La vie du P. Wrezinski dénonce notre indifférence face à la misère

Homélie de Mgr Sanchez de Toca y Alameda

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ROME, Jeudi 18 février 2010 (ZENIT.org) – La vie du P. Wresinski est une vraie « dénonciation de notre indifférence, de notre résignation face « à la fatalité de la misère » », affirme Mgr Sanchez de Toca.

L’anniversaire de la mort du P. Joseph Wresinski, rappelé par Dieu le 14 février 1988, et dont la cause de béatification a été introduite au Vatican, a été marqué à Rome par une célébration eucharistique présidée par le sous-secrétaire du Conseil pontifical de la culture, Mgr Melchor Sanchez de Toca y Alameda, à Saint-Jean-du-Latran, samedi dernier, 13 février.

Le parvis des droits de l’homme

Chaque 17 octobre, le parvis de la basilique du Latran – cathédrale des papes – est en effet à Rome le lieu de rassemblement des membres et des amis de la fondation lancée par le P. Wresinski (12 février 1917 – 14 février 1988).

C’est là que, pendant l’Année sainte, le 15 octobre 2000, le cardinal Roger Etchegaray a inauguré une dalle analogue à celle du « Parvis des Droits de l’Homme », au Trocadéro, à Paris (où il s’était rendu), sur le parvis de la basilique du Latran, au nom de Jean-Paul II.

Cette « Dalle à l’honneur des victimes de la misère », a été scellée à Paris le 17 octobre 1987, avec ces paroles : « Le 17 octobre 1987, des défenseurs des droits de l’homme et du citoyen de tous pays se sont rassemblés sur ce parvis. Ils ont rendu hommage aux victimes de la faim, de l’ignorance et de la violence. Ils ont affirmé leur conviction que la misère n’est pas fatale. Ils ont proclamé leur solidarité avec ceux qui luttent à travers le monde pour la détruire. Là où des hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les droits de l’homme sont violés. S’unir pour les faire respecter est un devoir sacré. Père Joseph Wresinski. »

Et cinq ans après, en 1992, les Nations unies ont reconnu officiellement la Journée du 17 octobre comme « Journée mondiale du refus de la misère ».

Le pape Wojtyla a voulu que l’inscription du Trocadéro soit inscrite au Latran, et il a ajouté personnellement : « Jamais plus de discrimination, d’exclusion, d’oppression, de mépris des humbles et des pauvres ».

Une voix prophétique

Vingt-deux ans après le départ du fondateur du Mouvement ATD-Quart monde, il est en effet clair qu’il demeure « la voix prophétique des plus pauvres », a souligné Mgr Sanchez en commentant les lectures du VIe dimanche du Temps ordinaire, l’Evangile des Béatitudes, selon saint Luc.

« Heureux les pauvres »: c’est, explique Mgr Sanchez, « l’Evangile des laissés pour compte, de ceux qui appartiennent à l’Ordre sacré des Malheureux, l’Evangile des Perdants: les pauvres, ceux qui ont faim, ceux qui pleurent et qui sont détestés, méprisés, ignorés ».

« Les Béatitudes de Jésus, insiste Mgr Sanchez, ne sont pas une proclamation abstraite, mais une annonce adressée directement aux pauvres : à vous, les pauvres. Et c’est aussi une annonce de libération, une bonne nouvelle. C’est ainsi que s’accomplit la prophétie d’Isaïe : aux pauvres est annoncée la Bonne nouvelle. L’écho de ce message est facilement perceptible dans les paroles prononcées par le P. Wresinski au Trocadéro à Paris, le 17 octobre 1987, quelques mois avant sa mort :

« Je témoigne de vous, pauvres de tous les temps,

et encore d’aujourd’hui,

happés par les chemins,

fuyant de lieux en lieux, méprisés et honnis.

« Travailleurs sans métier,

écrasés en tout temps par le labeur.

Travailleurs dont les mains, en ces jours,

ne servent plus à rien.

