Vietnam : A propos de la démission de Mgr Joseph Ngô Quang Kiêt

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ROME, Vendredi 21 mai 2010 (ZENIT.org) – « Eglises d’Asie », l’agence des Missions étrangères de Paris (MEP), publie ce vendredi une interview accordée à Radio Free Asia

par le vice-président de la Conférence épiscopale du Vietnam à propos de la démission de Mgr Joseph Ngô Quang Kiêt.

La controverse qui a précédé, accompagné puis suivi l’acceptation de la démission et le départ de Mgr Joseph Ngô Quang Kiêt de l’archidiocèse de Hanoi prend, à certains égards, des accents inquiétants, rapporte « Eglises d’Asie ». En témoigne cette interview du vice-président de la Conférence épiscopale du Vietnam, entièrement consacrée à cette polémique selon laquelle des pressions se seraient exercées aussi bien sur le Saint-Siège que sur la Conférence des évêques et auraient conduit à la démission de l’archevêque de Hanoi. Mgr Joseph Nguyên Chi Linh, lors de la messe d’accueil de l’archevêque coadjuteur, le 7 mai dernier, avait étonné l’assistance en reconnaissant publiquement l’existence d’une controverse à ce sujet. Il souligne ici les graves conséquences que celle-ci pourrait avoir sur la vie de l’Eglise.

L’intégralité de l’interview accordée à Radio Free Asia (émissions en vietnamien), le 14 mai 2010, a été traduite par la rédaction d’Eglises d’Asie.

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Radio Free Asia : Au sujet de la nomination d’un archevêque coadjuteur pour l’archidiocèse de Hanoi et de la démission de l’archevêque Joseph Ngô Quang Kiêt, les avis sont aujourd’hui partagés en deux camps. Le 7 mai 2010, à l’occasion de la messe d’accueil de l’archevêque coadjuteur, des fidèles portaient avec eux de nombreux portraits et banderoles exprimant leur soutien à Mgr Ngô Quang Kiêt. Pour une partie des fidèles, la nomination du coadjuteur par le Vatican s’est appuyée sur une lettre de demande de démission pour raisons de santé écrite par Mgr Ngô Quang Kiêt. L’autre camp assure que le Vatican a fait une concession en écartant cet évêque ferme et énergique du diocèse de Hanoi, comme le voulait le Comité populaire de la capitale, lequel en avait exprimé la volonté plusieurs fois auparavant

Excellence, nous vous remercions de nous permettre de réaliser cette interview spéciale à propos de la controverse qui a lieu aujourd’hui dans le pays comme à l’étranger. Tout d’abord, en qualité d’ami très proche de Mgr Ngô Quang Kiêt, pouvez-vous nous informer sur l’état réel de sa santé ? Est-il atteint si gravement qu’il doive démissionner tout en sachant clairement que sa démission donnera lieu à tant de soupçons ?

Au sein même de la Conférence épiscopale, nous avons trouvé cela difficile à comprendre ; c’est pourquoi nous avons voulu avoir une confirmation de sa part. Il nous a toujours répété que les gens pensaient à tort qu’il subissait une pression pour démissionner. En réalité, nous a-t-il dit, sa santé se détériorait depuis longtemps. C’est LA raison pour laquelle il avait fait une demande de démission dès avant que n’éclatent les affaires de la Délégation apostolique et de la paroisse de Thai Ha.

(…) L’opinion publique veut considérer qu’il y a eu pression venant d’ici ou d’ailleurs. J’ai interrogé directement Mgr Joseph à plusieurs reprises jusqu’à ces derniers jours. Nous étions très étonnés, ne comprenant pas pourquoi il démissionnait à un tel moment. Il a simplement répondu qu’il ne pouvait plus assumer sa tâche. Chaque fois qu’il pensait à ce qu’il avait à faire, il se sentait pris par une espèce de défaillance. Il semble qu’il s’affaiblissait de jour en jour. On pouvait d’ailleurs s’en apercevoir à sa mine. Actuellement, son teint s’est terni, il a maigri tout en gardant cependant une bonne mémoire. Ce sont des choses qu’on ne peut nier. La détérioration de sa santé est visible.

