ROME, Jeudi 7 décembre 2006 (ZENIT.org) – « Si l’Eglise ne prend pas la parole aujourd’hui, on dira dans quelques années : ‘Pourquoi l’Eglise s’est-elle tue ?’ », fait observer l’archevêque de Paris, Mgr André Vingt-Trois, à propos des recherches sur l’embryon et la dérive eugéniste issue du « diagnostic pré-implantatoire » (DPI) et de la transparence demandée à l’AFM sur l’attribution des fonds de la recherche récoltés à l’occasion du Téléthon. Une synthèse de la presse par la fondation Jérôme Lejeune (www.genethique.org).
Dans « Libération », Eric Favereau revient sur ce qui « agace » dans le Téléthon : « obscénité des bons sentiments », « obscénité télévisuelle » et « obscénité politique ». Mais il montre aussi que le Téléthon s’est attaché à financer des recherches pour des malades dont personne ne se souciait et « en copiant un mécanisme de collecte de fonds à l’américaine, ils ont lancé une machine qui s’est révélée redoutablement efficace ».
Cette année, les évêques continuent de multiplier les mises en garde sur le Téléthon, « au grand dam de l’AFM », note « Famille Chrétienne ».
De nombreux lecteurs ont adressé leurs réactions au magazine « La Vie », suite à leur dossier consacré, la semaine dernière, au Téléthon (cf. revue de presse du 30/11/06). Les réactions, contrastées et variées, alimentent le débat.
Soulignons le témoignage du Dr Jean-Pierre Dickès, président de l’Association catholique des infirmières et médecins, père d’un enfant myopathe décédé il y a 8 ans. Nostalgique de l’espoir donné par le génie génétique pour la guérison de son fils il y a 25 ans, il constate aujourd’hui que « l’objectif n’a pas été réalisé ». Il déplore « la dérive » de l’AFM dans le cadre du Génethon « dont le but est de tamiser les embryons par le diagnostic préimplantatoire et d’affûter les armes pour le diagnostic préalable in utero ». Il regrette que le Génethon « s’échine » à chercher des traitements par les cellules souches embryonnaires qui « à ce jour n’ont jamais guéri personne », alors que des succès thérapeutiques ont été obtenus avec d’autres cellules souches humaines.
Sources : Libération, 07/12/06 – Famille Chrétienne, 07/12/06 – La Vie 07/12/06
Dans « Le Monde », Jean-Yves Nau montre quel fondement oppose les responsables de l’AFM à ceux de l’Eglise catholique sur le sujet de la recherche sur l’embryon.
La position de l’Eglise a toujours été la même. Le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon vient une fois encore de le rappeler : « pour nous, l’embryon humain n’est pas une chose. Un embryon, on ne peut pas le produire, on ne peut pas le détruire, on ne peut pas l’utiliser, on ne peut pas le trier, non, non, et non ! » car c’est « une nouvelle forme inacceptable du pouvoir de l’homme sur l’homme », reprend Jean-Yves Nau.
Depuis que le Téléthon existe, la science génétique a énormément progressé et a permis d’identifier les bases moléculaires de nombreuses affections héréditaires. Au nom des avancées thérapeutiques attendues dans ce domaine, l’AFM a soutenu ces projets et en particulier les recherches menées par le Pr Peschanski sur des embryons porteurs de mutations génétiques pathologiques identifiées par dépistage préimplantatoire (DPI). Jean-Yves Nau remarque le grand silence des chercheurs de l’AFM (consigne de silence ?) et d’ailleurs.
Jean-Yves Nau souligne « le décalage croissant entre le champ grandissant des pratiques diagnostiques et celui des actions thérapeutiques ». Sur le DPI, « les responsables de l’Eglise catholique n’ont pas tort de rappeler que les enfants sains, montrés dans ce spectacle qu’est le Téléthon, ne sont en rien des enfants guéris. Une erreur majeure serait ici d’assimiler guérison et tri embryonnaire. Et, sauf à accepter d’entrer dans une phase de régression collective, il importe de maintenir cette distinction ».
Les évolutions de la science et de la médecine vont sûrement redonner l’occasion aux responsables catholiques de « rappeler leurs convictions et la noblesse d’un combat qu’ils estiment devoir mener au nom de leur conception de la dignité humaine », estime Jean-Yves Nau (« Le Monde », 07/12/06).
Mgr André Vingt-Trois, archevêque de Paris, s’est à nouveau exprimé, cette fois-ci dans le journal français « Le Monde » : « Nous ne revendiquons rien pour l’Eglise ; nous posons des questions qui concernent l’avenir de l’humanité… On ne peut pas être en accord avec certaines des dispositions de la loi que nous tenons pour moralement injustes (…). Il prévient qu’au niveau de la communauté européenne, le cadre légal et éthique français sera sans doute bientôt dépassé par des directives européennes et des lobbies financiers puissants. Si l’Eglise ne prend pas la parole aujourd’hui, on dira dans quelques années : « Pourquoi l’Eglise s’est-elle tue ? » ».
