Rescapée du génocide des Tutsi du Rwanda

Par soeur Geneviève Uwamariya

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ROME, Lundi 12 octobre 2009 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le témoignage donné par soeur Geneviève UWAMARIYA, religieuse de Sainte-Marie de Namur (Rwanda), auditrice au Synode des évêques pour l’Afrique. La religieuse s’est exprimée lors de la 8e Congrégation générale, le vendredi 9 octobre au matin.  

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Je vais vous partager mon expérience de réconciliation avec les prisonniers présumés génocidaires. Je vous ferai part également, des fruits de mon témoignage auprès d’ eux et de leurs victimes rescapées.  

Je suis une rescapée du génocide des Tutsi du Rwanda en 1994. Une grande partie de ma famille a été massacrée dans notre église paroissiale. La vue de cet édifice me remplissait d’horreur et de révolte, tout comme la rencontre avec des prisonniers m’emplissait de dégoût et de rage. C’est dans cet état d’âme que m’arriva un évènement qui a changé ma vie et mes relations.  

Le 27 août 1997, à 13h00, un groupe de l’association catholique des « Dames de la Miséricorde divine » m’entraîna dans deux prisons de la région de Kibuye, ma ville natale. Elles venaient préparer les prisonniers au Jubilé de 2000. Elles disaient: « si tu as tué, tu t’engages à demander pardon à la victime rescapée, comme cela tu l’aides à se libérer du poids de la vengeance, de la haine et de la rancune. Si tu es victime, tu t’engages à offrir ton pardon à celui qui t’a fait du tort et ainsi tu l’aides à se libérer du poids de son crime et du mal qui l’habite ». 

Ce message eut un effet inattendu pour moi et en moi …

Après cela, un des prisonniers se leva en larmes, tomba à mes genoux en suppliant à haute voix: « miséricorde ». Je fus pétrifiée en reconnaissant l’ami de la famille qui avait grandi et tout partagé avec nous.  

Il m’avoua avoir tué  lui-même mon papa et me donna les détails sur la mort des miens.

Un sentiment de pitié et de compassion m’envahit : je le relevai, l’embrassai et lui dis en sanglots : « tu es et tu restes mon frère ». 

Je sentis alors un gros poids tomber. .. Je retrouvai la paix intérieure et je dis merci à celui que je tenais encore dans mes bras. À ma grande surprise, je l’entendis crier : « la justice peut faire son travail et me condamner à mort, maintenant je suis libéré ! ». Moi aussi je voulais crier à qui voulait m’entendre : « Viens voir ce qui m’a libérée, tu peux toi aussi retrouver la paix intérieure ».  

À partir de ce moment, ma mission fut de parcourir des kilomètres pour porter le courrier des prisonniers demandant pardon aux rescapés. Ainsi 500 lettres ont été distribuées; et je rapportais le courrier de réponses des rescapés aux prisonniers redevenus mes amis et mes frères … Cela a permis des rencontres entre bourreaux et victimes.  

Des gestes concrets ont été  nombreux pour marquer la réconciliation, comme :

– Un village pour veuves et orphelins du génocide fut construit par les prisonniers

– Ainsi que le mémorial devant l’ église de Kibuye

– Des associations d’anciens prisonniers avec les rescapés sont nées dans différentes paroisses et fonctionnent très bien.

De cette expérience, je déduis que la réconciliation n’est pas tellement vouloir ramener ensemble deux personnes ou deux groupes en conflit. Il s’agit plutôt de rétablir chacun dans l’amour et de laisser advenir la guérison intérieure qui permet la libération mutuelle. Et c’est ici l’ importance de l’Église dans nos pays puisqu’ elle a pour mission d’offrir La Parole: Une parole qui guérit, libère et réconcilie.  

[Texte original: français]
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ZENIT Staff

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