ROME, Mardi 15 avril 2008 (ZENIT.org) – Le scandale qui a frappé le gouverneur de l’Etat de New York, Eliot Spitzer, contraint à présenter sa démission après avoir été accusé de fréquenter des prostituées, relance le débat sur le sexe moyennant paiement.
Dans un article d’opinion paru le 13 mars sur le Los Angeles Times, Patty Kelly, professeur d’anthropologie à l’Université George Washington, affirme que la prostitution fait partie de notre culture et qu’elle devrait être dépénalisée.
Au Canada, l’éditorialiste Jeet Heer relève, dans un artiche paru le 12 mars, que beaucoup d’hommes politiques sont des clients assidus de la prostitution. Il estime donc que la prostitution est un travail comme un autre et qu’il devrait être légalisé.
Avant le scandale Spitzer, l’éditorialiste David Aaronovitch, du Times à Londres, affirmait dans son article du 15 janvier que le sexe payant entre adultes n’a rien de mal. Depuis quelque temps, déjà, les autorités britanniques discutent sur une éventuelle modification des normes régissant la prostitution, bien que toute intervention semble pour le moment avoir été reportée.
Mais la presse anglaise a également publié de nombreux articles qui prennent position contre toute forme de légalisation. Le 19 janvier, le Times s’est fait l’écho d’un livre, publié récemment en France, dont l’auteur est une jeune étudiante de 19 ans qui se fait appeler Laura D. Cette jeune fille a payé sa première année universitaire en travaillant comme prostituée et a écrit ce livre pour recommander aux autres filles de ne pas suivre son exemple.
Dans son livre, rapporte le Times, la jeune étudiante décrit son expérience comme une expérience désagréable et assimilable à une forme de domination financière. Elle raconte que depuis qu’elle a quitté son activité, il lui est difficile d’avoir une relation avec l’autre sexe.
Janice Turner, sur le Times du 23 février, écrit quant à elle que la grande majorité des femmes qui s’adonnent à la prostitution souhaite en sortir. Elle pense que les maisons closes légalisées en Hollande sont comme des « aimants pour le crime organisé et les trafiquants de drogue ». La situation, ajoute-t-elle, n’est pas différente dans les centres de prostitution légalisée au Nevada, où bon nombre de femmes sont souvent traitées de façon cruelle.
Sur le journal canadien National Post du 13 mars, est parue une réponse à l’article de Jeet Heer. Selon la journaliste Barbara Kay, la prostitution n’est pas un travail comme un autre et ne saurait être considérée comme tel. « Les prostituées font quelque chose qui relève de l’inhumain, pour satisfaire des instincts qui, dans un monde vraiment ‘meilleur’, pourraient être canalisés dans des relations plus dignes et fécondes », affirme-t-elle
« Vendre son corps n’est pas un comportement dont on peut être fier, car la structure psychologique du genre humain veut que l’estime de soi chez la femme soit indissociable de son comportement sexuel », ajoute-t-elle.
Les victimes
Au moment du scandale Spitzer, en Grande Bretagne sortait un livre sur les politiques de l’Etat en matière de prostitution. L’ouvrage, intitulé « Prostitution, Politics and Policy » (Routledge-Cavendish), écrit par Roger Matthews, rapporte les conclusions de 20 années de recherche et d’étude sur le phénomène de la prostitution.
R. Matthews, professeur de criminologie à la London South Bank University, énonce une série de problèmes liés à la prostitution. Ceux qui favorisent sa dépénalisation, souligne-t-il, considèrent que la prostitution est un délit sans victimes. Une position qui, selon lui, est pour le moins superficielle.
Les personnes qui se prostituent, surtout les femmes qui exercent sur le bord des routes, représentent un des groupes sociaux les plus exposés, estime le professeur Matthews. Beaucoup de ces femmes ont un passé lourd (abus, abandon) et beaucoup d’entre elles sont des toxicomanes. Les estimations varient, ajoute l’auteur, mais d’après plusieurs études réalisées dans divers pays, on estime qu’entre 50% et 90% des prostituées qui sont dans la rue ont subi des abus ou vécu un abandon durant leur enfance.
Ces femmes sont également les plus exposées aux problèmes de logement, de chômage et de pauvreté. Leur vulnérabilité et le manque d’estime de soi font qu’elles se laissent plus facilement exploitées par ceux qui finiront pas les entraîner dans la prostitution, ajoute R. Matthews.
