Ennio Morricone voit la main de Dieu dans sa vie de compositeur

ROME, Mardi 15 septembre 2009 (ZENIT.org) – Son nom ne vous dira peut-être rien, mais sa musique vous sera sûrement familière. Ennio Morricone est largement considéré comme l’un des meilleurs compositeurs de musiques de films d’Hollywood. S’il est connu surtout pour ses mémorables et mélancoliques bandes originales des Spaghetti Westerns des années 1960, comme « Le Bon, la Brute et le Truand », « Pour une poignée de dollars », « Il était une fois dans l’Ouest », de nombreux catholiques l’apprécient peut-être davantage encore pour son émouvante partition dans « Mission », un film de 1986 sur les missionnaires jésuites dans l’Amérique du Sud du 18e siècle.

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Mais sa contribution à l’industrie du cinéma s’étend bien au-delà de ses œuvres les plus célèbres : il a, en effet, écrit la musique de quelque 450 films et travaillé avec de grands réalisateurs d’Hollywood, de Sergio Leone et Bernardo Bertolucci à Brian De Palma et Roman Polanski.

Il a 80 ans et toujours bon pied, bon oeil. Le légendaire compositeur vient de terminer la bande originale de « Baaria » de Giuseppe Tornatore, un film italien qui a fait l’ouverture du Festival international du Film de Venise cette année, tandis que Quentin Tarantino l’a invité à écrire la musique de son dernier film « Inglourious Basterds » (des difficultés de calendrier ont empêché Morricone de le faire, mais il autorisé Tarantino à utiliser dans le film des extraits (clips) de sa précédente œuvre).

Le célèbre compositeur italien continue aussi à décrocher des prix prestigieux : au début de cette année, le président français Nicolas Sarkozy l’a élevé au grade de Chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur, la plus haute distinction française. Elle vient s’ajouter à une longue liste d’autres récompenses importantes dont un Oscar d’honneur (Honorary Academy Award), cinq nominations aux Oscars, cinq Baftas, et une Grammy award (distinction récompensant les meilleurs œuvres musicales américaines de l’année, classique exclu, ndlr).

Pourtant Ennio Morricone, qui est né à Rome, préfère rester dans l’ombre et n’accorde que rarement des interviews. Aussi quelle ne fut pas notre surprise quand, un matin d’août, il a aimablement accepté de faire une exception et a invité ZENIT dans son appartement du centre de Rome pour parler principalement de sa foi et de sa musique.

Son intérieur dépasse tout ce que l’on peut imaginer : un grand piano noir immaculé se détache près de la fenêtre d’un grand salon décoré avec goût, artistiquement agrémenté de peintures murales, de tableaux classiques et de panneaux en bois d’acajou. Mais Morricone, qui est marié et a quatre enfants adultes, est un homme humble, sans façon, et il répond aux questions d’une façon typiquement romaine : directement, en allant droit à l’essentiel.

Inspiration

Nous avons commencé par lui demander si sa musique, que beaucoup jugent très spirituelle, est inspirée par sa foi. Bien que se décrivant lui-même comme un « homme de foi », il adopte un point de vue très professionnel, et pourtant simple, sur son travail et déclare que sa foi ne l’inspire pas dans la plupart de ses compositions musicales. Si le film ne traite pas de religion, il reconnaît qu’il ne pense alors ni à Dieu ni l’Eglise. « Je pense à la musique que je dois écrire – la musique est un art abstrait », explique-t-il. « Mais bien sûr, si je dois écrire une pièce de musique religieuse, ma foi m’aide indiscutablement ».

Il ajoute qu’il a au-dedans de lui une « spiritualité toujours présente quand (il) compose », mais ce n’est pas par un effet de sa volonté ; il la ressent, tout simplement.

« En tant que croyant, cette foi est probablement toujours là, mais c’est à d’autres de s’en rendre compte, explique-t-il, aux musicologues et à ceux qui ne se contentent pas d’analyser les morceaux de musique, mais qui ont aussi une compréhension de ma nature, comme aussi du sacré et du mystique ».

Il ajoute, toutefois, qu’il croit que Dieu l’aide à « écrire une bonne composition, mais c’est une autre histoire ».

Sa réponse est tout aussi professionnelle et directe quand on lui demande s’il éprouve quelques scrupules à écrire des musiques pour des films de violence gratuite. « On me demande d’être au service du film », dit-il. « Si le film est violent, alors je compose une musique pour un film violent. Si le film est sur l’amour, je travaille pour un film d’amour. Il peut y avoir des films violents dans lesquels il y a du sacré ou des éléments mystiques au sein de la violence, mais je ne recherche pas volontairement ces films. J’essaie de trouver un équilibre avec la spiritualité du film, mais le réalisateur ne pense pas toujours la même chose ».
 
