ROME, Mardi 26 janvier 2010 (ZENIT.org) – Jean-Paul II est le même en public et en privé, « transparent, vrai, intègre », c’est ainsi que le postulateur de la cause de béatification, Mgr Slawomir Oder, qualifie le Jean-Paul II qui émerge des 114 témoignages entendus pour l’instruction de la cause.
Le livre publié en italien chez Rizzoli « Pourquoi il est saint. Le vrai Jean-Paul II raconté par le postulateur de la cause de béatification » a été présenté aujourd’hui à Rome par Mgr Slawomir Oder, postulateur et par l’auteur, Saverio Gaeta, avec une intervention spéciale du préfet émérite pour les Causes des Saints, le cardinal José Saraiva Martins.
Mais actuellement, où en est la cause ? Le 19 décembre dernier, Benoît XVI a signé le décret de la Congrégation reconnaissant les vertus héroïques humaines et chrétiennes du pape Wojtyla, auquel on donne pour cela maintenant le titre de « vénérable ».
Les différentes commissions (médecins, théologiens), répond Mgr Oder, examinent la guérison extraordinaire survenue en France à Aix en Provence, la guérison, par l’intercession de Jean-Paul II de Sr Marie Simon Pierre, religieuse des Maternités catholiques, qui soufrrait de la maladie de Parkinson et dont tous les symptômes ont maintenant disparu. Si ce « miracle présumé » était reconnu par la Congrégation pour les causes des saints, le pape Benoît XVI pourrait décider de la béatification.
Mgr Oder a souligné pour sa part que la guérison « française » a été choisie pour être présentée à l’examen de la Congrégation romaine parmi d’autres du fait de la « simplicité », de l’absence totale de mise en scène de la personne guérie, dans la lettre écrite par la supérieure à la postulation, dans laquelle il n’y avait « rien d’inutile », tandis que d’autres cas mettaient fort en avant la « sainteté » de la personne guérie. Et puis aussi le fait que la religieuse souffrait de la même maladie que le pape Jean-Paul II, et enfin que sa guérison lui permettait de reprendre son activité au service de la vie naissante, une cause qui tenait à cœur à Jean-Paul II.
Documents inédits
Ce que le livre apporte comme nouveauté ce sont des documents inédits tirés de ces 114 témoignages : documents des services secrets polonais ou mention des services secrets italiens, lettre de démission en cas d’incapacité du fait de la maladie (en italien), lettre ouverte à Ali Agça jamais publiée (en polonais), et des témoignages sur sa vie mystique.
Les services secrets polonais espionnaient en effet le prêtre Karol Wojtyla puis l’évêque dans ses engagements publics et sa vie privée, et ceci depuis mai 1946 (avant même son ordination, le 1er novembre 1946). Après sa nomination à Cracovie comme auxiliaire, la surveillance se resserre. Et dans les années soixante une structure est totalement consacrée à sa surveillance. A son élection, en 1978, le dossier communiqué à Varsovie remplissait 18 boîtes de documents. Mais les services sont trop optimistes : ils souhaitent que la vision « ample » de Rome fasse découvrir au nouveau pape « les limites pesantes du capitalisme » et les « réalités du monde sous-développé, en sorte qu’il se rende ainsi compte « des valeurs du communisme ».
C’est son chauffeur Jozef Mucha qui a appris à l’archevêque Wojtyla la mort de Jean-Paul Ier, ce qui lui procura une émotion intense : une violente migraine lui fit annuler un déplacement. Il pria longuement : « Qu’est-ce que le Seigneur veut nous dire par là ? » dit-il aux membres de son secrétariat. Avant de prendre l’avion pour Rome, son chauffeur lui souhaita de rentrer vite : « On ne sait pas » a-t-il répondu, « d’un ton sérieux voilé de tristesse ». Lorsqu’il avait été nommé auxiliaire de Cracovie, quelque vingt ans plus tôt, son évêque, Mgr Eugeniusz Baziak l’avait pris par le bras, et l’avait amené à certains prêtres présents dans la salle d’attente en disant : « Habemus Papam »…
Un témoin affirme que les services secrets italiens avaient averti le Vatican, avant l’attentat de 1981 que les « Brigades Rouges » projetaient un « enlèvement » du pape. Ce serait une explication à la phrase sibylline prononcée par Jean-Paul II dans l’ambulance et rapportée par le cardinal Dziwisz : « Comme pour Bachelet… » : une victime de ce groupe terroriste italien d’extrême gauche. Leurs opérations (attentats et assassinats) ont fait 415 morts dans les années 1969-1988.
