Dieu et la violence : réflexion du président de l’Association biblique italienne

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ROME, Vendredi 13 octobre 2006 (ZENIT.org) – Du 11 au 15 septembre a eu lieu à Rome au siège de l’Institut biblique pontifical, la 39ème Semaine biblique nationale, promue par l’Association biblique italienne (ABI), sur le thème de « la violence dans la Bible ».

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Le président de l’ABI, le père Rinaldo Fabris, a accepté de répondre aux questions de Zenit.

Zenit : Dans le cadre d’une conférence à Ratisbonne, le pape Benoît XVI a condamné la « djihad » (guerre sainte) car celle-ci est contraire à la raison et à Dieu…

P. Fabris :Si la Djihad dont on parle à plusieurs reprises dans le Coran coïncide avec la « guerre sainte », c’est-à-dire une lutte armée menée contre les adversaires – infidèles ou apostats – justifiée et conduite au nom de Dieu, il est évident que la djihad est contraire à la foi religieuse qui présuppose la libre adhésion à Dieu. Celle-ci est contraire à l’image chrétienne de Dieu, révélée par Jésus Christ, qui a pris sur lui la violence humaine et l’a désamorcée à travers sa mort sur la croix, affrontée comme acte suprême de fidélité filiale à Dieu et de solidarité extrême avec la condition humaine. Cependant, dans l’interprétation islamique du Coran, la djihad n’est pas seulement « guerre sainte » mais avant tout engagement et effort contre le mal sous toutes ses formes.

Zenit : Les extrémistes musulmans invoquent Dieu quand ils commettent d’horribles actes terroristes. Peut-on commettre des actes aussi violents et inhumains au nom de Dieu ?

P. Fabris :Dans le cas du soit disant « martyre », désigné par un terme étranger à la culture arabo-islamique kamikaze, il s’agit d’une pure instrumentalisation blasphématoire de la foi religieuse en fonction d’un geste exécrable sur le plan éthique, personnel et social. On a depuis toujours justifié les actes de terrorisme comme violence extrême et irrationnelle, au nom d’idéologies nationalistes, racistes et dans des sociétés à culture religieuse, également au nom de Dieu.

L’Association biblique italienne, que vous présidez, vient de conclure un congrès sur le thème de la violence dans la Bible. Sur quoi avez-vous réfléchi et quelles ont été les conclusions du congrès ?

P. Fabris : En résumant l’apport des treize conférences données au cours de cette Semaine, suivies avec un grand intérêt par 160 participants – professeurs d’Ecriture sainte dans les facultés théologiques et Instituts de sciences religieuses – l’on peut dire que la violence dans toutes ses acceptions – physique, sociale et morale – est présente dans l’histoire de la Bible rapportée dans les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament. Il s’agit de la violence entre les hommes, à partir du délit de Caïn condamné comme péché, mais aussi de la violence perpétrée au nom de Dieu et d’une image violente de Dieu. Dans la Bible on parle de « Yahvé Sabaot » [Dieu des armées, ndlr] et de la colère de Dieu qui punit inexorablement les impies par un jugement de condamnation. D’autre part, comme le souligne la constitution Dei Verbum, n. 12, dans l’Ecriture sainte, Dieu parle aux hommes d’une manière humaine. Comme la violence fait partie de l’expérience historique de l’humanité, il n’y a rien d’étonnant au fait de la trouver dans la Bible qui en est le miroir. Dans le débat de la Semaine biblique nous avons cherché à comprendre quelles sont les racines de la violence selon la Bible et s’il est possible de la gérer et de la désamorcer. Dans ce contexte nous avons abordé la question du rôle de la loi et du droit pénal, qui sont souvent incapables de contenir la violence et deviennent même des facteurs de nouvelle violence. Sur cette toile de fond vient se placer l’événement pascal de la mort de Jésus sur la croix, à travers laquelle Dieu entre dans l’histoire humaine de violence et se charge de cette violence. Cette image de Dieu est déjà présente dans certains textes des Prophètes et de la Sagesse de l’Ancien Testament. Ce n’est qu’avec la résurrection de Jésus que Dieu réhabilite le juste, sans susciter une violence ultérieure.

Zenit : Au cours du congrès avez-vous également abordé le thème de la « guerre juste » ?

P. Fabris :Au cours de cette semaine d’étude et de débats de l’ABI nous n’avons pas abordé directement le thème de la « guerre », qui est déjà largement traité dans les publications bibliques, où l’on parle de la « guerre sacrée » (ou sainte). Cette dernière est présente dans la Bible comme dans tout le Proche-Orient antique. Elle implique le herem – sacrifice – des ennemis, c’est-à-dire la suppression des ennemis au nom de Dieu. La catégorie de la « guerre juste », a été élaborée à partir de quelques réflexions de saint Augustin, au temps des guerres de Charles Quint, au XVIe siècle, par quelques juristes espagnols qui indiquent quelles sont les conditions pour que la guerre soit juste et légitime. Après les expériences des deux guerres mondiales et de l’actuelle situation de violence terroriste au niveau mondial, la théorie de la guerre juste est non seulement dépassée mais dangereuse. Il est préférable de parler du droit-devoir de la légitime défense des personnes et des sociétés humaines, en ayant recours à des moyens et des méthodes qui n’engendrent pas d’autres formes et situations de violence.

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ZENIT Staff

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