Ennio Morricone a débuté sa carrière musicale en 1946 après avoir obtenu un diplôme de trompette. L’année suivante, il composait déjà de la musique de théâtre, tout en jouant dans un orchestre de jazz pour faire vivre sa famille. Mais sa carrière dans la musique de films, qui débuta en 1961, ne démarra vraiment que deux ans plus tard quand il commença à travailler avec son vieil ami Sergio Leone et sa série de Spaghetti Westerns.

Il est probablement le plus renommé dans ce genre de films, et pourtant il fait remarquer qu’ils ne représentent que huit pour cent de son répertoire et qu’il a refusé une centaine d’autres films semblables. « Tout le monde me demande de faire des Westerns »,dit-il, « mais j’ai tendance à les refuser car je préfère la variété ».

Un miracle technique

A propos de « Mission », il déclare que le meilleur de cette partition du film était son « effet technique et spirituel ». Il veut dire par là la façon dont cette musique réussit à combiner trois thèmes musicaux du film. La présence de violons et du hautbois du père Gabriel représente « l’expérience de Renaissance de l’évolution de la musique instrumentale ». Le film passe ensuite à d’autres formes de musique apparues avec la réforme de l’Eglise entreprise par le Concile de Trente, et se termine sur la musique des natifs Indiens.

Il en est résulté un thème « contemporain » dans lequel les trois instruments- les instruments surgis de la Renaissance, ceux de la musique réformée post-conciliaire et les mélodies ethniques – s’harmonisent tout à la fin du film. « Le premier et le second thème vont ensemble, le premier et le troisième peuvent aller ensemble, et le second et le troisième vont ensemble », explique Morricone. « Cela était mon miracle technique qui, je le crois, fut une grande bénédiction ».

Mais le compositeur italien affirme qu’il ne connaît pas de formule garantissant le succès d’une partition de film. « Si je la connaissais, j’écrirais toujours de plus en plus de musiques comme celle-ci »,dit-il, ajoutant que la qualité de la musique dépend de si on est heureux ou triste. « Quand je suis moins heureux, je suis toujours sauvé par le professionnalisme et la technique », assure-t-il. Il ne mentionne aucun morceau musical, aucun film favori. « Je les aime tous, car tous m’ont procuré tourments et souffrances quand je travaillais sur eux, mais je ne dois pas faire et ne fais pas de distinction », affirme-t-il.

Nous en venons à un autre fin musicien : le pape Benoît XVI. E. Morricone affirme avoir une « très bonne opinion » du Saint-Père. Il voit en lui « un pape d’un esprit d’une grande noblesse, un homme d’une grande culture et aussi d’une grande force ». Il est particulièrement élogieux sur les efforts que fait Benoît XVI pour réformer la liturgie – un sujet qui tient très à cœur à E. Morricone.

« Aujourd’hui, l’Eglise a commis une grosse erreur, en revenant en arrière de 500 ans avec des guitares et des chants populaires », argumente-t-il. « Je n’aime pas du tout ça. Le chant grégorien est une tradition vitale et importante de l’Eglise, et gâcher cela avec des mélanges de paroles religieuses et profanes d’enfants, de chants occidentaux est extrêmement grave, extrêmement grave ».

Il affirme que c’est un retour en arrière parce la même chose est arrivée avant le Concile de Trente, quand des chanteurs mélangeaient le profane avec la musique sacrée. « Il [le pape] fait bien d’y remédier », fait-il observer. « Il devrait le faire avec encore plus de fermeté. Quelques Eglises en ont tenu compte, mais d’autres non ».

Ennio Morricone paraît en bonne forme et infiniment plus jeune que son âge, ce qui lui permet de continuer à donner des concer
ts dans le monde entier. En fait, il est plus sollicité que jamais : le mois prochain il interprètera ses bandes sonores à l’amphithéâtre d’Hollywood (Bowl Hollywood) à Los Angeles.

Pourtant, en dépit de sa renommée et de ses honneurs, le célèbre compositeur italien n’a rien perdu de sa truculence romaine et de son humilité. C’est peut-être cela, comme aussi nombre de ses compositions émouvantes et uniques, qui en font l’un des grands d’Hollywood.

Propos recueillis par Edward Pentin

Traduit de l’anglais par Elisabeth de Lavigne

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ZENIT Staff

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