Benoît XVI : Homélie de la messe du « Corpus Domini »

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ROME, Dimanche 18 juin 2006 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous l’homélie que le pape Benoît XVI a prononcée jeudi 15 juin, jour où le Vatican fêtait la solennité du Corpus Domini (Fête Dieu), au cours de la célébration eucharistique qu’il a présidée sur le parvis de la Basilique Saint-Jean-de-Latran, à 19 heures. A l’issue de la messe, le pape a présidé la procession du Saint-Sacrement jusqu’à la Basilique Sainte-Marie-Majeure.

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Chers frères et sœurs,

La veille de sa Passion, au cours de la Cène pascale, le Seigneur prit le pain entre ses mains, — c’est ce que nous venons d’entendre dans l’Evangile — et, ayant prononcé la Bénédiction, le rompit et le leur donna en disant: « Prenez, ceci est mon corps ». Puis, prenant la coupe, il rendit grâces, la leur donna, et ils en burent tous. Et il dit: « Ceci est mon sang, le sang de l’alliance, qui va être répandu pour une multitude » (Mc 14, 22-24). Toute l’histoire de Dieu avec les hommes est résumée dans ces paroles. Ce n’est pas seulement le passé qui est réuni et interprété, mais le futur également qui est anticipé — la venue du Royaume de Dieu dans le monde. Ce que dit Jésus n’est pas simplement des paroles. Ce qu’Il dit est un événement, un événement central de l’histoire du monde et de notre vie personnelle.

Ces paroles sont inépuisables. Je ne voudrais méditer maintenant avec vous qu’un seul aspect. Jésus, comme signe de sa présence, a choisi le pain et le vin. Il se donne entièrement – il ne donne pas seulement une partie de lui-même – avec chacun de ces deux signes. Le Ressuscité n’est pas divisé. Il est une personne qui, à travers les signes, s’approche de nous et s’unit à nous. Mais les signes représentent, à leur façon, chacun un aspect particulier de Son mystère, et, à travers leur manifestation particulière, ils veulent nous parler, afin que nous apprenions à comprendre un peu plus le mystère de Jésus Christ. Au cours de la procession et dans l’adoration, nous regardons l’Hostie consacrée, — le type le plus simple de pain et de nourriture, fait seulement d’un peu de farine et d’eau. Il apparaît ainsi comme la nourriture des pauvres, auxquels le Seigneur a accordé en premier lieu sa proximité. La prière à travers laquelle l’Eglise, au cours de la liturgie de la Messe, offre ce pain au Seigneur, le qualifie de fruit de la terre et du travail des hommes. Celui-ci renferme les efforts de l’homme, le travail quotidien de ceux qui cultivent la terre, sèment et récoltent, et enfin, préparent le pain. Toutefois, le pain n’est pas seulement notre produit, quelque chose que nous fabriquons; c’est le fruit de la terre et donc également un don. Car le fait que la terre porte du fruit n’est pas seulement un mérite à nous; seul le Créateur pouvait lui accorder la fertilité. Et à présent, nous pouvons également étendre encore un peu cette prière de l’Eglise, en disant: le pain est fruit de la terre et du ciel. Il suppose la synergie des forces de la terre et des dons d’en-haut, c’est-à-dire du soleil et de la pluie. Nous ne pouvons pas non plus produire seuls l’eau, dont nous avons besoin pour préparer le pain. A une époque où l’on parle de désertification et où l’on entend de plus en plus dénoncer le danger qu’hommes et bêtes meurent de soif dans les régions privées d’eau, nous nous rendons à nouveau compte de la grandeur du don de l’eau également, et combien nous sommes incapables de nous la procurer seuls. Alors, en l’observant de plus près, ce petit morceau d’Hostie blanche, ce pain des pauvres, nous apparaît comme une synthèse de la création. Ciel et terre, mais également activité et esprit de l’homme coopèrent. La synergie des forces qui rend possible, sur notre pauvre planète, le mystère de la vie et l’existence de l’homme, nous est présentée dans sa merveilleuse grandeur. Ainsi, nous commençons à comprendre pourquoi le Seigneur choisit ce morceau de pain comme son signe. La création, avec tous ses dons, aspire, au-delà d’elle-même, à quelque chose de plus grand. Au-delà de la synthèse de ses propres forces, au delà de la synthèse également de nature et d’esprit que nous sentons d’une certaine façon dans le morceau de pain, la création est tendue vers la divinisation, vers les saintes noces, vers l’unification avec le Créateur lui-même.

