermés dans les églises, mais ils ne peuvent sortir des églises ou des sacristies pour annoncer l’Evangile. Et puis, si quelqu’un se convertit de l’islam au christianisme, il est puni par les lois contre l’apostasie et – là où ces lois ont été abrogées sous la pression de l’Occident – par des normes contre le blasphème, qui souvent sont des lois masquées contre les conversions. Le pape rappelle que « la liberté religieuse n’est pas pleinement appliquée là où l’on ne garantit que la liberté de culte, et même avec des limitations ». Il affirme même de façon très explicite que « parmi les normes qui lèsent le droit des personnes à la liberté religieuse, une mention particulière doit être faite de la loi contre le blasphème au Pakistan : j’encourage à nouveau les Autorités de ce pays à faire les efforts nécessaires pour l’abroger, d’autant plus qu’il est évident qu’elle sert de prétexte pour provoquer injustices et violences contre les minorités religieuses ».

Le troisième risque – souvent peu connu ou sous-évalué – est constitué par les agressions contre les chrétiens de la part de « fondamentalistes » hindous ou bouddhistes qui identifient l’identité nationale de leurs pays avec l’identité religieuse, défendue de façon parfois violente contre le christianisme. C’est ce que le pape appelle des « situations préoccupantes, avec parfois des actes de violence, (…) dans le Sud et Sud-est du continent asiatique, dans des pays qui ont pourtant une tradition de rapports sociaux pacifiques. Le poids particulier d’une religion déterminée dans une nation ne devrait jamais impliquer que les citoyens appartenant à une autre confession soient discriminés dans la vie sociale ou, pire encore, que soit tolérée la violence à leur encontre. »

Le quatrième risque vient du fait que, même si beaucoup voudraient l’oublier, il existe encore des régimes communistes. « Dans divers pays, affirme le pape – avec des allusions évidente à ces régimes -, la Constitution reconnaît une certaine liberté religieuse, mais, de fait, la vie des communautés religieuses est rendue difficile et parfois même précaire (cf. Concile Vatican II, Déclaration « Dignitatis Humanae », n. 15) parce que l’ordonnancement juridique ou social s’inspire de systèmes philosophiques et politiques qui postulent un strict contrôle, pour ne pas dire un monopole, de l’Etat sur la société. » Ainsi, la pensée du pape « se tourne à nouveau vers la communauté catholique de la Chine continentale et ses Pasteurs, qui vivent un moment de difficulté et d’épreuve ». Il ne s’agit pas d’un cas unique, si l’on pense ne serait-ce par exemple qu’au drame amplement oublié des chrétiens de Corée du Nord.

Le cinquième risque est représenté par ce dont le pape a parlé dans son discours à la curie romaine du 20 décembre 2010, en faisant sienne cette expression forgée par l’illustre juriste juif des Etats Unis, et d’origine sud-africaine, Josep
h Weiler : la « christianophobie » de l’Occident. « Déplaçant notre regard de l’Orient à l’Occident, a dit le pape, nous nous trouvons face à d’autres types de menaces contre le plein exercice de la liberté religieuse. Je pense, en premier lieu, à des pays dans lesquels on accorde une grande importance au pluralisme et à la tolérance, mais où la religion subit une croissante marginalisation. On tend à considérer la religion, toute religion, comme un facteur sans importance, étranger à la société moderne ou même déstabilisant et l’on cherche par divers moyens à en empêcher toute influence dans la vie sociale. On en arrive ainsi à exiger que les chrétiens agissent dans l’exercice de leur profession sans référence à leurs convictions religieuses et morales, et même en contradiction avec celles-ci, comme, par exemple, là où sont en vigueur des lois qui limitent le droit à l’objection de conscience des professionnels de la santé ou de certains praticiens du droit », en particulier en ce qui concerne « l’avortement ».

