ROME, Lundi 10 mai 2010 (ZENIT.org) – Les Belges sont « courageux, obstinés, généreux, loin de toute ostentation et préoccupés d’efficacité » , fait observer M. Charles Ghislain, nouvel ambassadeur de Belgique près le Saint-Siège : des traits de caractères qu’on retrouve chez les saints de Belgique.
Le pape Benoît XVI a reçu, samedi 24 avril, le nouvel ambassadeur de Belgique près le Saint-Siège, qui lui a présenté ses Lettres de créance (cf. Zenit du 25 avril 2010).
Voici le texte intégral en français du discours de l’ambassadeur, que nous publions aujourd’hui, en la première fête liturgique de saint Damien de Veuster dont parle l’ambassadeur. Depuis ce discours, le Premier ministre belge a dû démissionner.
Le nouvel ambassadeur souligne la générosité des Belges, et des catholiques de Belgique, citant, Herman Van Rompuy, président du Conseil de l’Union Européenne, « alors que sa profonde foi catholique n’est un mystère pour personne ».
Il évoque cette « religiosité exprimée et intérieure » qui « a été portée de par le monde par les Belges », et dont « saint Damien en est l’expression sublime ».
« Peu de pays au monde, fait aussi remarquer l’ambassadeur, comptent autant de missionnaires, de coopérants et aussi influents. La Bonne Nouvelle est si présente en Afrique centrale un peu grâce aux Belges aussi ».
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Très Saint Père,
Le grand honneur m’échoit aujourd’hui de remettre à Votre Sainteté les Lettres de créance qui m’accréditent auprès d’Elle en qualité d’Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire de Sa Majesté le Roi des Belges.
S.M. le Roi a bien voulu me confier cette haute mission auprès de Votre Sainteté, désirant ainsi confirmer la continuité et la profondeur qui caractérisent les liens qui unissent le Saint-Siège et la Belgique.
Votre Sainteté, je m’acquitterai avec ardeur de la noble mission qui m’a été confiée et entends contribuer de mon mieux au maintien et à l’approfondissement de ces liens.
Quand, il y a quelques mois, la Belgique entière a pu célébrer la canonisation de Jozef De Veuster, ainsi devenu Saint Damien, Vous avez dans Votre homélie rappelé que vingt ans auparavant un autre Belge, le Frère Mutien-Marie, avait été canonisé.
Bien qu’ils appartiennent maintenant à l’Eglise universelle, tous deux dans leur parcours terrestre ont manifesté des traits de caractère propres au Belge moyen: courageux, obstinés, généreux, loin de toute ostentation et préoccupés d’efficacité.
Ces traits de caractère restent ceux des Belges d’aujourd’hui, qui pourtant ne cessent de se déprécier avec application.
Ne nous croyez pas, Saint-Père, quand nous nous lamentons sur nous-mêmes et sur le triste état dans lequel se trouverait la Belgique, et son Eglise.
Le monde a changé, et la Belgique aussi.
Nous avons édifié une société où toutes les confessions, philosophies et cultures respectent de manière constructive les spécificités de chacun, tout en collaborant au bien-être commun.
Ainsi qu’a pu l’écrire récemment le Premier Ministre, Monsieur Leterme: «Le libre arbitre ainsi que la séparation des Eglises et de l’Etat, constituent des valeurs fondamentales de la société belge, auxquelles l’on ne peut porter atteinte. Toutefois, c’est une illusion et une violation de la liberté d’expression que d’exiger que des personnes répriment leurs convictions les plus profondes dès qu’elles accèdent au forum public. L’ordre de la société n’est en effet pas dénué de valeurs.».
Les mouvements politiques belges sont de fait devenus laïques, et c’est précisément cette laïcité qui permet une réelle ouverture aux croyants, et la coexistence pacifique et constructive des différentes religions et courants philosophiques. Loin de les effacer, la laïcité, qui en soi ne peut pas être une opinion, a ainsi pour mission d’organiser les conditions de la liberté d’avoir une opinion.
Il en résulte une société multiculturelle et multiconfessionnelle, où Dieu et la foi, dans diverses expressions, sont très présents, et ce, en parfaite harmonie avec la part de la population qui se dit athée ou agnostique.