Contrairement à ceux qui dépeignent la prostitution comme un libre choix ou un moyen de libération pour la femme, le professeur souligne que beaucoup de femmes s’adonnent à la prostitution pour pouvoir acheter de la drogue ou d’autres nécessités urgentes. Selon les données rapportées dans son livre, 10 à 15% de femmes se trouveraient sous la coupe de ‘protecteurs’ les forçant à se prostituer.
Selon R. Matthews « derrière l’apparente indépendance et autonomie se cache un grand nombre de femmes qui ont perdu toutes leurs illusions et qui finissent peu à peu par perdre l’estime de soi ». Un problème qui s’aggrave au fur et à mesure que ces femmes avancent dans l’âge et qu’elles perdent leur pouvoir de séduction.
Superficialité
Retirer les prostituées de la rue et légaliser la prostitution peut paraître une solution, mais elle ne l’est que d’un point de vue superficiel, explique le criminologue dans un son livre.
R. Matthews rapporte le cas de l’Etat australien de Victoria où, relève-t-il, la légalisation de la prostitution a conduit non seulement à une prolifération des maisons closes, mais à une hausse également de la prostitution illégale. Les conditions de travail, dans beaucoup de cas, ne se sont guère améliorées, et les cas de violence sur les femmes se sont multipliés.
On retrouve les mêmes problèmes aux Pays-Bas, poursuit R. Matthews, au point que les autorités ont décidé récemment de fermer de nombreuses maisons closes, pourtant légales. Quant à l’expérience allemande, elle montre, selon l’auteur, que la légalisation a augmenté la présence des prostituées dans la rue au lieu de la réduire.
Concernant les contrôles sanitaires qui sont de rigueur dans les structures légalisées, le prof. Matthews affirme que leur efficacité est en réalité très relative, vu que les clients n’y sont pas soumis. Il s’agit donc d’un examen sans grande valeur qui pourrait d’ailleurs faire croire aux gens qu’ils sont en sécurité alors qu’ils ne le sont pas.
Offense à la dignité
L’enseignement de l’Eglise sur la prostitution est clair. Le catéchisme de l’Eglise catholique observe que les personnes impliquées dans ce genre de services sont offensées dans leur dignité, car elles sont réduites à un simple instrument de plaisir sexuel. Le n. 2355 critique également les personnes qui paient, affirmant qu’elles pèchent gravement contre elles-mêmes.
Ces derniers temps, l’Eglise a mis un accent particulier sur les violations de la dignité humaine par la prostitution. Le document conciliaire « Gaudium et spes » dresse une liste de tout ce qui constitue une « offense à la vie et à l’intégrité de la personne humaine », dont la prostitution.
De telles offenses « corrompent la civilisation humaine », affirme le document (n. 27).
Dans l’encyclique Veritatis splendor, le pape Jean-Paul II reprend l’énoncé de toutes les offenses contenues dans la constitution « Gaudium et spes » (5), soulignant que leur nature veut qu’elles soient considérées comme des actes « intrinsèquement mauvais », et donc toujours gravement illicites (n. 80).
Puis, Jean-Paul II, dans son autre encyclique Evangelium vitae, renvoie à la même liste de violations et d’atteintes à la vie humaine,
en disant trente ans plus tard : « Encore une fois et tout aussi fermement je les déplore au nom de l’Eglise entière » (n. 3).
Benoît XVI a lui aussi soulevé les problèmes de la prostitution dans le discours qu’il a adressé le 13 décembre au nouvel ambassadeur de Thaïlande près le Saint-Siège, et dans lequel il rappelle la préoccupation de l’Eglise pour des fléaux comme « la plaie du SIDA, la prostitution et le commerce de femmes et d’enfants qui continuent d’affliger les pays de la région » du sud-est asiatique.
Le pape avait alors déploré la superficialité avec laquelle la sexualité est traitée dans les moyens de communication sociale, ce qui conduit à donner une image dégradante de la femme et à des abus contre les enfants. Affronter ces crimes serait un tournant décisif d’espérance et de dignité pour tous les intéressés, avait déclaré le pape. Un sentiment que partagent tant de personnes qui se préoccupent du sort de toutes les femmes prisonnières de la prostitution.
P. John Flynn, l.c.
Traduction française : Isabelle Cousturié