ROME, Jeudi 1er octobre 2009 (ZENIT.org) – Comment lutter contre le sous-développement, la pauvreté, les maladies, comment mettre en œuvre la révolution verte, de quelle manière soutenir l’espérance et convaincre les jeunes à ne pas émigrer, comment se positionner par rapport à l’islam, quels sont les problèmes de l’Eglise en Afrique et la marche à suivre pour les résoudre : toutes ces questions seront débattues lors de la prochaine assemblée spéciale pour l’Afrique du synode des évêques, qui s’ouvrira au Vatican, le 4 octobre prochain à Rome.
ZENIT a interrogé Mgr Jude Thaddeus Okolo, nonce apostolique au Tchad et en République centrafricaine. La première partie de cet entretien a été publiée hier mercredi.
ZENIT – Beaucoup de scientifiques et agriculteurs africains réclament la possibilité d’étudier, de faire des recherches et d’utiliser les nouvelles biotechnologies végétales. Qu’en pensez-vous?
Mgr Okolo – En 1984, quand j’étais en Italie, un technocrate romain m’a dit : « La technologie ne s’exporte pas ». Je n’étais pas d’accord avec lui. Je crois que la technologie moderne devrait se mondialiser, de manière surtout à favoriser le développement dans les pays africains. Il serait bon que scientifiques et agriculteurs africains soient admis eux aussi à ces découvertes sur les biotechnologies végétales. D’autre part, il est vrai que certains d’entre nous n’ont pas confiance en ces organismes génétiquement modifiés (OGM), mais il serait quand même bon que la science soit ouverte aux bonnes possibilités.
Dans beaucoup de régions d’Afrique la terre est si fertile et si abondante que ces modifications génétiques ne sont pas nécessaires. Pour les scientifiques africains les recherches et l’utilisation des nouvelles biotechnologies végétales ne constituent pas une urgence ; ils ont plutôt besoin de consolider l’amour réciproque, d’obtenir des matériaux appropriés pour travailler et des informations de base sur les produits. Les anciens disent : « Un enfant doit apprendre à faire ses premiers pas avant d’essayer de courir, sinon il tombe ».
ZENIT – En octobre a lieu à Rome le deuxième synode pour l’Afrique. Quels sont, selon vous, les thèmes les plus saillants qui devront être affrontés?
Mgr Okolo – Les thèmes de réflexion que doit aborder ce synode sont tous importants : la justice, la réconciliation et la paix ; ça dépend de l’endroit où l’on se trouve en Afrique, ou du contexte qui nous intéresse en particulier. Comme cette interview est centrée sur le développement agricole, je voudrais m’arrêter un instant sur les nn. 137-145 de l’Instrumentum laboris proposé pour la prochaine assemblée spéciale pour l’Afrique (du synode des évêques).
Lors de nos visites pastorales dans les coins les plus reculés et les plus cachés de ces pays, on se rend compte que les actions des fidèles contribuent, de façon éloquente, à créer des situations et des conditions pour faire valoir la justice, encourager la réconciliation, où ils se présentent comme des artisans de paix. Il n’est pas rare que les prêtres, les religieux et les chrétiens se retrouvent à négocier directement avec les rebelles, allant jusqu’à vivre avec eux. La confiance dont bénéficie l’Eglise est fruit du travail quotidien des fidèles guidés par l’Esprit de Dieu.
Une famille chrétienne qui vit selon les valeurs de l’amour, du pardon, de la collaboration, s’achemine vers l’autosuffisance économique, devient un foyer de paix, de sérénité et d’harmonie ; elle devient un exemple pour les autres. Sur les différents points cités dans le document, que ce soit dans la politique, les forces armées, au niveau des initiatives économiques et dans les structures de formation, comme agents de santé, dans un contexte culturel, dans les médias ou dans les organismes nationaux et internationaux, les fidèles laïcs savent témoigner ce qu’ils vivent intérieurement, l’amour de Dieu et l’amour humain. Le développement humain passe par cette attitude d’amour, un amour véritable. C’est un message éloquent que l’on perçoit également chez beaucoup de chrétiens africains. Il est vrai que tout le monde n’atteint pas cet idéal, mais on ne peut nier les efforts et les réussites.