Donc, Saint-Père, nous ne sommes plus cette société où l’on était sociologiquement chrétiens, mais nous sommes devenus une société où les chrétiens le sont par choix, comme a pu l’écrire S.Em. le Cardinal Danneels.
Et ces chrétiens sont nombreux, et encore plus nombreux sont ceux qui, sans vouloir l’affirmer, vivent en chrétiens. Combien il y a-t-il de pays d’Europe où 60 % de la population se reconnaît encore une identité catholique, et 12% de ceux-ci participent à l’office dominical ?
La Belgique, Saint-Père, est probablement le pays d’Europe qui compte le plus d’institutions catholiques par habitant, qui a le maillage institutionnel catholique le plus dense.
La liste est longue : écoles, universités, maisons de retraite, cliniques, mutualités, syndicats, mouvements de jeunesse, structures de solidarité sociale, et bien d’autres regroupements qui ne se nomment pas chrétiens, mais dont l’action s’inspire clairement du message des Evangiles.
La demande d’une formation chrétienne va croissant, particulièrement chez les jeunes, toujours plus en quête de valeurs. Comment ne pas approuver ce jeune participant à une session de formation, qui récemment affirmait que « aujourd’hui pour être un chrétien debout, il faut être formé ». Toujours plus de diacres, d’assistants paroissiaux, d’animateurs pastoraux. Les pèlerinages, avec leurs rituels, continuent d’attirer des foules populaires.
A l’avenir, il devrait en être plus que jamais ainsi, puisque Mgr Léonard, que Votre Sainteté a bien voulu nous donner pour nouvel archevêque, a appelé l’Eglise de Belgique à être plus priante, mais aussi plus engagée socialement, auprès des familles et dans la formation. Ce message a séduit au-delà de toute espérance.
Saint-Père, vous lirez partout que la Belgique est un pays divisé.
Mais quand il s’agit des valeurs, néerlandophones, francophones et germanophones, chrétiens et non-chrétiens ne sont pas différents. La Conférence épiscopale belge est unie et pratique une subsidiarité que tous apprécient. Le Conseil belge des leaders religieux recueille l’adhésion de tous. Et tous se retrouvent dans un choix de solidarité, d’accueil, d’ouverture d’esprit et de défense engagée des droits de l’homme et de la femme, pour tous et en tous lieux.
Je voudrais encore, Très Saint-Père, citer ici S.M. le Roi Albert II au moyen d’un extrait du discours qu’Il prononça lors de sa prestation de serment :
« En ce moment où les égoïsmes collectifs prennent un peu partout dans le monde des formes inquiétantes, montrons qu’il est possible de faire vivre harmonieusement dans un même pays les femmes et les hommes de cultures différentes qui l’habitent. (…) Pour faire face à la menace de l’égoïsme individuel et collectif, il n’y a qu’une solution : la solidarité. (…) Unissons nos forces pour faire de notre pays un modèle de justice et de paix. »
Ce n’est pas un hasard, Saint-Père, si le si belge Herman Van Rompuy préside maintenant le Conseil de l’Union Européenne, alors que sa profonde foi catholique n’est un mystère pour personne.
Cette religiosité exprimée et intérieure a été portée de par le monde par les Belges, et Saint Damien en est l’expression sublime. Peu de pays au monde comptent autant de missionnaires, de coopérants et aussi influents. La Bonne Nouvelle est si présente en Afrique centrale un peu grâce aux Belges aussi.
Saint-Père, vous m’avez entendu beaucoup plaide
r pour mon pays et ses gens.
Ce n’est pas par orgueil, Vous l’aurez compris, mais parce que je crois qu’il est de mon devoir de veiller à ce que l’image que l’on donne de mon pays corresponde à la réalité.
Très Saint-Père, je suis conscient du privilège qui m’est donné de pouvoir être observateur de l’action du Saint-Siège qui met au premier plan les plus hautes valeurs de l’homme ; ceci me motive profondément et j’apporterai ma contribution au dialogue pour la paix et au progrès pour l’homme en représentant mon pays dans toute sa diversité institutionnelle et philosophique.
Charles Ghislain
