Benoît XVI, la Chine et la liberté religieuse (I)

Entretien avec Raphaela Schmid, directrice du Becket Institute for Religious Liberty

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ROME, Vendredi 27 juillet 2007 (ZENIT.org) – Le seul fait que Benoît XVI ait adressé une lettre aux catholiques chinois est aussi significatif que le contenu même de cette lettre, affirme une experte des relations entre la Chine et le Vatican.

Dans cet entretien accordé à ZENIT (dont nous publions ici la première partie), Raphaela Schmid parle de la lettre du pape et de sa signification pour l’Eglise en Chine ainsi que pour le gouvernement chinois.

Raphaela Schmid, Directrice du Becket Institute for Religious Liberty, a récemment écrit et dirigé un documentaire pour la télévision intitulé « God in China. The Struggle for Religious Freedom » (Dieu en Chine. Le combat pour la liberté religieuse).

Zenit – Pourquoi Benoît XVI a-t-il voulu adresser une lettre aux catholiques chinois ?

R. Schmid – La raison principale qui se cache derrière cette lettre est liée au cardinal Joseph Zen Ze-kiun : depuis qu’il a été nommé cardinal par Benoît XVI, le cardinal n’a jamais cessé d’intervenir auprès de la Curie romaine pour soutenir les catholiques chinois.

Lorsque Pékin, après une période de rapprochement diplomatique, a illégitimement ordonné plusieurs évêques en 2006, le Vatican s’est senti décontenancé et le cardinal Zen a jugé qu’une reconsidération et une prise de position claire concernant la politique chinoise était nécessaire, pour ne plus se trouver impréparés.

Ainsi, en janvier 2007, une discussion a eu lieu à Rome sur cette question et la lettre du pape a fait son chemin.

Quel est l’élément principal de cette lettre ?

R. Schmid – Le seul fait que cette lettre existe constitue l’élément le plus significatif : une lettre du pape adressée aux catholiques chinois. Ce sera l’occasion de vérifier le sérieux de toute cette propagande d’ouverture que l’Eglise officielle de Chine tient à l’égard de Rome.

Ce n’est pas difficile pour les évêques réconciliés – 90% des évêques ordonnés illégitimement en Chine se sont successivement réconciliés avec Rome – d’encourager les fidèles à prier pour le pape durant la messe dominicale. Mais si le Saint-Père leur adresse une lettre, que feront-ils ?

Ils la distribueront aux fidèles et en tiendront compte comme un point de référence fondamental pour leur avenir, ou bien ils l’ignoreront et feront comme si elle n’avait jamais été écrite ?

Assurément, le seul fait de recevoir cette lettre sera aussi significatif que son contenu sur la situation actuelle de l’Eglise en Chine.

Zenit – Avez-vous quelques échos sur la manière dont cette lettre a été accueillie jusqu’ici ?

R. Schmid – Déjà avant l’envoi de cette lettre, les fonctionnaires avaient convoqué les évêques catholiques de l’ « Eglise ouverte » (celle sous contrôle du parti), pour coordonner une réponse qui, semble-t-il, consiste en fait à ne rien faire.

D’après les informations de ces derniers jours, cette lettre n’a pas été rendue publique durant les messes du dimanche et le vice-président de l’Association Patriotique a indiqué qu’une distribution de la lettre n’était pas au programme.

Il a toutefois déclaré que les fidèles peuvent se la procurer gratuitement sur Internet, s’ils le souhaitent. Et c’est ce qui est en train de se passer : j’ai été en contact avec les catholiques de l’Eglise clandestine qui l’ont déjà lue.

Un grand mouvement populaire est actuellement en cours dans la communauté de l’ « Eglise ouverte », pour favoriser une communion avec Rome, au point même que l’évêque auxiliaire de Shanghai a reconnu que « les fidèles n’acceptent pas les évêques privés d’un mandat de Rome ».

J’imagine qu’eux aussi, indépendamment des directives de la hiérarchie ecclésiastique, consultent la lettre on-line.

Il reste à voir si, et dans quelle mesure le gouvernement chinois tentera ou non d’imposer des restrictions à l’accès à internet : selon certaines informations, des sites web catholiques basés en Chine, qui avaient au départ été autorisés à décharger la lettre, ont ensuite été sommés de la retirer.

Zenit – Cette lettre constitue-t-elle un changement radical dans la politique du Saint-Siège ? Qu’est-ce qui a vraiment changé ?

R. Schmid – Au début, la presse a rapporté les faits de manière un peu confuse. La lettre révoque les « facultés spéciales » conférées en 1981 par le biais d’une lettre du cardinal Agnelo Rossi, alors Préfet de la Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples.

A cette époque, le Saint-Siège estimait impossible de nommer directement des évêques légitimes fidèles au Saint-Siège et concédait donc aux évêques fidèles au Saint-Siège, déjà présents sur place, les « facultés très spéciales » d’ordonner des évêques sans informer le Saint-Siège au préalable, en raison du danger que comportait le fait de communiquer avec Rome.

Bien entendu, à une époque où le courrier électronique et la téléphonie mobile sont largement répandues, les communications avec Rome ne sont plus un problème insurmontable, si bien que ces facultés spéciales ne sont plus nécessaires.

La révocation de ces facultés n’est pas équivalente à la révocation des points de Tomko, approuvés en 1988, qui ont été remplacés par cette lettre. La lettre affirme en effet explicitement que les principes fondamentaux restent les mêmes : toute ordination illégitime entraîne l’excommunication « latae sententiae » selon le canon 1382.

L’ordination épiscopale des évêques nommés ou réconciliés avec Rome est en revanche pleinement valable et légitime.

Quant aux évêques nommés sans mandat apostolique et non réconciliés avec Rome, ils restent illégitimes: ces derniers administrent les sacrements de manière valable, mais pas légitime.

Comme cela a toujours été le cas, les catholiques peuvent donc, s’ils n’ont aucune autre solution, recevoir les sacrements administrés par eux, comme ils peuvent recevoir les sacrements des prêtres grecs-orthodoxes, qui sont valides même si illégitimes.

[Fin de la première partie]

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ZENIT Staff

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