ZENIT – Il y a des difficultés, des défis. Quelles solutions proposeriez-vous?
Mgr Okolo – Plus haut j’évoquais certaines difficultés. Maintenant je voudrais proposer trois solutions principales : 1/ La formation dans la catéchèse. 2/ Plus d’investissement dans l’instruction publique, dans l’éducation formelle et informelle. 3/ La formation du personnel paramédical (junior medical cadres) et un investissement dans l’approvisionnement de moyens pour l’assistance sanitaire.
Nos premiers missionnaires avaient œuvré en se servant de ces trois moyens : éducation morale, instruction et santé. Pour s’engager dans le développement il faut être sain de corps et d’esprit. Pour développer et améliorer les conditions d’un peuple, il faut l’éduquer moralement par le biais de la catéchèse, le former dans les écoles et soigner son corps. Pour élargir les horizons il est absolument nécessaire d’ouvrir les yeux face aux développements mondiaux ; pour prendre le modèle chrétien, la catéchèse est fondamentale.
ZENIT – Quelle est la situation des catholiques en République centrafricaine et au Tchad?
Mgr Okolo – L’Eglise en Centrafrique connaît des problèmes importants, mais des mesures concrètes sont prises pour trouver une issue à la crise, et ce avec le concours de l’Eglise locale.
Au Tchad, les catholiques se réjouissent de leurs progrès, tant quantitativement que qualitativement. Même si l’Eglise constitue une grande minorité, on remarque que la société apprécie la contribution des fidèles pour obtenir la paix et l’unité. Un nouveau vicariat vient d’être érigé, avec un jésuite français comme premier Vicaire apostolique. Le territoire est limitrophe avec le Darfour, et c’est une région qu connaît des turbulences. Il y aussi d’autres initiatives concrètes dans d’autres diocèses. Ce sont de petits pas, mais qui vont dans la bonne direction. Il existe des problèmes qui sont ceux d’une Eglise jeune, mais ces défis sont affrontés avec discrétion, détermination et dans un esprit d’église.
ZENIT – Et les rapports avec l’islam?
Mgr Okolo – Je m’étonne parfois que la presse étrangère ne fasse pas cas du bon développement des relations entre chrétiens et musulmans dans beaucoup de pays africains. Les publications que l’on trouve relèvent plutôt ce qui oppose les personnes. Je dois dire qu’au Tchad et en République centrafricaine les relations entre musulmans et chrétiens sont bonnes. L’insécurité politique ou les problèmes sociaux ne touchent pas essentiellement la religion, mais dérivent d’autres causes, de causes par exemple culturelles et ethniques qui, parfois, se répercutent aussi sur la religion. Je voudrais néanmoins dire que dans les deux pays mentionnés, les conflits entre fidèles de religions différentes sont rares. D’autre part, la ligne de démarcation religieuse suit souvent les origines ethniques et les appartenances culturelles, et cette séparation est généralement respectée.
Sur le versant positif, on relève qu’il y a divers aspects de collaboration interreligieuse, de nature informelle, dans les contextes de la vie populaire. Les fêtes sont célébrées ensemble; des gestes de charité et de soutien sont échangés.
Pour conclure, je pense que beaucoup de pays africains en difficulté apprécient le soutien qu’ils reçoivent des pays plus développés. On ne saurait penser que les africains sont tous paresseux, fainéants, toujours dans l’a
ttente d’être aidés. D’autre part, il y a encore beaucoup à faire pour faire grandir cet amour fraternel qui aiderait tant de pays africains à partager tranquillement les ressources que Dieu leur a données, parfois en abondance. Il y a de quoi faire pour inspirer la sagesse à exploiter avec responsabilité les ressources naturelles et les énergies qui, au lieu de cela, sont gaspillées dans les luttes de pouvoir. L’éducation religieuse et la formation culturelle seraient le bon chemin à suivre pour trouver, à plus ou moins brève échéance, une issue.
Antonio Gaspari