L’Institut du Bon Pasteur, « signe d’une main tendue », par le card. Ricard

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Accueillir « dans la charité et la vérité ! »

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ROME, Jeudi 12 octobre 2006 (ZENIT.org) – Comment accueillir sur Bordeaux l’Institut du Bon pasteur, société de vie apostolique de droit pontifical ? « Dans la charité et la vérité ! », répond le cardinal archevêque de Bordeaux, Jean-Pierre Ricard dans l’éditorial en date du 6 octobre 2006 du journal officiel de son diocèse : il évoque les préalables et les conditions de réalisation d’une convention (cf. catholique-bordeaux.cef.fr). Nous le présentons sous forme d’interview.

A propos de l’Institut du Bon Pasteur

Le 8 septembre dernier a été érigé à Rome l’Institut du Bon pasteur : de quoi s’agit-il ?

Il s’agit d’une société de vie apostolique de droit pontifical. Elle comprend actuellement cinq prêtres et un diacre. Son supérieur général est l’abbé Philippe Laguérie. Comme les autres sociétés de vie apostolique de droit pontifical, elle dépend de Rome pour tout ce qui concerne la vie interne de l’Institut. Par contre, elle a besoin de l’autorisation de l’évêque diocésain pour toute activité apostolique dans son diocèse et à plus forte raison pour avoir la charge pastorale de fidèles. Cet Institut a une caractéristique propre : il lui a été accordé « l’usage exclusif » des livres liturgiques de 1962, c’est-à-dire des livres utilisés avant le Concile Vatican II et la mise en œuvre de la réforme conciliaire. Les prêtres de cet Institut ne concélèbreront pas. Ceci dit, personne ne peut interdire à un prêtre de concélébrer avec l’évêque du diocèse ou avec le pape lui-même.

Cette décision est à mettre en relation avec le désir du pape Benoît XVI, exprimé plusieurs fois par lui, de faire un geste d’accueil vis-à-vis de ceux qui ont suivi Mgr Lefebvre dans son « non » à Rome. Le pape sait par l’histoire que plus les années passent, plus les schismes se durcissent et moins les conditions d’une réconciliation se trouvent réunies, chacun poursuivant sa route sur le chemin qu’il s’est tracé. La création de cet Institut est donc le signe d’une main tendue, d’une invitation à surmonter la suspicion et à entamer un dialogue dans un esprit plus fraternel. L’avenir dira si cette création est une initiative prometteuse ou un espoir avorté.

A Bordeaux, la création de cet Institut a créé une forte émotion…

On ne peut oublier la violence qui a marqué pendant plusieurs années les relations des occupants de Saint Eloi avec l’Eglise diocésaine. Certains ont approuvé le geste du pape cherchant à promouvoir l’unité. D’autres se sont interrogés sur le sens de cette décision de créer cet Institut. Ils se sont sentis déjugés par rapport à leur vie liturgique, à leur activité pastorale, à leur fidélité à la réforme conciliaire. Dans le cadre d’une réunion extraordinaire du Conseil Presbytéral, chaque prêtre a pu donner son avis et dire ses questions. Des laïcs engagés dans la vie du diocèse se sont également exprimés collectivement. J’ai entendu les interrogations et les préoccupations des uns et des autres. Il y a là l’expression d’une inquiétude qui doit être pris en compte. Je crois pourtant qu’il faut ramener les choses à leur juste proportion : un geste généreux et exceptionnel d’offre de communion vis-à-vis d’un groupe particulier ne vient pas remettre en question le chemin que le Seigneur nous a fait vivre en Eglise depuis 40 ans, sous la houlette de nos papes successifs : Paul VI, Jean-Paul II et aujourd’hui Benoît XVI.

Comment allons-nous avancer maintenant sur Bordeaux ?

