Benoît XVI à la Commission théologique internationale

Texte intégral

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ROME, Mardi 28 avril 2009 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral du discours adressé par le pape Benoît XVI le jeudi 23 avril dernier à l’assemblée plénière de la Commission biblique pontificale.

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Monsieur le cardinal, excellence,

chers membres de la Commission biblique pontificale!

Je suis heureux de vous accueillir encore une fois au terme de votre assemblée plénière annuelle. Je remercie Monsieur le cardinal William Levada pour son adresse d’hommage et pour la présentation concise du thème qui a été l’objet d’une réflexion attentive au cours de votre réunion. Vous vous êtes à nouveau réunis pour approfondir un thème très important: l’inspiration et la vérité  de la Bible. Il s’agit d’un thème qui concerne non seulement la théologie, mais l’Eglise elle-même, car la vie et la mission de l’Eglise se fondent nécessairement sur la Parole de Dieu, qui est l’âme de la théologie et, en même temps, inspire  toute l’existence chrétienne. Le thème que vous avez affronté répond, en outre, à une préoccupation qui me tient particulièrement à cœur, car l’interprétation des Saintes Ecritures est d’une importance capitale pour la foi chrétienne et pour la vie de l’Eglise.

            Comme vous l’avez déjà rappelé, monsieur le président,  dans l’encyclique Providentissimus Deus le Pape Léon XIII offrait aux exégètes catholiques de nouveaux encouragements et de nouvelles directives sur le thème de l’inspiration de la vérité et de l’herméneutique biblique. Plus tard, Pie XII, dans son encyclique Divino afflante Spiritu, réunissait et complétait l’enseignement précédent, en exhortant les exégètes catholiques à parvenir à des solutions pleinement en accord avec la doctrine de l’Eglise, en tenant compte comme il se doit des contributions positives des nouvelles méthodes d’interprétation qui s’étaient développées entre-temps. Le vif élan donné par ces deux Papes aux études bibliques, comme vous l’avez également dit, a trouvé toute sa confirmation et a été ultérieurement développé dans le Concile Vatican ii, si bien que toute l’Eglise en a tiré bénéfice. En particulier, la Constitution conciliaire Dei Verbum éclaire encore aujourd’hui l’œuvre des exégètes catholiques et invite les pasteurs et les fidèles à se nourrir avec plus d’assiduité  à la table de la Parole de Dieu. A cet égard, le Concile rappelle tout d’abord que Dieu est l’auteur des Saintes Ecritures: «La vérité divinement révélée, que contiennent et présentent les livres de la Sainte Ecriture, y a été consignée sous l’inspiration de l’Esprit Saint. Notre Sainte Mère l’Eglise, de par sa foi apostolique, juge sacrés et canoniques tous les livres tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, avec toutes leurs parties, puisque, rédigés sous l’inspiration de l’Esprit Saint, ils ont Dieu pour auteur et qu’ils ont été transmis comme tels à l’Eglise elle-même» (Dei Verbum, n. 11). Par conséquent, puisque tout ce que  les auteurs inspirés ou hagiographes affirment doit être  considéré comme affirmé par l’Esprit Saint, auteur invisible et transcendant, il faut par conséquent déclarer que «les livres de l’Ecriture enseignent fidèlement, fermement et sans erreurs la vérité que Dieu pour notre salut a voulu voir consignée dans les Lettres sacrées» (ibid., n. 11).

            C’est de la définition correcte du concept d’inspiration divine et de vérité de l’Ecriture Sainte que dérivent certaines normes qui concernent directement son interprétation. La Constitution Dei Verbum elle-même, après avoir affirmé que Dieu est l’auteur de la Bible, nous rappelle que, dans l’Ecriture Sainte, Dieu parle à l’homme de manière humaine. Et cette synergie divino-humaine est très importante: Dieu parle réellement aux hommes de manière humaine. Pour une interprétation correcte de l’Ecriture Sainte, il  faut donc rechercher avec attention ce que les hagiographes ont vraiment voulu affirmer et ce que Dieu a voulu  manifester à travers des paroles humaines. «En effet, les paroles de Dieu, passant par les langues humaines ont pris la ressemblance du langage des hommes, de même que jadis le Verbe du Père éternel ayant pris l’infirmité de notre chair, est devenu semblable aux hommes» (Dei Verbum, n. 13). Ces indications extrêmement nécessaires pour une  interprétation correcte à caractère historique et littéraire en tant que première dimension  de toute exégèse, exigent ensuite  un lien avec les  prémisses de la doctrine sur l’inspiration et la vérité de l’Ecriture Sainte. En effet, l’Ecriture étant inspirée, il y a un souverain principe de juste interprétation sans lequel les écrits saints demeureraient lettre morte, uniquement du passé: l’Ecriture Sainte doit «être lue et interprétée  à la lumière du même Esprit qui la fit rédiger» (Dei verbum, n.12).