Nous avons été peinés de voir se développer dans l’opinion publique des spéculations selon des points de vue particuliers, spéculations qui ont engendré des suspicions graves risquant de transformer tel ou tel en victime.

Les fidèles pris dans leur ensemble n’ont pas bien pris la mesure du problème. Ils ont été largement influencés par les médias qui ont publié des informations à sens unique. Le clergé lui-même a été troublé, ne sachant plus où était la vérité. Ces médias ont créé de la division et une sorte d’agressivité envers les personnalités en charge du service de l’Eglise du Vietnam.

En tant qu’évêque, je reçois de très nombreux textes dont j’ignore totalement la provenance. Je peux seulement dire qu’ils contiennent des injures et appellent ceux dont ils parlent, « ces types-là » (en vietnamien, thang no, thang kia). Les gens ordinaires, lorsqu’ils se disputent, n’utilisent même pas ce vocabulaire.

Il y a beaucoup d’éléments que nous ne pouvons pas comprendre. Qui se cache derrière ceux qui tentent de diviser l’Eglise du Vietnam ? Aujourd’hui, ce qu’il nous reste à faire, c’est d’agir en sorte que les enfants de l’Eglise ne laissent pas certains jeter un tel désarroi dans leur troupeau. Nous ne savons pas quelle médecine employer pour guérir le troupeau, mais nous ressentons beaucoup de souffrance devant ce qui se passe. Il y a des gens qui, à cause de leur affection pour Mgr Joseph Ngô Quang Kiêt, se mettent à accuser celui-ci ou celui-là : je ne trouve pas cela très conforme à l’esprit chrétien.

Alors que cette affaire devient chaque jour plus grave, la Conférence épiscopale continue de garder le silence et ne propose aucune explication pour rendre les choses plus claires. Selon vous, une lettre commune de la Conférence épiscopale pourrait-elle changer la situation ?

Les évêques en ont débattu très souvent. Beaucoup partagent votre opinion concernant une lettre commune. Cependant, dans la situation actuelle, il faut se poser la question de savoir si les conséquences de cette lettre seront positives ou négatives. Le sentiment d’un certain nombre d’évêques vietnamiens est que, si l’on publie cette lettre maintenant, elle sera la cible de nouvelles attaques, car nous ne savons pas encore de quelle façon s’exprimer pour convaincre ceux qui, travaillant dans les médias, ont pour objectif de semer la division dans l’Eglise.

La majorité des fidèles ressent un grand amour pour l’Eglise, il faut l’affirmer. Ils ont chacun leur idée concernant les opinions citées plus haut, mais ils gardent leur fidélité à l’Eglise. [Mais] je suis persuadé qu’il existe certaines personnes mettant en œuvre la même stratégie, le même scénario, visant à ruiner l’Eglise du Vietnam. Cependant, pour le moment, il n’existe pas de données probantes pour confirmer cette affirmation. Je sais seulement que ceux qui aiment véritablement l’Eglise ne jettent pas en elle des semences de haine ou de division. Ceux qui le font, ou bien n’aiment pas l’Eglise, ou bien prennent délibérément le risque de la diviser.

Nous avons très souvent débattu d’une possible lettre commune, mais sans trop savoir comment la rédiger et en ignorant si elle aurait des effets positifs ou si elle deviendrait une cible sur laquelle nos adversaires tireraient encore davantage !

Excellence, d’un point de vue plus positif, le fait que la Conférence épiscopale prenne officiellement la parole n’aiderait-il pas à raffermir la confiance dans l’Eglise du Vietnam de ceux qui aujourd’hui sont en train de chanceler ?

