Dimanche des Rameaux : homélie de Benoît XVI

ROME, Lundi 17 mars 2008 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de l’homélie que le pape Benoît XVI a prononcée lors de la messe qu’il a présidée place Saint-Pierre le dimanche des Rameaux, également XXIIIe Journée mondiale de la jeunesse.

Chers frères et sœurs,

Chaque année, l’Evangile du Dimanche des Rameaux nous raconte l’entrée de Jésus à Jérusalem. Accompagné de ses disciples et d’une foule croissante de pèlerins, Il était monté de la plaine de Galilée jusqu’à la Cité sainte. Comme des étapes de cette ascension, les évangélistes nous ont transmis trois annonces de Jésus concernant sa Passion, faisant en même temps allusion à l’ascension intérieure qui se déroulait au cours de ce pèlerinage. Jésus marche vers le temple – vers le lieu où Dieu, comme dit le Deutéronome, avait voulu « faire habiter » son nom (cf. 12, 11  ; 14, 23). Le Dieu qui a créé le ciel et la terre s’est donné un nom, il a permis qu’on l’invoque, il a même permis que les hommes puissent presque le toucher. Aucun lieu ne peut Le contenir et pourtant, ou précisément pour cela, Il se donne lui-même un lieu et un nom, afin qu’Il puisse personnellement, Lui qui est le vrai Dieu, y être vénéré comme le Dieu au milieu de nous. Le récit sur Jésus à l’âge de douze ans nous a montré qu’Il aimait le temple comme la maison de son Père, comme sa maison paternelle. Il revient maintenant dans ce temple mais son parcours va au-delà  : le dernier objectif de son ascension est la Croix. C’est l’ascension que la Lettre aux Hébreux décrit comme l’ascension vers la tente qui n’est pas faite de mains d’homme, jusqu’à se trouver en présence de Dieu. L’ascension jusqu’à la présence de Dieu passe par la Croix. C’est l’ascension vers « l’amour jusqu’à la fin » (cf. Jn 13, 1) qui est la vraie montagne de Dieu, le lieu définitif du contact entre Dieu et l’homme.

Au moment de l’entrée à Jérusalem, la foule rend hommage à Jésus comme fils de David avec les paroles du Psaume 118 [117] des pèlerins : « Hosanna au fils de David ! Béni sois celui qui vient au nom du Seigneur! Hosanna au plus haut des cieux ! » (Mt 21, 9). Puis Il arrive au temple. Mais à l’endroit où doit avoir lieu la rencontre entre Dieu et l’homme, Il trouve des marchands d’animaux et des changeurs qui occupent le lieu de prière avec leurs affaires. Le bétail en vente était certes destiné aux sacrifices à immoler dans le temple ; et puisque dans le temple on ne pouvait utiliser les pièces sur lesquelles étaient représentés les empereurs romains qui étaient en opposition avec le vrai Dieu, il fallait les échanger contre des pièces sur lesquelles n’étaient pas représentées des images d’idoles. Mais tout cela pouvait se dérouler ailleurs : l’espace où cela se déroulait était destiné à être l’atrium des païens. En effet, le Dieu d’Israël était l’unique Dieu de tous les peuples. Et même si les païens n’entraient pas, en quelque sorte, au cœur de la Révélation, ils pouvaient cependant s’associer à la prière au Dieu unique, dans l’atrium de la foi. Le Dieu d’Israël, le Dieu de tous les hommes, attendait également toujours leur prière, leur recherche, leur invocation. Mais à présent, les affaires avaient pris le dessus – des affaires légalisées par les autorités compétentes qui recevaient elles aussi une part du gain des marchands. Les marchands agissaient correctement selon le règlement en vigueur, mais le règlement lui-même était corrompu. « L’avidité est l’idolâtrie », dit la Lettre aux Colossiens (cf. 3, 5). C’est l’idolâtrie que rencontre Jésus et face à laquelle il cite Isaïe : « Ma maison s’appellera maison de prière » (Mt 21, 13 ; cf. Is 56, 7) et Jérémie : « Or vous, vous en faites une caverne de bandits » (Mt 21, 13 ; cf. Jr 7, 11). Contre l’ordre mal interprété, Jésus, par son geste prophétique, défend l’ordre véritable, qui se trouve dans la Loi et les Prophètes.