            A cet égard, le Concile Vatican II indique trois critères toujours valables pour une interprétation  de l’Ecriture Sainte conforme à l’esprit qui l’a inspirée. Tout d’abord, il faut prêter une grande attention au contenu et à l’unité de toute l’Ecriture: ce n’est que dans son unité qu’elle est l’Ecriture. En effet, bien que les livres qui la composent soient différents, l’Ecriture Sainte est une en vertu de l’unité du dessein de Dieu, dont le Christ Jésus est le centre et le cœur (cf. Lc 24, 25-27; Lc 24, 44-46). En second lieu, il faut lire l’Ecriture  dans le contexte de la tradition vivante de toute l’Eglise. Selon une formule d’Origène, «Sacra Scriptura principalius est in corde Ecclesiae quam in materialibus instrumentis scripta» c’est-à-dire, «l’Ecriture Sainte est écrite dans le cœur de l’Eglise avant que sur des instruments matériels». En effet, l’Eglise porte dans sa Tradition la mémoire vivante de la Parole de Dieu et c’est l’Esprit Saint qui lui donne l’interprétation  de celle-ci selon le sens spirituel (cf. Origène, Homiliae in Leviticum, 5, 5). Comme troisième critère, il est nécessaire de prêter attention à l’analogie de la foi, c’est-à-dire à la cohésion des vérités de foi individuelles entre elles et avec le plan d’ensemble de la Révélation et la plénitude de l’économie divine renfermée en elle.

            La tâche des chercheurs qui étudient de diverses manières l’Ecriture Sainte est celle de contribuer selon les principes  susmentionnés à la compréhension et à la présentation plus profondes du sens de l’Ecriture Sainte. L’étude scientifique des textes sacrés est importante, mais elle ne suffit pas à elle seule,  parce qu’elle ne respecterait que la dimension humaine. Pour respecter la cohérence de la foi de l’Eglise, l’exégète catholique doit être attentif à percevoir la Parole de Dieu dans ces textes, au sein de la foi de l’Eglise elle-même. En l’absence de ce point de référence indispensable, la recherche exégétique demeurerait incomplète, en perdant de vue sa finalité principale, avec le risque d’être réduite à une lecture purement littéraire, dans laquelle le véritable Auteur – Dieu –  n’apparaît plus. En outre, l’interprétation des Saintes Ecritures ne peut pas être uniquement un travail scientifique individuel, mais doit toujours être confrontée, inscrite et authentifiée par la tradition vivante de l’Eglise. Cette norme est  décisive pour préciser le rapport correct et réciproque entre l’exégèse et le magistère de l’Eglise. L’exégète catholique ne se sent pas seulement membre de la communauté scientifique, mais également et surtout membre de la communauté des croyants de tous les temps. En réalité, ces textes n’ont pas été donnés aux chercheurs individuellement  ou à la communauté scientifique «pour satisfaire leur curiosité ou pour  leur fournir des sujets d’études ou de rec
herche» (Divino afflante Spiritu, EB 566). Les textes inspirés par Dieu ont été  confiés en premier lieu à la communauté des croyants, à l’Eglise du Christ, pour alimenter la vie de foi et guider la vie de charité. Le respect de cette finalité conditionne la validité et l’efficacité de l’herméneutique biblique. L’encyclique Prudentissimus Deus a rappelé cette vérité fondamentale et a observé que, loin de faire obstacle à la recherche biblique,  le respect de cette dimension  favorise son progrès authentique. Je dirais qu’une herméneutique de la foi correspond davantage à la réalité de ce texte  qu’une herméneutique rationaliste, qui ne connaît pas Dieu.

