Le 24 novembre dernier, à Séoul, le chercheur Hwang Woo-suk, l’un des spécialistes mondiaux les plus en pointe de la pratique du clonage dans l’espèce humaine, a reconnu qu’il avait commis une série de fautes éthiques. Il a demandé pardon « pour le trouble provoqué en Corée du Sud et à l’étranger » et a annoncé qu’il démissionnait de l’ensemble de ses fonctions. Le lendemain, Mgr Francis Xavier Ahn Myong-ok, évêque de Masan et président du Comité de bioéthique de la Conférence des évêques catholiques de Corée, a déclaré que les excuses du professeur venaient trop tard. Il a ajouté que les aveux de Hwang Woo-suk n’étaient « ni surprenant ni choquant », l’Eglise ayant à plusieurs reprises par le passé demandé au chercheur des précisions sur ses travaux car « ses expériences posaient certains problèmes éthiques » (1).
La démission du professeur Hwang ne trouve pas son origine dans la nature même des travaux menés depuis plusieurs années dans les laboratoires de l’Université nationale de Corée, mais dans les conditions dans lesquelles le chercheur a recueilli certaines cellules sexuelles féminines, les ovocytes, indispensables à la création d’embryons humains par clonage. Après avoir déclaré qu’il n’avait pas eu connaissance du fait que deux de ses jeunes collaboratrices avaient, en 2004, donné plusieurs de leurs ovocytes à son équipe et que certaines femmes avaient été dédommagées financièrement pour leurs ovocytes, il a accepté la responsabilité de ce qui constitue une violation des règles régissant la recherche, telles qu’elles ont été définies dans la Déclaration d’Helsinki, adoptée en 1964 par l’Association médicale mondiale.
Selon le P. Remigio Lee Dong-ik, secrétaire du comité épiscopal de bioéthique et professeur de théologie morale à l’Université catholique de Corée, à Séoul, on ne peut négliger le fait qu’un membre de l’équipe du professeur a pu donner ses ovocytes du fait de pressions directes ou indirectes et « les scientifiques partout dans le monde admettent qu’un tel don ne doit pas avoir lieu ». Aux partisans du professeur Hwang, qui mettent en avant le fait que la communauté scientifique internationale doit comprendre que le don d’ovocytes par un membre de l’équipe du laboratoire de recherche de Hwang Woo-suk est un acte accepté dans le contexte culturel coréen, Mgr Ahn Myong-ok répond que « les questions éthiques ou les valeurs universelles ne varient pas selon que l’on se trouve dans tel ou tel pays ».
Le fait que le professeur Hwang ait acquis une stature de héros national en Corée du Sud du fait de ses succès scientifiques et que de très nombreux Coréens, depuis sa démission, l’appellent à poursuivre ses travaux « au nom de l’intérêt de la nation » ne doit pas éluder le fait suivant, a précisé Mgr Ahn Myong-ok : les problèmes que rencontre aujourd’hui le professeur Hwang trouvent leur origine « dans une absence de valeurs » et c’est cette même absence de valeurs qui motive les appels d’une large majorité de Coréens en faveur du professeur. Selon un sondage réalisé auprès de 61 717 internautes le 28 novembre dernier, 92 % des personnes interrogées n’approuvaient pas la démission du professeur Hwang. Par ailleurs, le gouvernement a annoncé qu’il allait très rapidement présenter au Parlement un projet de loi séparant le centre de recherche sur le clonage humain, créé le 19 octobre dernier par le professeur Hwang, de l’hôpital de l’Université nationale de Séoul : le centre doit en effet bénéficier d’une subvention de 11,5 millions de dollars pour 2006 et la Corée du Sud a fait du développement des biotechnologies une des priorités de son développement futur.
(1) A propos des prises de position de l’Eglise catholique en matière de bioéthique, voir EDA 315, 333, 344, 357, 361, 392, 399, 413, 420, 421, 422, 428