Le pardon, don de Dieu
Un autre document intéressant, en date du 11 septembre 1981, et qui n’a pas été publié, peut-être parce que le procès était encore en cours, a suggéré Mgr Oder, est la « Lettre ouverte à Ali Agça ». Le 27 décembre 1983, le pape a eu une longue rencontre avec son agresseur à la prison romaine de Rebibbia. Il souligna ensuite qu’il avait voulu lui redire son pardon qu’il avait déjà donné « immédiatement ». Mais, commente Mgr Oder, le pape a voulu insister sur le fait que ce pardon, donné dès l’ambulance, le 13 mai 1981, n’était pas simplement une démarche « affective » « émotive », d’un moment, mais un « don de Dieu » qui faisait partie de son ministère en tant que pape. Il avait préparé cette lettre pour la catéchèse du mercredi 21 octobre 1981. Le texte a été retrouvé avec un grand X tracé dessus.
Un autre document est un texte en italien dactylographié portant à la main les accents toniques, comme pour un texte destiné à être prononcé : le cardinal Saraiva Martins, qui n’était pas encore membre du collège cardinalice, n’a pas pu dire si oui ou non il a été effectivement prononcé devant le collège des cardinaux. Le pape disait en substance qu’il s’est posé la question de « que doit faire le pape à 75 ans » – âge canonique de la démission de leur charge pour les évêques depuis Paul VI -. Mais il se fonde sur l’exemple de Paul VI pour trancher et ne pas « renoncer au mandat apostolique sinon en présence d’une maladie inguérissable ou d’un empêchement qui rende impossible l’exercice des fonctions de Successeur de Pierre ».
Le texte de Paul VI est du 2 février 1965, un premier texte de Jean-Paul II date du 2 février – même date – 1989 et l’autre de 1994 : il avait craint en 1992 que sa tumeur à l’intestin ne soit maligne, ce ne fut pas le cas, puis vinrent les chutes et fracture à l’épaule droite (1993), la douleur à la hanche et fracture du col du fémur droit (1994)…
La vie mystique
Le livre parle également de « mortifications corporelles » et de certains aspects de sa vie mystique et de sa vie de prière. Le cardinal Saraiva a confié avoir été saisi par la profondeur de son recueillement lorsqu’il invitait quelqu’un à déjeuner et que le rendez-vous commençait par une prière silencieuse dans la chapelle privée : « Il était comme absorbé en Dieu. C’était un homme de Dieu et sa prière intense était une vraie évangélisation ».
Le cardinal Sariava a également souligné sa profonde dévotion à Marie, et il a cité la « joie », le « bonheur » que Jean-Paul II a manifesté en l’an 2000, après la béatification des deux pastoureaux de Fatima, Francisco et Jacinta Marto, le 13 mai.Un témoin affirme qu’à la question « Voyez vous la Vierge ? », le pape a répondu : « Non, mais je l’entends ». Quant au Padre Pio, Jean-Paul II a confié à un témoin qu’il le « voyait ».
A propos des saints, le pape Jean-Paul II avait confié au cardinal Saraiva Martins que son dicastère était très important parce qu’il traite de la « chose la plus importante dans l’Eglise » qui est « la sainteté » et que tous les autres dicastères sont conçus en vue de servir cette sainteté.
Le livre rapporte cette réponse du pape à une religieuse qui lui disa
it sa « préoccupation » pour « Sa Sainteté » : « Moi aussi, je suis préoccupé par ma sainteté ! »
Enfin, Mgr Oder a souligné « l’humanité » du pape et sa capacité à percevoir en tout homme « l’empreinte de Dieu » et le cardinal Saraiva a souligné que humanité et sainteté sont une seule chose : plus on est saint plus on devient « humain ».
A côté des documents inédits, l’auteur, Saverio Gaeta, a souligné que le titre du livre (« Le vrai Jean-Paul II raconté… ») ne veut absolument pas dire que les autres biographies n’étaient pas « vraies », mais que le Jean-Paul II décrit par le livre est celui qu’on connu personnellement les témoins qui interviennent. Le pape lui même avait indiqué qu’on ne le comprendrai bien que « de l’intérieur ».
Anita S. Bourdin