            Etre fidèles à l’Eglise signifie, en effet,  s’inscrire dans le courant de la grande Tradition qui, sous la direction  du magistère, a reconnu les écrits canoniques comme parole  adressée par Dieu à son peuple  et n’a jamais cessé de les méditer et d’en redécouvrir les richesses inépuisables. Le Concile Vatican ii l’a réaffirmé avec une grande clarté: «Tout ce qui concerne la manière d’interpréter l’Ecriture est finalement soumis au jugement de l’Eglise, qui exerce le ministère et le mandat divinement reçus de garder la parole de Dieu et de l’interpréter» (Dei Verbum, n. 12). Comme nous le rappelle la Constitution dogmatique susmentionnée, il existe une  unité indissociable entre l’Ecriture Sainte et  la Tradition, car toutes deux proviennent d’une même source: «La sainte Tradition et la Sainte Ecriture sont donc reliées et communiquent étroitement entre elles. Car toutes deux, jaillissant d’une source divine identique, ne forment pour ainsi dire qu’un tout et tendent à une même fin. En effet, la Sainte Ecriture est la parole de Dieu consignée par écrit sous l’inspiration de l’Esprit divin; quant à la sainte Tradition, elle porte la Parole de Dieu, confiée par la Christ Seigneur et par l’Esprit Saint aux apôtres et la transmet intégralement à leurs successeurs, pour que, illuminés par l’esprit de vérité, en la prêchant, ils la gardent, l’exposent et la diffusent avec fidélité: il en résulte que l’Eglise ne tire pas de la seule Ecriture Sainte sa certitude sur tous les points de la Révélation. C’est pourquoi l’une et l’autre doivent être  reçues et vénérées avec un égal sentiment d’amour et de respect» (Dei Verbum, n. 9). Comme nous le savons, cette expression «pari pietatis affectu ac reverentia» a été créée par saint Basile, a ensuite été reprise dans le décret de Gratien, d’où elle est entrée dans le Concile de Trente puis dans Vatican II. Elle exprime  précisément cette interpénétration entre Ecriture et Tradition. Seul le contexte ecclésial permet à l’Ecriture Sainte d’être comprise comme authentique Parole de Dieu qui se fait guide, norme et règle pour la vie de l’Eglise et la croissance spirituelle des croyants. Cela, comme je l’ai déjà dit n’empêche en aucune manière  une interprétation sérieuse, scientifique, mais ouvre en outre l’accès aux dimensions ultérieures du Christ, inaccessibles à une analyse uniquement littéraire, qui demeure incapable d’accueillir en soi le sens global qui, au cours des siècles, a guidé la Tradition de tout le Peuple de Dieu.

            Chers membres de la Commission biblique pontificale, je souhaite conclure mon intervention en   vous faisant part à tous de mes remerciements et de mes encouragements personnels. Je vous remercie cordialement du travail difficile que vous effectuez au service de la Parole de Dieu et de l’Eglise, à travers la recherche, l’enseignement et la publication de vos études. J’ajoute à cela mes encouragement pour le chemin  qui reste encore à parcourir. Dans un monde où la recherche scientifique assume une importance toujours plus grande dans de nombreux domaines, il est indispensable que la science exégétique se situe à un niveau adéquat. C’est l’un des aspects de l’inculturation de la foi qui fait partie  de la mission de l’Eglise, en harmonie avec l’accueil du mystère de l’Incarnation. Chers frères et sœurs, que le Seigneur Jésus Christ, Verbe de Dieu incarné et divin Maître qui a ouvert l’esprit de ses disciples à l’intelligence des Ecritures (cf. Lc 24, 45), vous guide et vous soutienne dans vos réflexions. Que la Vierge Marie, modèle de docilité et d’obéissance à la Parole de Dieu, vous enseigne à accueillir toujours mieux la richesse inépuisable de l’Ecriture Sainte, non seulement à travers la recherche intellectuelle, mais aussi dans votre vie de croyants, afin que votre travail et votre action puissent contribuer à faire toujours  davantage resplendir devant les fidèles la lumière de l’Ecriture Sainte. Tout en vous assurant du soutien de ma prière dans votre travail, je vous donne  de tout cœur, en gage  des faveurs divines, ma Bénédiction apostolique.

© Copyright : Librairie Editrice du Vatican

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ZENIT Staff

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