Tout cela doit nous faire réfléchir, nous aussi comme chrétiens : notre foi est-elle suffisamment pure et ouverte, pour que les « païens », les personnes qui sont aujourd’hui en recherche et se posent des questions, puissent, à partir de cette foi, recevoir l’intuition de la lumière du Dieu unique, s’associer à notre prière dans les atrium de la foi et avec leurs interrogations devenir peut-être eux aussi des adorateurs ? Sommes-nous conscients que l’avidité et l’idolâtrie atteignent aussi notre cœur et notre mode de vie ? Ne laissons-nous pas, de différentes manières, les idoles entrer elles aussi dans le monde de notre foi ? Sommes-nous prêts à nous laisser toujours à nouveau purifier par le Seigneur, en lui permettant de chasser en nous et dans l’Eglise tout ce qui lui est contraire ?

Toutefois, dans la purification du temple, il ne s’agit pas seulement de la lutte contre les abus. Une nouvelle heure de l’histoire est annoncée. Ce que Jésus avait annoncé à la Samaritaine concernant sa question sur la vraie adoration est en train de se réaliser : « Mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les véritables adorateurs adoreront le Père dans l’esprit et la vérité, car tels sont les adorateurs que cherche le Père » (Jn 4, 23). Le temps où des animaux étaient immolés à Dieu est révolu. Depuis toujours, les sacrifices d’animaux avaient été une piètre substitution, un geste de nostalgie de la vraie manière d’adorer Dieu. La Lettre aux Hébreux, sur la vie et l’action de Jésus, cite comme devise une phrase du Psaume 40 [39] : « Tu n’as voulu ni sacrifice ni oblation ; mais tu m’as façonné un corps » (He 10, 5). Aux sacrifices cruels et aux offrandes de vivres succède le corps du Christ, succède sa propre personne. Seul « l’amour jusqu’à la fin », seul l’amour qui pour les hommes se donne totalement à Dieu, est le véritable culte, le véritable sacrifice. Adorer en esprit et en vérité signifie adorer en communion avec Celui qui est la vérité ; adorer dans la communion avec son Corps, dans lequel l’Esprit Saint nous réunit.

Les évangélistes nous racontent que, lors du procès contre Jésus, de faux témoins se présentèrent et affirmèrent que Jésus avait dit : « Je peux détruire le Temple de Dieu et, en trois jours, le rebâtir » (Mt 26, 61). Devant le Christ suspendu à la Croix certains se moquent en faisant référence à cette même parole et crient : « Toi qui détruis le Temple et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même » (Mt 27, 40). Dans son récit de la purification du temple, Jean nous a transmis la juste version de la parole, telle qu’elle a été prononcée par Jésus lui-même. Face à la demande d’un signe par lequel Jésus devait se justifier pour une telle action, le Seigneur répondit : « Détruisez ce sanctuaire et en trois jours je le relèverai » (Jn 2, 18 sq.). Jean ajoute que, repensant à cet événement après la Résurrection, les disciples comprirent que Jésus avait parlé du Temple de son Corps (cf. 2, 21 sq.). Ce n’est pas Jésus qui détruit le temple ; celui-ci est abandonné à la destruction par l’attitude de ceux qui ont transformé le lieu de la rencontre de tous les peuples avec Dieu, en une « caverne de bandits », le lieu de leurs affaires. Mais, comme toujours depuis la chute d’Adam, l’échec des hommes devient l’occasion d’un engagement encore plus grand de l’amour de Dieu à notre égard. L’heure du temple de pierre, l’heure des sacrifices d’animaux était passée : le fait que maintenant le Seigneur chasse les marchands empêche non seulement un abus mais indique une nouvelle action de Dieu. Le nouveau Temple se forme : Jésus Christ lui-même, à travers lequel l’amour de Dieu se penche sur les hommes. Dans sa vie, Il est le Temple nouveau et vivant. Lui qui est passé à travers la Croix et est ressuscité, Il est l’espace vivant d’esprit et de vie, dans lequel se réalise la juste adoration. Ainsi, la purification du temple, comme sommet de l’entrée solennelle
de Jésus à Jérusalem, est à la fois le signe de la destruction imminente de l’édifice et la promesse du nouveau Temple ; promesse du royaume de la réconciliation et de l’amour qui, dans la communion avec le Christ, est instauré au-delà de toute frontière.