Enfin, il interroge : « Se posent ici deux questions plus profondes : pourquoi existe-t-il aujourd’hui une telle fascination pour la recherche sur l’embryon humain? Quelles sont les raisons de cette fascination ? ».
Le député d’Essone et maire d’Evry, Manuel Valls (PS), a posé mardi 5 décembre une question sur la polémique du Téléthon au Gouvernement, lors d’une session de l’Assemblée nationale. Il a dénoncé « des accusations d’eugénisme formulées par plusieurs évêques concernant l’utilisation d’une partie des dons faits à l’Association française contre les myopathies pour financer la recherche génétique (…) » .
Puis, il s’est emporté publiquement : « Nous ne pouvons pas tolérer qu’on porte atteinte au principe de la laïcité. L’Église catholique a un rôle à jouer, mais son point de vue doit être entendu au même titre que celui d’autres religions, institutions, philosophies ou organisations. Elle n’a pas à exercer une quelconque pression sur une association reconnue d’utilité publique et sur les familles qui ont recours aux diagnostics génétiques ni à culpabiliser l’ensemble des donateurs (…). Il est intolérable qu’une partie des évêques, influencés par des réseaux ultraconservateurs, et en particulier le mouvement anti-avortement lié à la Fondation Lejeune, puissent prendre l’événement en otage, en invitant les catholiques à ne plus encourager l’action de l’AFM ». Il a demandé alors le soutien inconditionnel du Gouvernement au Téléthon.
Répondant à cette question, Xavier Bertrand, ministre de la santé a déclaré : « la seule question qui vaille est celle du rassemblement de chacun autour des valeurs de partage et de solidarité, autour de la défense de la vie elle-même. Les Français auront à cœur de les défendre en fin de semaine à l’occasion du Téléthon ! ».
Dans « Le Figaro », Bernard Barataud, président du Laboratoire Généthon, financé par le Téléthon, accuse l’Eglise catholique d’avoir « mobilisé ses troupes extrémistes pour lancer la polémique et faire le sale boulot ! ». Il considère que dire que « l’AFM porte une responsabilité dans l’accès au diagnostic préimplantatoire permettant de sélectionner les embryons sains » est un « mensonge éhonté ».
C’est, explique « Gènéthique », le lobbying de l’AFM auprès de l’Etat qui a obtenu le décret d’application du diagnostic pré-implantatoire. Eric Molinié, ancien président de l’AFM, s’en explique : « Par exemple, en 1997, nous avons adopté une résolution sur le diagnostic pré-implantatoire (DPI) pour demander au gouvernement de voter les décrets d’application de la loi sur la bioéthique le concernant » (Eric Molinié, in La bioéthique, foire aux fantasmes, 2001). En 2000, après la naissance du premier bébé obtenu après DPI, l’association se réjouit : « ce résultat (…) récompense le mi
litantisme de l’AFM sur ce sujet » (Communiqué de presse, AFM, 30/11/2000).
Le ministre Bernard Barataud admet néanmoins que « la question des recherches effectuées par l’équipe de Marc Pechanski, à l’Inserm, même si elles sont approuvées par le corps social puisse provoquer des interrogations. Si nous avions pu éviter d’emprunter cette voie, nous l’aurions fait ».
Les positions au sein de l’Eglise protestante diffèrent. Le président de la Fédération protestante de France (FPF), Jean-Arnold de Clermont n’est pas opposé à la recherche sur l’embryon parce que : « sans projet parental, nous ne faisons pas de l’embryon un être plein ». Il craint néanmoins que « la fabrication en trop grand nombre d’embryons surnuméraires (…) » dérive vers des fins « totalement utilitaristes et une instrumentalisation de l’embryon et du vivant ». Dans un communiqué, le Comité protestant évangélique pour la dignité humaine (CPDH) lui, s’inquiète des risques de dérives eugénistes liées au DPI et de la mort des embryons après expérimentation.
Mais l’Eglise catholique continue de poser les questions au cœur du débat. Le cardinal Barbarin, archevêque de Lyon, a rappelé mardi devant les médias que « les catholiques à l’intérieur de la société française ont le droit de dire leur opinion ». « Pour nous, ces embryons ne sont pas des choses, mais des êtres humains. Et du plus profond de notre foi, nous ne pouvons accepter qu’ils soient triés, détruits, objets d’expériences (…) ». Il a insisté sur le fait que l’Eglise « n’a rien à y gagner » en posant ces questions. Si les dons du Téléthon baissent, la faute sera imputée à l’Eglise et « s’ils augmentent, certains s’en serviront comme d’une preuve de la perte d’influence de l’Eglise catholique. Il s’agit simplement d’être des témoins, selon notre conscience et de rappeler encore une fois que ce qui est légal n’est pas toujours moral ».
Sources : La Croix 06/12/06 – Le Figaro, 06/12/06 – Le Monde – Le Quotidien du Médecin, 06/12/06