Mais nous n’avons pas encore expliqué entièrement le message de ce signe du pain. Son mystère le plus profond, le Seigneur l’a évoqué au cours du Dimanche des Rameaux, lorsqu’on lui présenta la requête de certains Grecs de pouvoir le rencontrer. Dans sa réponse à cette question, se trouve la phrase: « En vérité, en vérité je vous le dis, si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12, 24). Dans le pain fait de grains moulus, se cache le mystère de la Passion. La farine, le blé moulu, suppose que le grain soit mort et ressuscité. En étant moulu et cuit, il porte ensuite en lui une fois de plus le mystère même de la Passion. Ce n’est qu’à travers la mort qu’arrive la résurrection, qu’arrivent le fruit et la vie nouvelle. Les cultures de la Méditerranée, au cours des siècles précédant le Christ, ont profondément perçu ce mystère. Sur la base de l’expérience de cette mort et de cette résurrection, elles ont conçu des mythes de divinité qui, en mourant et en ressuscitant, donnaient la vie nouvelle. Le cycle de la nature leur semblait comme une promesse divine au milieu des ténèbres de la souffrance et de la mort qui nous sont imposées. Dans ces mythes, l’âme des hommes, d’une certaine façon, se projetait vers le Dieu qui s’est fait homme, qui s’est humilié jusqu’à la mort sur une croix et qui a ouvert ainsi pour nous tous la porte de la vie. Dans le pain et dans son devenir, les hommes ont découvert comme une attente de la nature, comme une promesse de la nature que cela devait exister: le Dieu qui meurt et qui, de cette façon, nous conduit à la vie. Ce qui était attendu dans les mythes et qui, dans le grain de blé lui-même, est caché comme signe de l’espérance de la création — cela a réellement eu lieu dans le Christ. A travers sa souffrance et sa mort libres, Il est devenu pain pour nous tous, et, à travers cela, une espérance vivante et digne de foi: Il nous accompagne dans toutes nos souffrances jusqu’à la mort. Les voies qu’il parcourt avec nous et à travers lesquelles il nous conduit à la vie sont des chemins d’espérance.

Lorsque nous contemplons en adoration l’Hostie consacrée, le signe de la création nous parle. Nous rencontrons alors la grandeur de son don; mais nous rencontrons également la Passion, la Croix de Jésus et sa résurrection. A travers ce regard en adoration, Il nous attire à lui, dans son mystère, au moyen duquel il veut nous transformer comme il a transformé l’Hostie.

L’Eglise des débuts a trouvé un autre symbole dans le pain. La Doctrine des Douze Apôtres, un livre composé aux environs de l’an 100, rapporte dans ses prières l’affirmation: « De même que ce pain que nous rompons, autrefois disséminé sur les collines, a été recueilli pour n’en faire plus qu’un, qu’ainsi ton Eglise soit rassemblée des extrémités de la terre dans ton Royaume! » (IX, 4). Le pain composé de nombreux grains renferme également un événement d’union: la transformation en pain des grains est un processus d’unification. Nous-mêmes, de nombreux que nous sommes, nous devons devenir un seul pain, un seul corps, nous dit saint Paul (1 Co 10, 17). Ainsi, le signe du pain devient à la fois espérance et devoir.

Le signe du vin nous parle également de façon très semblable. Mais tandis que le pain renvoie à la quotidienneté, à la simplicité et au pèlerinage, le vin exprime le caractère exquis de la création: la fête de joie que Dieu veut nous offrir à la fin des temps et que, déjà à présent, il anticipe toujours à nouveau au moyen d’évocation à travers ce signe. Mais le vin parle également de la Passion: la vigne doit être taillée continuellement pour être ainsi purifiée; le raisin doit mûrir sous le soleil et la pluie et doit être pressé: ce n’est qu’à travers cette passion que mûrit un vin précieux.

En la fête du Corpus Domini, nous regardons surtout le signe du pain. Celui-ci nous rappelle également le pèlerinage d’Israël au cours des quarante années passées da
ns le désert. L’Hostie est notre manne à travers laquelle le Seigneur nous nourrit — c’est véritablement le pain du ciel à travers lequel Il se donne lui-même. Au cours de la procession, nous suivons ce signe, et ainsi, nous le suivons Lui-même. Et nous le prions: Conduis-nous sur les routes de notre histoire! Montre toujours à nouveau le droit chemin à l’Eglise et à ses Pasteurs! Regarde l’humanité qui souffre, qui erre dans l’incertitude parmi tant d’interrogations; vois la faim physique et psychologique qui la tourmente! Donne aux hommes du pain pour le corps et pour l’esprit! Donne-leur du travail! Donne-leur la lumière! Donne-toi à eux! Purifie-nous et sanctifie-nous tous! Fais-nous comprendre que ce n’est qu’à travers la participation à ta Passion, à travers le « oui » à la croix, au renoncement, aux purifications que tu nous imposes, que notre vie peut mûrir et se réaliser vraiment. Rassemble-nous de toutes les extrémités de la terre. Unis ton Eglise, unis l’humanité déchirée! Donne-nous ton salut! Amen!

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ZENIT Staff

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