Nous publions ci-dessous l’intervention de Mgr Tomasi, dans son original en français.

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Monsieur le Coordonnateur !

Depuis la deuxième guerre mondiale, l’utilisation de sous munitions dans une vingtaine de conflits en Asie, en Afrique, en Europe, au Moyen-Orient et en Amérique latine, nous a laissé assez de recul, d’informations et d’expériences afin de pouvoir porter un jugement objectif et fondé du point de vue du droit international humanitaire comme d’un point de vue strictement pragmatique sur les conséquences de l’utilisation de toute une catégorie d’armes. Les organisations humanitaires, les agences des Nations Unies et les agences de développement ont unanimement reconnu la nécessité d’une réflexion sérieuse autour de la légitimité de l’utilisation des sous munitions. On compte par milliers les morts, les blessés et les handicapés, victimes des sous munitions, et on constate sans difficulté les obstacles au retour des réfugiés et par conséquent au développement de nombreuses régions contaminées par les sous munitions non explosées.

Certains pays qui possèdent des sous munitions dans leurs stocks ont bien réalisé que le taux de défaillance est très élevé qu’ils ont décidé de faire sortir de leurs inventaires militaires certaines catégories de sous munitions dont l’utilisation poserait un problème humanitaire grave et disproportionné par rapport au gain militaire. On ne peut que saluer de tels choix de précaution et de responsabilité. C’est dans cet esprit que ma délégation comprend la résolution du Parlement européen adoptée en 2004 qui appelle à un moratoire immédiat sur l’utilisation, le stockage, la production, et le transfert ou l’exportation des sous munitions.

Monsieur le Coordonnateur !

Une pause de réflexion s’impose. Mais il serait insuffisant et inadéquat de limiter la réflexion à la question de l’amélioration de la qualité des sous munitions sachant que ces armes, de par leur conception, ne sont pas des armes de précisions. Bien au contraire, elles sont dispersées sur des surfaces importantes. Ce qui rend le principe de distinction entre les objectifs militaires et civils très difficile, sinon impossible, à respecter notamment dans les régions à haute densité populaire. Par ailleurs, même si on arrive à réduire le taux de disfonctionnement des sous munitions, les conséquences restent suffisamment graves afin de procéder à une discussion approfondie concernant la nature même de cette arme et pas seulement la qualité de la fabrication et les moyens technologiques de son amélioration. L’imprécision et le taux élevé de bombelettes non explosées mettent en question la légitimité de cette arme.

Monsieur le Coordonnateur !

En conclusion, le Saint-Siège est de l’avis que des consultations dans ce domaine sont plus que nécessaires et devraient être entamées sans délai et qui incluraient les Etats, les ONG, les Nations Unies, le CICR et tous ceux impliqués dans l’action de déminage humanitaire. Mais en attendant les résultats de telles consultations, la communauté internationale ne peut et ne devrait pas se contenter de recenser les victimes et les dégâts des sous munitions. Si pour des raisons diverses, il n’est pas possible de trouver un accord immédiat sur l’interdiction définitive de la production et de l’utilisation de cette catégorie d’armes, le Saint-Siège soutient, avec vigueur, l’idée d’un moratoire sur l’utilisation des sous munitions pendant toute la période des consultations proposées, en attendant de parvenir à l’adoption d’un instrument international adéquat.
Je vous remercie Monsieur le Coordonnateur !

[Texte original: Français]