Pendant qu’ils attendaient patiemment leur tour pour glisser une offrande dans le tronc placé à côté de l’autel, d’autres faisaient la queue pour s’incliner devant le prêtre et recevoir sa bénédiction afin que cette nouvelle année leur soit propice, à eux et à leur famille. « C’est avec ferveur que mes paroissiens, cette année, ont assisté à la messe et ont déposé leur offrande », a déclaré aux journalistes catholiques venus l’interroger le P. Zhang Hongwu, de la paroisse de Pingtan, sur l’île de Haitan, dans le diocèse de Fuzhou (province du Fujian), ajoutant : « Les voir tous là, si nombreux, m’a beaucoup touché. »
La nouvelle année lunaire ou la fête du printemps est habituellement, en Chine, la période de l’année la plus chargée pour un prêtre, a-t-il expliqué, mais cela a été particulièrement vrai cette année où le Nouvel An tombait un dimanche, le 29 janvier. Pendant la messe du Nouvel An lunaire, les paroissiens du P. Zhang, comme ceux des autres paroisses de Chine, ont prié pour le bonheur de chacun, celui de leurs familles et celui du pays. Ce dimanche 29 janvier, l’assistance à la messe avait doublé par rapport au dimanche ordinaire, près de 600 personnes. « Les ouvriers des chantiers de construction ou du transport maritime viennent spécialement remercier Dieu et demander ses bénédictions en faveur de la paix ou de plus d’argent pour leur famille », commentait le P. Zhang. Certaines épouses catholiques ont « traîné » leur mari non catholique jusqu’à l’église. « Leurs maris ne croient pas en Dieu, mais ils lui restent attachés dans l’espoir d’obtenir une nouvelle année heureuse », ajoutait-t-il.
Le P. Zhang a aussi expliqué que beaucoup de ses paroissiens sont des gens simples qui viennent à l’église seulement pour faire une offrande, quelle qu’ait été l’année écoulée. Certains sont sous-payés ou n’ont même reçu aucun salaire pour une année entière d’un dur travail. « Pendant l’office, nous ne nous déplaçons pas pour faire la quête, précise-t-il. Les paroissiens sont seulement encouragés à faire leur offrande de façon volontaire. » Il dit aussi saisir l’occasion du retour à la maison de toute la famille pour faire des visites avant la fin des vacances, le 5 février. Beaucoup d’hommes de l’île de Haitan sont obligés de partir travailler ailleurs en Chine, voire à l’étranger, du fait d’une conjoncture économique locale maussade.
Certaines paroisses importantes utilisent cette période de vacances pour organiser des cours de formation de la foi et des récollections, mais, chez le P. Zhang, beaucoup de paroissiens de retour à la maison préfèrent rester en famille et avec leurs amis plutôt que de participer aux activités paroissiales en dehors de la messe.
Dans le nord de la Chine, dans une paroisse rurale du district de Lin, sans prêtre résidant, les familles catholiques ont pu malgré tout participer aux offices des 28 et 29 janvier. Le P. Gao Xinliang, du diocèse de Fenyang (province du Shanxi), était venu les célébrer. Il a expliqué que ces familles étaient venues remercier Dieu et prier pour que le temps leur soit clément. L’an dernier, la plupart ont subi de grosses pertes au moment de la récolte des dattes du fait de pluies torrentielles en juillet et en août. Les vieux parents aussi étaient venus prier pour la paix et la sécurité de leurs fils dans leur travail. Bon nombre des hommes de ces villages en effet travaillent dans les mines de charbon ou sur des chantiers de construction. Le Shanxi est un des premiers producteurs de charbon de Chine et une des six plus grandes régions charbonnières du monde. « Je ne demande rien aux paroissiens parce qu’ils viennent pour la plupart de familles rurales parmi les plus pauvres », explique le P. Gao.
Dans la province du Zhejiang, certains prêtres « clandestins » du diocèse de Wenzhou ont eu, eux aussi, « une semaine chargée ». Selon l’un d’entre eux, les foules entassées dans les églises étaient plus nombreuses encore que celles de la messe de minuit à Noël. Il a indiqué qu’il avait célébré deux messes supplémentaires le 29 janvier devant 3 000 fidèles venus prier pour que la nouvelle année leur soit propice. D’après ce prêtre, les catholiques de Wenzhou travaillent au loin et reviennent eux aussi à la maison pour les traditionnelles réunions de famille du Nouvel An. Nombreux cependant sont ceux, cette année, à n’avoir pas pu faire le voyage de retour au pays.
Un grand nombre de paroissiens donnent entre 100 yuans (10 euros) et plusieurs centaines de yuans pour remercier Dieu des bénédictions reçues dans l’année. « Après la messe une femme dont la société a réalisé de très confortables bénéfices en 2005 a même donné 2 000 yuans », souligne-t-il. D’après le ministère chinois du Travail et de la Sécurité sociale, le revenu annuel d’un ouvrier en 2004 a été de 16 000 yuans, un chiffre rarement atteint au sein des foyers ruraux.
Le prêtre et ses collègues ont eu un Nouvel An lunaire chargé non pas seulement à cause des messes à célébrer mais aussi à cause des confessions et des multiples tâches pastorales. « Les responsables gouvernementaux ne se mêlent pas du déroulement des fêtes du Nouvel An. Sans doute parce qu’ils sont superstitieux », confie-t-il, ajoutant : « Ils pensent que s’ils importunaient les gens qui prient pour obtenir les bénédictions divines, eux-mêmes risqueraient d’avoir une mauvaise année. » D’ailleurs, les fonctionnaires relâchent généralement leur vigilance à l’endroit des « clandestins » durant cette période, fait-il observer.
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Feb 23, 2006 00:00