« Je témoigne de vous, mères / dont les enfants condamnés à la misère / sont de trop en ce monde.

« Je témoigne de vos enfants / tordus par les douleurs de la faim, / n’ayant plus de sourire, / voulant encore aimer.

« Je témoigne de ces millions de jeunes / qui, sans raison de croire, ni d’exister, / cherchent en vain un avenir / en ce monde insensé ».

Les pauvres et l’Eglise

Pour Mgr Sanchez, la vie du P. Wresinski a été une vie « dépensée pour la défense de la dignité de ces frères les plus pauvres : il avait senti l’appel de Dieu à se faire l’un d’eux, et il a voulu réfléchir à cette vocation dans sa devise sacerdotale, « Avance en eau profonde et jette les filets », « duc in altum« , loin de la rive, loin de la sécurité, de la protection et des commodités d’une existence sacerdotale ordinaire ».

Car, ajoute-t-il, le P. Joseph Wresinski « se sentait appelé à faire découvrir la dignité personnelle, la dignité des enfants de Dieu, de nos frères : un attachement sans limite à Jésus Christ Sauveur, comme point de départ pour « restituer les plus pauvres à l’Eglise et l’Eglise aux plus pauvres », une Eglise qu’il voyait dans l’attitude de prière silencieuse et immobile de sa mère dans la forge désaffectée où ils habitaient étant enfants. »

Et de souligner que pour le fondateur, « partager sa vie avec les pauvres n’était pas une façon pour lui de résoudre un problème économique ou social, pour éliminer des poches de misère autour de nos villes simplement parce qu’elles ne sont pas belles, ou parce qu’elles constituent une menace pour l’ordre public, ou pour la santé, ou parce que ce sont des facteurs potentiels de désordres sociaux. Il s’agissait pour lui d’aider à redécouvrir la dignité dont chaque homme et chaque femme, même dans la situation de misère la plus abjecte, est cependant toujours porteur, parce qu’ils sont des enfants de Dieu. Redonner la dignité aux plus pauvres parce que « là où des hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les droits de l’homme sont violés. S’unir pour les faire respecter est un devoir sacré ». »

Le refus de la misère

Aujourd’hui, la vie du P. Wresinski est une vraie « dénonciation de notre indifférence, de notre résignation « à la fatalité de la misère » », a conclu Mgr Sanchez de Toca.

Le 17 octobre est désormais célébré dans de très nombreux pays, et notamment dans beaucoup de pays francophones : France, Belgique, Suisse, Canada, de nombreux pays d’Afrique, au Liban… Et des répliques de la dalle du Trocadéro ont été inaugurées ces dernières années au Burkina Faso, à l’Ile Maurice, au Québec, en Belgique.

L’un des objectifs de la Journée du refus de la misère est de « donner la parole aux plus pauvres, d’entendre ce qu’ils ont à dire, non seulement par rapport à la pauvreté et à la manière de la combattre mais au sujet de la paix, de la justice, de l’avenir du monde, des sociétés », a confié Jean Tonglet à Zenit : « Cette attitude d’écoute est quelque chose que le 17 octobre veut promouvoir pour que nous puissions ensuite la vivre jour après jour ».

La cause de béatification

Le P. Marc Leclerc, postulateur de la cause de béatification du P. Joseph Wresinski a pour sa part indiqué que l’enquête diocésaine, ouverte à Soissons le 19 mars 1997, s’est conclue en 2003. Les 20.000 pages du dossier ont été apportées, dûment scellées, à la Congrégation romaine pour les causes des saints.

Elles ont été reliées en une soixantaine de volumes, qui ont été examinés par la juriste chargée de ce travail par ce dicastère. « Depuis lors, nous avons reçu le décret de validité de la part de la Congrégation, un Relateur a été nommé, le P. Hieronim Fokcinski sj, et ainsi s’est ouverte officiellement la phase romaine de la procédure », a indiqué le P. Leclerc.

Anita S. Bourdin

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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