De votre point de vue, cela semble très simple ; c’est que vous n’êtes pas dans la course, et que vous ne voyez pas les injures qui sont proférées dans les correspondances et les e-mails que nous recevons. Les cibles de ces attaques sont tous les évêques. Leurs auteurs utilisent un langage grossier comme s’ils étaient en guerre. C’est une véritable attaque qu’il
s nous lancent. C’est bien pourquoi la réserve observée par les évêques est très compréhensible. Ce qui est le plus à craindre, c’est que la Conférence épiscopale du Vietnam ne sache pas exactement ce qu’elle représente pour ceux qui se tiennent à l’arrière du front, cherchant à porter tort à l’Eglise.

En outre, d’un point de vue institutionnel, celui qui, en dernier ressort, a la charge de décider d’élever ou non la voix, d’écrire ou non une lettre commune, c’est le président de la Conférence. Il est aujourd’hui à Hanoi. Aucun autre évêque lui ne peut l’écrire. Seul le président peut convoquer l’assemblée de la Conférence. L’opinion que vous nous soumettez, nous en avons parlé avec lui. Mais aujourd’hui, il est plongé dans une situation compliquée. C’est pourquoi il n’a pas encore pu prendre de décision de portée nationale.

Selon vos propos, la Conférence épiscopale du Vietnam est engagée dans une situation fort difficile à gérer. La solution ne serait-elle pas dans une déclaration officielle du Vatican face à ce courant d’opinion très dommageable pour l’Eglise. La Conférence a-t-elle pensé à cela ?

Traditionnellement, le Vatican est fort discret dans le domaine diplomatique. En effet, le Vietnam n’est pas le premier pays à rencontrer de telles difficultés, de nombreux pays en ont eu avant lui. La façon de travailler de la Secrétairie d’Etat, comme d’ailleurs de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, c’est de ne point émettre de déclaration concernant les cas concrets, mais seulement de préciser des orientations. Si le Saint-Siège s’engageait dans les débats, il serait en permanence en train de discuter. Il devrait polémiquer partout où l’Eglise rencontre des problèmes. Cela ne serait pas sage ; le Saint-Siège deviendrait passif. Il ne pourrait pas bénéficier de la liberté qui lui est nécessaire pour décider.

Une vérité, même expliquée à l’ensemble du monde, ne peut satisfaire tout le monde. On peut prendre pour exemple le cas de Mgr Kiêt. Concrètement, dans sa réponse aux questions posées, le Saint-Siège devrait préciser s’il soutient ou non Mgr Kiêt. Comment répondre à une telle question ? Cela est très difficile pour le Saint-Siège. Il faut se mettre à sa place pour s’apercevoir que c’est loin d’être simple. Et puis, s’il agit ainsi au Vietnam, il faudrait aussi le faire en Chine, en Amérique du Sud. Il est probable que, toute l’année et sans arrêt, le Vatican devrait répondre à des questions concernant les nominations. Votre proposition n’est pas très réaliste !

Nous voudrions vous poser, Excellence, une dernière question. Si vous aviez l’occasion de vous exprimer sur ce sujet devant le clergé, les fidèles ou même ceux qui n’appartiennent pas à l’Eglise mais qui s’intéressent à cette question, que diriez-vous ?

Pour moi, la première de toutes les valeurs, c’est la communion dans l’Eglise. Il faut faire en sorte que les tentatives visant à ruiner l’Eglise en semant la division entre tel et tel de ses dirigeants ne réussissent pas. Dans le cas qui nous occupe, si c’était possible, j’appellerais aussi toutes les composantes de la société à ne pas tenir compte du fait qu’un tel vienne du catholicisme et que tel autre n’en vienne pas, pour ensuite se comporter avec eux d’une façon injuste. Ce qui signifie que tous les membres de l’Eglise comme de la société doivent se sentir solidaires. L’esprit d’union est une valeur positive qui appartient à la fois à notre tradition nationale et au christianisme. Telle est la clé qui nous permettra de régler la crise actuelle dans l’Eglise du Vietnam.

© Les dépêches d’Eglises d’Asie peuvent être reproduites, intégralement comme partiellement, à la seule condition de citer la source.

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ZENIT Staff

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