ROME, Lundi 16 octobre 2006 (ZENIT.org) – En Birmanie, la petite communauté juive est proche de l’extinction, indique « Eglises d’Asie », l’agence des Missions étrangères de Paris (eglasie.mepasie.org), dans son édition du 15 octobre (EDA n. 449).
Selon une récente dépêche de l’AFP (1), peu de gens passent les portes en métal de l’unique synagogue de Rangoun, coincée entre des magasins indiens de peinture et des commerces musulmans, dans une petite rue animée près du centre-ville. Ceux qui s’y arrêtent sont impressionnés par la grandeur du bâtiment de style baghdadi bleu et blanc et la beauté de ce lieu de culte qui souffre cependant depuis des années d’un grave problème de financement. La synagogue Musmeah Yeshua (ou Matzmiach Yesuha), point de rassemblement d’une communauté juive quasiment éteinte, lutte pour sa survie depuis l’exode de la plupart de ses fidèles après l’invasion japonaise de 1942 puis la prise du pouvoir par les militaires birmans en 1962, suivie de la nationalisation d’un grand nombre d’entreprises et la diminution progressive du nombre de touristes étrangers.
« Nous avions des visiteurs du monde entier. Des juifs venaient d’Israël, des Etats-Unis, du Canada, de France, et de Grande-Bretagne », explique Moses Samuels, 54 ans, administrateur de la synagogue et un des quelque vingt-cinq membres des huit familles juives vivant encore en Birmanie, alors que la communauté comptait environ 2 500 âmes à l’époque de la colonisation anglaise. « Avant, les gens venaient et faisaient des dons. Maintenant, c’est difficile », ajoute-t-il.
A Musmeah Yeshua, des posters jaunis appellent à « visiter Israël », ce qu’a fait une bonne partie de la communauté juive en s’y installant. « En 1964, seules vingt-huit familles sont restées et, petit à petit, elles sont elles-aussi parties », précise encore Moses Samuels en montrant des photos en noir et blanc datant du début du XXe siècle. En 1968, le dernier rabbin est parti pour Israël.
La petite communauté juive de Birmanie était composée majoritairement de personnes venues initialement d’Inde (Calcutta, Bombay, Cochin) et qui ont prospéré sous l’empire britannique en développant le commerce du coton et du riz. La synagogue, de style séfarade, a été fondée en 1896 et essaie aujourd’hui de survivre grâce notamment à des dons, explique Ruth Cernea, historienne basée aux Etats-Unis qui va publier un livre sur la communauté juive birmane : Almost Englishmen: Baghdadi Jews in British Burma. Toutefois, ces dons deviennent de plus en plus rares en raison des sanctions américaines contre la Birmanie et de l’appel au boycottage du tourisme lancé par l’opposante Aung San Suu Kyi, précise-t-elle, en ajoutant être « fermement convaincue que les gens devraient se rendre en Birmanie, la junte n’étant absolument pas financée par les maigres fonds générés par les touristes ».
Sammy Samuels, 25 ans, le fils de Moses Samuels, a étudié à New York et estime que seul le tourisme évitera à la communauté de disparaître totalement. Lui et son père ont monté une agence de voyages, Myanmar Shalom, qui doit démarrer en novembre prochain. « Nous voulons que les juifs visitent la Birmanie, notamment à l’occasion des fêtes, et que les juifs nés en Birmanie reviennent au pays », dit-il.
Le vieux cimetière juif, à la périphérie de Rangoun, pourrait être une attraction mais, selon Ruth Cernea, il doit être détruit pour laisser la place à un projet de développement urbain (2). « Un jour, c’est moi qui m’occuperai de la synagogue, comme mon père l’a fait », promet Sammy Samuels. Moses, lui, n’a pas l’intention de partir : « Je suis né ici, mon épouse est née ici, ainsi que mes filles, et j’aime la Birmanie. Ici, il n’y a pas de problèmes. Nous avons la liberté de culte. Il y a des musulmans du Pakistan et d’Inde. Nous vivons tous ensemble. »
(1) Agence France-Presse, 9 octobre 2006
(2) A propos de ce projet, qui date de 1997, voir EDA 237
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