« Une autre manifestation de la marginalisation de la religion, et, en particulier, du christianisme, a ajouté le pape, consiste dans le bannissement de la vie publique des fêtes et des symboles religieux, au nom du respect à l’égard de ceux qui appartiennent à d’autres religions ou de ceux qui ne croient pas. En agissant ainsi, non seulement on limite le droit des croyants à l’expression publique de leur foi, mais on se coupe aussi des racines culturelles qui alimentent l’identité profonde et la cohésion sociale de nombreuses nations ».

Là aussi le pape ne s’est pas limité à des principes généraux, mais il s’est référé précisément à la sentence Lautsi de la Cour européenne des Droits de l’homme qui voudrait interdire l’exposition du crucifix dans les écoles italiennes, et il a fait l’éloge de qui se bat pour que soient effacés les effets malheureux et injustes de cette sentence. « L’année dernière, a dit Benoît XVI, certains pays européens se sont associés au recours du Gouvernement italien dans la cause bien connue concernant l’exposition du crucifix dans les lieux publics. Je désire exprimer ma gratitude aux Autorités de ces nations, ainsi qu’à tous ceux qui se sont engagés dans ce sens ». La « christianophobie » se manifeste aussi dans les menaces contre la liberté d’éducation et dans l’aversion administrative contre les écoles catholiques. On ne peut pas non plus, a dit le pape, « passer sous silence une autre atteinte à la liberté religieuse des familles dans certains pays européens, là où est imposée la participation à des cours d’éducation sexuelle ou civique véhiculant des conceptions de la personne et de la vie prétendument neutres, mais qui en réalité reflètent une anthropologie contraire à la foi et à la juste raison. »

En tant que nouveau représentant de l’OSCE, je suis particulièrement à l’écoute de la mention de l’activité des « organisations internationales intergouvernementales » auxquelles le pape demande de réaffirmer « en premier lieu, la conviction que l’on ne peut créer une sorte d’échelle dans la gravité de l’intolérance envers les religions. Malheureusement, une telle attitude est fréquente, et ce sont précisément les actes discriminatoires contre les chrétiens qui sont considérés comme moins graves, moins dignes d’attention de la part des gouvernements et de l’opinion publique. En même temps, on doit aussi refuser le contraste périlleux que certains veulent instaurer entre le droit à la liberté religieuse et les autres droits de l’homme, oubliant ou niant ainsi le rôle central du respect de la liberté religieuse dans la défense et la protection de la haute dignité de l’homme. Moins justifiables encore sont les tentatives d’opposer au droit à la liberté religieuse de prétendus nouveaux droits, activement promus par certains secteurs de la société et insérés dans des législations nationales ou dans des directives internationales, mais qui ne sont, en réalité, que l’expression de désirs égoïstes et ne trouvent pas leur fondement dans l’authentique nature humaine. Enfin, il faut affirmer qu’une proclamation abstraite de la liberté religieuse n’est pas suffisante : cette norme fondamentale de la vie sociale doit trouver application et respect à tous les niveaux et dans tous les domaines ; autrement, malgré de justes affirmations de principe, on risque de commettre de profondes injustices à l’égard des citoyens qui souhaitent professer et pratiquer librement leur foi. »

Le fait que l’OSCE ait institué le bureau d’un Représentant pour la lutte contre la discrimination des chrétiens, aux côtés des deux Représentants pour la lutte contre l’antisémitisme et contre l’islamophobie constitue un succès de la diplomatie du Saint-Siège et de ces gouvernements, comme le gouvernement italien actuel, qui l’ont soutenu intelligemment. Pour parler franc, la nomination d’un catholique italien tel que moi en tant que Représentant constitue un autre succès de ces diplomaties. Les difficultés et les oppositions, naturellement, ne manqueront pas, et en des temps de crise économique, les ressources des organisations internationales sont sévèrement limitées. Mais le programme indiqué par le pape est réaliste et précis. Il devrait paraître raisonnable non seulement aux catholiques mais à toutes les personnes de bonne volonté. Il s’agit maintenant de le mettre en œuvre ».

[Traduit de l’italien par Anita S. Bourdin]

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ZENIT Staff

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