Dieu ne rétribue pas seulement en fonction du mérite, mais aussi des besoins

Commentaire de l’évangile du dimanche 21 septembre, par le P. Cantalamessa

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ROME, Vendredi 19 septembre 2008 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile du dimanche 21 septembre, XXVème dimanche du temps ordinaire, proposé par le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale.

Evangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu (Mt 20, 1-16a)

Jésus disait cette parabole : « Le Royaume des cieux est comparable au maître d’un domaine qui sortit au petit jour afin d’embaucher des ouvriers pour sa vigne. Il se mit d’accord avec eux sur un salaire d’une pièce d’argent pour la journée, et il les envoya à sa vigne.
Sorti vers neuf heures, il en vit d’autres qui étaient là, sur la place, sans travail. Il leur dit : ‘Allez, vous aussi, à ma vigne, et je vous donnerai ce qui est juste.’ Ils y allèrent. Il sortit de nouveau vers midi, puis vers trois heures, et fit de même.
Vers cinq heures, il sortit encore, en trouva d’autres qui étaient là et leur dit : ‘Pourquoi êtes-vous restés là, toute la journée, sans rien faire ?’ Ils lui répondirent : ‘Parce que personne ne nous a embauchés.’ Il leur dit : ‘Allez, vous aussi, à ma vigne.’
Le soir venu, le maître de la vigne dit à son intendant : ‘Appelle les ouvriers et distribue le salaire, en commençant par les derniers pour finir par les premiers.’
Ceux qui n’avaient commencé qu’à cinq heures s’avancèrent et reçurent chacun une pièce d’argent.
Quand vint le tour des premiers, ils pensaient recevoir davantage, mais ils reçurent, eux aussi, chacun une pièce d’argent. En la recevant, ils récriminaient contre le maître du domaine :
‘Ces derniers venus n’ont fait qu’une heure, et tu les traites comme nous, qui avons enduré le poids du jour et de la chaleur !’ Mais le maître répondit à l’un d’entre eux : ‘Mon ami, je ne te fais aucun tort. N’as-tu pas été d’accord avec moi pour une pièce d’argent ? Prends ce qui te revient, et va-t’en. Je veux donner à ce dernier autant qu’à toi : n’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mon bien ? Vas-tu regarder avec un oeil mauvais parce que moi, je suis bon ?’

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Allez, vous aussi, à ma vigne

La parabole des ouvriers envoyés travailler à la vigne à des heures différentes du jour a toujours créé des difficultés chez les lecteurs de l’Evangile. La manière de faire du patron qui donne la même paie à qui a travaillé une heure et à qui a travaillé une journée entière est-elle acceptable ? Celle-ci ne viole-t-elle pas le principe de la juste récompense ? Aujourd’hui, les syndicats protesteraient en choeur si quelqu’un agissait comme ce patron.

La difficulté naît d’une équivoque. On considère la question de la récompense de manière abstraite ou de manière générale, ou en référence à la récompense éternelle au ciel. Si l’on voit les choses ainsi, il y a en effet une contradiction avec le principe selon lequel Dieu « rendra à chacun selon ses œuvres » (Rm 2, 6). Mais Jésus fait ici référence à une situation concrète, à un cas bien précis. La seule rétribution qui est donnée à tous est le royaume des cieux que Jésus a porté sur la terre ; c’est la possibilité d’entrer dans le salut messianique. La parabole commence en disant : « Le Royaume des cieux est comparable au maître d’un domaine qui sortit au petit jour…».

Le problème est une fois encore celui de la situation des juifs et des païens, ou des justes et des pécheurs, à l’égard du salut annoncé par Jésus. Même si les païens (respectivement les pécheurs, les publicains, les prostituées etc.) n’ont optés pour Dieu que devant la prédication de Jésus, alors qu’avant ils étaient éloignés de Dieu (« oisifs »), ce n’est pas pour cela qu’ils occuperont dans le royaume une position différente et inférieure. Eux aussi siègeront à la même table et jouiront de la plénitude des biens messianiques. Plus encore, parce qu’ils se montrent plus zélés à accueillir l’Evangile que ceux que l’on appelle les « justes », voilà que se réalise ce que Jésus dit en conclusion de la parabole de ce jour : « Les premiers seront les derniers et les derniers seront les premiers ».

Quand on a découvert le royaume, c’est-à-dire quand on a embrassé la foi, alors il y a effectivement de la place pour la diversité. Le destin de celui qui sert Dieu toute sa vie, faisant fructifier au maximum ses talents, par rapport à celui qui donne à Dieu seulement les résidus de sa vie, avec une confession préparée d’une certaine manière au dernier moment, n’est plus le même.

La parabole renferme aussi un enseignement d’ordre spirituel d’une très grande importance : Dieu nous appelle tous et appelle à toutes les heures. La question, en somme, est celle de l’appel, plus que celle de la récompense. C’est dans ce sens que notre parabole a été utilisée dans l’exhortation de Jean-Paul II sur « La vocation et la mission des laïcs dans l’Eglise et dans le monde » (Christifideles laici). « Les fidèles laïcs… appartiennent à ce peuple de Dieu, représentés par les ouvriers de la vigne… Allez vous aussi à ma vigne… L’appel ne s’adresse pas seulement aux pasteurs, aux prêtres, aux religieux et aux religieuses, il s’étend à tous, les fidèles laïcs sont eux aussi appelés personnellement par le Seigneur » (1-2).

Je voudrais attirer l’attention sur un aspect qui est peut-être marginal dans la parabole, mais combien ressenti et vital dans la société moderne : le problème du chômage. A la question du patron : « Pourquoi êtes-vous restés là, toute la journée, sans rien faire ? », les ouvriers répondent : « Parce que personne ne nous a embauchés ». Cette réponse décourageante pourrait être donnée aujourd’hui par des millions de chômeurs. Jésus n’était pas insensible à ce problème. S’il décrit aussi bien cette scène, c’est parce que tant de fois son regard s’est posé avec compassion sur ces groupes d’hommes assis par terre, ou appuyés contre des murs, les pieds reposant sur un muret dans l’attente d’être « engagés ».

Ce patron sait que les ouvriers de la dernière heure ont les mêmes nécessités que les autres, ont aussi des enfants à nourrir, comme ceux de la première heure. En donnant à tous la même paie, le patron montre ne pas tenir compte uniquement du mérite, mais aussi du besoin. Nos sociétés capitalistes basent la récompense uniquement sur le mérite (souvent plus nominal que réel) et sur l’ancienneté de service, et non sur les besoins de chaque personne. C’est au moment où un jeune ouvrier a le plus besoin de gagner de l’argent pour construire sa maison et une famille que son salaire est le plus bas, alors qu’à la fin de sa carrière, quand désormais il en a moins besoin, la récompense (spécialement au sein de certaines catégories sociales), est à son maximum. La parabole des ouvriers dans la vigne nous invite à trouver un plus juste équilibre entre les deux exigences du mérite et du besoin.

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ZENIT Staff

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