La structure la plus appropriée pour permettre la reconnaissance d’une activité apostolique de cet Institut sur Bordeaux est celle de la paroisse personnelle, telle qu’elle est définie au canon 518 du Code de Droit canonique. Cette paroisse accueillera des fidèles attachés à la liturgie d’avant le Concile, à ce que le pape appelle « la forme extraordinaire du rite romain ». Elle ne saurait être territoriale car on ne peut obliger les fidèles d’un territoire donné à vivre leur vie liturgique selon cette forme du rite romain. Eriger une paroisse personnelle appelle la signature d’une convention entre le diocèse et l’Institut. Celle-ci supposera un accord sur des modes de fonctionnement et sur des conditions de mise en oeuvre. C’est seulement à partir de cet accord que l’église Saint Eloi, dont l’Eglise diocésaine est affectataire, pourra être mise, pour un temps fixé, à disposition de la paroisse personnelle ainsi créée.

Dans quel esprit allons-nous vivre ce rapprochement ?

Dans la charité et la vérité.
Dans la charité tout d’abord.
Nous sommes tous invités à entrer, non pas dans une logique de stratégie politique, même pastorale, du donnant-donnant mais dans l’attitude évangélique de cet accueil du frère, qui implique toujours gratuité et espérance dans la foi. L’Evangile ne nous dit-il pas : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux : ne vous posez pas en juges, ne condamnez pas et vous ne serez pas condamnés, acquittez et vous serez acquittés, donnez et on vous donnera. C’est une bonne mesure, tassée, secouée, débordante qu’on versera dans le pan de votre vêtement, car c’est la mesure dont vous vous servez qui servira aussi de mesure pour vous. » (Lc 6, 36-38)

Dans la vérité aussi.
Une réconciliation véritable ne saurait s’effectuer dans un climat d’esprit de revanche, de clair obscur des convictions ou de pratique d’un double langage. Saint Jacques nous rappelle : « Que votre oui soit oui et votre non, non, afin que vous ne tombiez pas sous le jugement. » (5, 12) Il est important que les préalables mis à la reconnaissance de cet Institut soient mieux connus. J’aurai l’occasion moi-même d’aller à Rome et de demander une information complémentaire sur ce point. L’entrée dans une pleine communion implique, en effet, la fidélité au Magistère actuel du pape et des évêques et une position claire vis-à-vis de l’acte magistériel qu’ont été le Concile Vatican II et la promulgation de ses textes. Certes, les questions et les difficultés ne disparaissent pas pour autant. Mais la communion implique que ces questions soient partagées fraternellement, dans un climat de respect mutuel et d’obéissance filiale au Magistère, et non pas exprimées dans un climat de polémique aussi lassant que stérile. Oui, la communion implique accueil de l’autre, connaissance mutuelle, volonté de se mettre ensemble à l’écoute de ce que « L’Esprit dit aux Eglises » (Ap. 2, 29) Cet appel s’adresse vraiment à tous. Il implique une conversion de chacun.

La communion est au service de la mission ?

L’évangélisation de notre société est le défi majeur que notre Eglise a à relever. Nul n’a la solution miracle. Cela se saurait depuis longtemps. Nous savons simplement que ni la dissolution de l’Evangile dans l’air du temps ni la constitution de ghettos chrétiens repliés sur eux-mêmes ne sont les réponses satisfaisantes à ce défi de l’évangélisation. Sur le terrain chacun est attelé à le relever. Nous avons besoin d’unir nos forces, toutes nos forces, et de partager nos expériences. Nous sommes appelés à vivre la même aventure apostolique. Certains jours, la mer peut paraître forte. La barque ecclésiale en est secouée. Mais n’ayons pas peur ! Entendons le Christ nous dire : « Hommes de peu de foi, pourquoi avez-vous douté ? Ne savez vous pas que je suis avec vous dans la barque jusqu’à la fin des siècles ? »

Oui, le temps est vraiment à la confiance et à la mission.

+ Jean-Pierre cardinal RICARD

© Service communication du diocèse de Bordeaux

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ZENIT Staff

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