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ROME, Lundi 15 décembre 2008 (ZENIT.org) – Les droits de l’homme requièrent un exercice quotidien : c’est « chaque jour » qu’il faut les « rappeler », les « reconstituer dans notre conscience » et les vivre « à nouveau », déclare le cardinal Bertone.
Le cardinal-secrétaire d’Etat, Tarcisio Bertone, est intervenu lors de la commémoration solennelle du 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui a eu lieu au Vatican, dans la salle Paul VI, mercredi dernier, 10 décembre, à l’initiative du Conseil pontifical justice et paix.
« Les droits de l’homme, même quand ils ont été reconnus et même fixés dans une éventuelle convention, ont toujours besoin d’être défendus, a noter le secrétaire d’Etat. Ils ont besoin de fidélité de notre part, parce qu’ils peuvent être perdus de vue, réinterprétés de manière restrictive, et même niés ».
En d’autres termes, c’est « chaque jour » qu’il faut les « rappeler », les « reconstituer dans notre conscience » et les vivre « à nouveau », a souligné le cardinal Bertone.
Unité de la famille humaine
« Au moment où elle fut adoptée, la déclaration universelle exprimait le primat de la liberté sur l’oppression, de l’unité de la famille humaine sur les divisions idéologiques et politiques, mais aussi sur les différences de race, de sexe, de langue et de religion. Elle voulait défendre la personne, de l’idolâtrie de l’Etat que les totalitarismes avaient même divinisée », a rappelé le cardinal Bertone.
Il a précisé que l’ensemble des droits et des facultés de la personne que propose la Déclaration, exalte sa liberté et son appartenance à la famille humaine en disant: « Nous ne sommes pas seulement devant une proclamation, mais plutôt devant une considération nouvelle et une place nouvelle de la dignité humaine de la part de la Communauté internationale et des différentes communautés politiques qui l’animent, peu enclins jusqu’alors à admettre la personne comme protagoniste ».
Il y voit une approche irremplaçable « parce qu’elle appelle la personne à vivre ses propres droits avec une attitude de partage des droits des autres, et à regarder chacun de ses semblables non en termes d’opposition ou de limite, mais en en reconnaissant ‘l’égalité substantielle’ et en s’engageant à vivre ‘dans un esprit de fraternité’ ».
Un signe des temps
C’est pourquoi, a expliqué le cardinal Bertone, « l’Eglise a vu dans la Déclaration un signe des temps », « un acte en mesure de synthétiser le sens de la liberté, en ramenant à des principes immuables les exigences actuelles, capable d’offrir des indications anthropologiquement fondées et en mesure juridiquement de répondre aux besoins humains les plus profonds ».
Or, l’idée des droits fondamentaux a ses racines dans la tradition chrétienne, et dans la doctrine de l’Eglise, a constaté le secrétaire d’Etat en insistant sur le principe de subsidiarité : « La protection de la personne humaine évoque la subsidiarité comme principe régulateur de l’ordre social et qui, en partant de la personne, garantit les droits et les libertés individuels, mais aussi ceux qui sont liés à la dimension communautaire ».
« C’est aussi la raison pour laquelle, a-t-il ajouté, l’Eglise apprécie la valeur de la Déclaration universelle des droits de l’homme, comme le prouvent les interventions à l’ONU de Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI ».
Cependant le cardinal Bertone a déploré qu’aujourd’hui « les droits fondamentaux semblent dépendre de mécanismes anonymes sans contrôle, et d’une vision qui s’enferme dans le pragmatisme du moment, en oubliant que le critère de l’avenir de la famille humaine est la solidarité ».
Or, s’est-il demandé, est-ce que ce sont « les structures économiques et leurs récents changements » qui provoquent le déni des droits, ou bien ne nous trouvons nous pas plutôt devant « un abandon de la vision de la personne qui, de sujet, est devenue toujours plus un objet de l’action économique ».
Universalité et indivisibilité des droits
Le cardinal Bertone a rappelé que ce qui confère aux droits de l’homme leur « universalité », c’est l’universalité de la « personne » humaine. C’est pourquoi il a posé ce diagnostic : « Le manque de protection des droits de l’homme, qui se manifeste souvent par l’attitude de nombreuses institutions et fonctions de l’autorité, est le fruit de la désagrégation de l’unité de la personne pour qui on songe à proclamer des droits différents, construire de vastes domaines de liberté qui restent toutefois privés de tout fondement anthropologique ».
« Il ne semble plus possible de garantir les droits, si l’on oublie leur caractère indivisible, et si l’on n’abandonne pas cette conviction que la protection des droits civils et politiques passe par un ‘ne rien faire’ des appareils institutionnels, alors que l’engagement pour les droits économiques, sociaux et culturels doit être considéré seulement comme programmatique », a déclaré le secrétaire d’Etat.
La liberté religieuse, plus que la tolérance
A propos du droit à la liberté religieuse, le cardinal Bertone a fait observer que « l’objet de ce droit n’est pas le contenu intrinsèque d’une foi religieuse déterminée, mais l’immunité par rapport à toute coercition ».
Il a ajouté que « le fait religieux a une influence directe dans le déroulement de la vie interne des Etats, et de la vie de la Communauté internationale ».
Pourtant, a-t-il constaté, « des tendances semblent vouloir exclure la religion et les droits qui lui sont liés, de la possibilité de concourir à la construction de l’ordre social, même dans le plein respect du pluralisme qui caractérise les sociétés contemporaines ».
« La liberté religieuse risque d’être confondue, a averti le cardinal Bertone, avec la simple liberté de culte ou du moins, interprétée comme un élément appartenant à la sphère privée, et replacée toujours plus par un ‘droit de tolérance’ non précisé et imprécis ».
Il a souligné que « la liberté religieuse, en tant que droit fondamental », c’est plus que la simple « tolérance religieuse ».
Loi naturelle
Le secrétaire d’Etat a fait également observer le lien qui existe entre droits humains et loi naturelle. « Il est toujours plus difficile, a rappelé le cardinal Bertone, de prévoir une protection des droits, efficace et universelle, sans un lien avec cette loi naturelle qui féconde les droits eux-mêmes et est l’antithèse de cette dégradation qui, dans nombre de nos sociétés, a intérêt à mettre en discussion l’éthique de la vie et de la procréation, du mariage et de la vie de la famille, mais aussi de l’éducation et de la formation des jeunes générations, en introduisant uniquement une vision individualiste sur laquelle construire arbitrairement de nouveaux droits plus ou moins bien précisés dans leur contenu et dans la logique juridique ».
Il a conclu que « seule une vision faible des droits de l’homme peut considérer que l’être humain est la résultante de ses droits, en ne reconnaissant pas que ces droits restent un instrument créé par l’homme pour donner sa pleine réalisation à sa dignité innée ».