ROME, Vendredi 12 décembre 2008 (ZENIT.org) – « La dignité de la personne. Sur certaines questions de bioéthique » : cette nouvelle Instruction de la Congrégation pour la doctrine de la foi publiée aujourd’hui donne des indications éthiques sur des questions complexes : une « formation des consciences » est en jeu, a constaté Mgr Fisichella, et les exemples de « cas de conscience », justement, n’ont pas manqué d’être soulevés lors des échanges avec la presse.
Vaccins « illicites » et obligatoires
Que faire si les vaccins, obligatoires dans telle nation, ne sont pas fabriqués de façon « licite » ? L’Instruction envisage le cas au n. 34 en disant : « Pour la recherche scientifique et pour la production de vaccins ou d’autres produits, on utilise parfois des lignées de cellules, qui sont le produit d’intervention illicite contre la vie et contre l’intégrité physique de l’être humain. Le lien avec l’action injuste peut être immédiat ou médiat, vu qu’il s’agit généralement de cellules qui se reproduisent facilement et en abondance. Ce « matériel » est parfois commercialisé ou bien distribué gratuitement dans les centres de recherche par les organismes publics habilités par la loi ».
Mgr Sgreccia a fait observer qu’il y a l’obligation morale de demander un « autre type de vaccin ». Mais pour ce qui est de l’obligation de la vaccination et du risque à ne pas vacciner un enfant, il ajoute qu’un vaccin « préparé avec des éléments de provenance illicite, utilisé aux Etats-Unis », – à savoir fabriqués à partir d’embryons avortés volontairement -, peut être utilisé », il n’y a pas en cela de « faute », étant donné qu’il « n’y a pas d’autre moyen de bloquer l’épidémie ». C’est « licite ». Mais les parents ne sont pas « obligés ». Ils peuvent refuser le vaccin et dire aux responsables de l’Etat qu’il faut « changer de route, pour ne pas causer de problèmes de conscience », parce qu’aujourd’hui « on peut faire venir les vaccins de l’étranger, d’autres laboratoires, d’Europe, même si c’est une perte économique pour les pharmacies qui ont des stocks ».
La congélation d’ovocytes
L’instruction romaine ne permet pas la « congélation d’ovocytes » dans le cadre de la procréation artificielle. Mais, souligne le prof. Maria Luisa Di Pietro si la « cryoconservation » est « inacceptable », dans ce cadre, elle peut en revanche être une forme de prévention de la fertilité pour qui va subir une chimiothérapie, par exemple, de façon à permettre, après le traitement, une conception naturelle » : dans ce cas, elle est licite. Donc,
Elle n’est pas « en soi » inacceptable mais selon qu’elle est ordonnée ou non à la « procréation artificielle ou à une conception naturelle ».
« Hybridation »
Pour ce qui est de la formation d’êtres « hybrides », elle est refusée par l’Instruction comme lésant la dignité de la personne humaine. Mais que dire de la manipulation génétique destinée à préparer par exemple l’organisme d’un cochon pour donner son cœur à un être humain, de façon à ce qu’il n’y ait pas de phénomène de rejet ?
L’hybridation, a fait observer Mgr Sgreccia n’est pas la « xéno-transplantation ». Dans ce dernier cas en effet il s’agit d’introduire un gène dans l’embryon de porc, de façon à ce que le cœur du cochon ne soit pas rejeté par le corps de l’homme mais soit génétiquement immuno-compatible avec la transplantation.
La question est discutée cependant pour d’autres motifs que l’hybridation. En effet, le gène « élimine une incompatibilité », mais le cochon pourrait être porteur de maladies que son organisme maîtrise mais contre lesquelles celui de l’homme pourrait ne pas se défendre. Il rappelait que le sida vient du singe, qui se défend contre ce virus, l’homme non. La raison de la prudence est donc due à d’autres motifs : il faut « être très attentifs pour être sûr » de ce qu’on déclenche, avant d’avancer.
En revanche, a souligné Mgr Sgreccia, l’hybridation constitue une « offense la dignité humaine ».
Le n. 35 de l’Instruction dit à ce propos : « Récemment, des ovocytes d’animaux ont été utilisés pour la reprogrammation des noyaux de cellules somatiques humaines. Cette méthode, généralement appelée clonage hybride, a pour but de prélever des cellules souches embryonnaires sur les embryons produits, sans avoir à recourir à l’utilisation d’ovocytes humains.
De tels procédés sont, du point de vue éthique, une offense à la dignité de l’être humain, en raison du mélange des éléments génétiques humains et animaux susceptibles de nuire à l’identité spécifique de l’homme. L’utilisation éventuelle de cellules souches, extraites de ces embryons, comporterait aussi des risques supplémentaires encore inconnus pour la santé, à cause de la présence du matériel génétique animal dans leur cytoplasme. Exposer de manière consciente un être humain à ces risques est moralement et déontologiquement inacceptable ».
L’Université catholique du sacré Cœur à Rome, a mis au point dans la deuxième partie des années quatre-vingt, une technique de procréation « assistée » : est-elle en accord avec la loi morale ?
Le prof. Maria Luisa Di Pietro répond qu’il s’agit d’une technique consistant à « prélever du sperme pendant l’acte conjugal, pour des raisons de type moral, pour respecter la dimension unitive de la procréation et pour des raisons psychologiques, car il est très important pour le mari d’être conscient qu’une partie de la semence pourrait avoir fécondé sa femme », et pas seulement l’aide de la médecine.
Ce ne sont que quatre exemples des « cas » posés aujourd’hui par la bioéthique et examinés par l’instruction qui motive ensuite son jugement sur ces cas.
Il s’agit donc d’une véritable « formation des consciences » qui est proposée, a souligné Mgr Fisichella : « une œuvre de formation doit donner des arguments, car la conscience se nourrit d’arguments, de critère de jugement, pour discerner entre ce qui est bien et ce qui est mal : on motive les oui et les non que l’on donne. Les arguments ne sont pas fruits de la foi mais de la ratio, de la raison, l’éthique est l’expression de la raison dans sa recherche à la lumière de la raison, la foi assume et porte ce que fait la raison à un niveau ultérieur, purifie et élève ».
Mgr Ladaria a précisé qu’il n’y a pas de « contradiction entre former la conscience et donner des indications : la conscience doit être formée, mais notre conscience n’est pas un caprice, elle doit être formée, donc il faut lui fournir des indications : l’Eglise doit proposer ces principes pour qu’ils soient compris, assimilés, deviennent les critères de notre agir ».
Anita S. Bourdin