Saint Matthieu, dont nous écoutons l’Evangile cette année, rapporte à la fin du récit du Dimanche des Rameaux, après la purification du temple, encore deux petits événements qui, à nouveau, ont un caractère prophétique et qui nous font clairement voir encore une fois quelle est la volonté véritable de Jésus. Immédiatement après la parole de Jésus sur la maison de prière de tous les peuples, l’évangéliste continue ainsi : « Des aveugles et des boiteux s’approchèrent de lui dans le Temple, et il les guérit ». En outre, Matthieu nous dit que des enfants répétèrent dans le temple l’acclamation que les pèlerins avait prononcée à l’entrée de la ville : « Hosanna au fils de David ! » (Mt 21, 14sq.)

Jésus oppose sa bonté qui guérit au commerce des animaux et aux affaires d’argent. C’est elle la vraie purification du temple. Il ne vient pas comme destructeur ; il ne vient pas avec l’épée du révolutionnaire. Il vient avec le don de la guérison. Il se consacre à ceux qui, à cause de leur maladie sont poussés jusqu’aux dernières extrémités de leur vie et en marge de la société. Jésus présente Dieu comme Celui qui aime, et son pouvoir comme le pouvoir de l’amour. Et ainsi, il nous dit ce qui fera pour toujours partie du juste culte de Dieu : la guérison, le service, la bonté qui guérit.

Et il y a ensuite les enfants qui rendent hommage à Jésus comme fils de David et exclament l’Hosanna. Jésus avait dit à ses disciples que, pour entrer dans le royaume de Dieu, ils auraient dû redevenir comme les enfants. Il s’est lui-même fait tout petit pour venir à notre rencontre, pour nous conduire vers Dieu, lui qui embrasse le monde entier. Pour reconnaître Dieu nous devons nous défaire de l’orgueil qui nous éblouit, qui veut nous éloigner de Dieu, comme si Dieu était notre concurrent. Pour rencontrer Dieu il faut être capables de voir avec le cœur. Nous devons apprendre à voir avec un cœur jeune, qui n’est pas entravé par des préjugés et aveuglé par des intérêts. Ainsi, chez les petits qui Le reconnaissent avec un tel cœur libre et ouvert, l’Eglise a vu l’image des croyants de tous les temps, sa propre image.

Chers amis, en ce moment nous nous associons à la procession des jeunes de l’époque, une procession qui traverse l’histoire tout entière. Nous allons à la rencontre de Jésus avec tous les jeunes du monde. Laissons-Le nous guider vers Dieu pour apprendre de Dieu lui-même la juste manière d’être hommes. Avec Lui, remercions Dieu car Jésus, le Fils de David, nous a donné un espace de paix et de réconciliation qui embrasse le monde. Prions-Le, afin de devenir nous aussi avec Lui et à partir de Lui des messagers de sa paix, afin qu’en nous et autour de nous grandisse son Royaume. Amen.

© Copyright du texte original plurilingue : Librairie Editrice du Vatican

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Traduction réalisée par Zenit

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ZENIT Staff

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