ROME, dimanche 27 mars 2005 (ZENIT.org) – « Pâques est un message de vie nouvelle pour tous », affirme Mgr Michel Sabbah, patriarche latin de Jérusalem dans son message de Pâques que nous publions ci-dessous.
PAQUES
27.3.2005
Message
Le Christ est réellement ressuscité (Lc 24,1-52). Réjouissons-nous. Oui au milieu de toutes nos épreuves présentes, nous sommes invités à nous réjouir et à vivre pleinement. Je voudrais, dans ce message de Pâques, parler de trois choses : le renouveau pastoral dans nos paroisses, le rapport des chrétiens avec leur société et enfin le conflit et la paix.
1. Dans nos paroisses.
Pâques est un message de vie nouvelle pour tous, et tout d’abord pour notre vie pastorale qui essaie de continuer le travail accompli par le Synode des Eglises Catholiques. Cette vie nouvelle de nos paroisses est surtout entre les mains des curés et de tous ceux qui les aident, vicaires, religieux, religieuses et fidèles. Nous avons besoin de nous renouveler. Nous avons besoin de Résurrection dans tous les domaines de notre vie. Nous ne pouvons pas continuer à vivre dans le passé. Il faut vivre dans le présent et préparer courageusement l’avenir. Un changement de base concerne la capacité des curés de partager et de collaborer. Ils doivent savoir partager avec les fidèles, non seulement les biens matériels pour subvenir aux besoins des pauvres, mais aussi l’acte de gérer une paroisse, d’annoncer la Bonne Nouvelle à tous, tout en étant présent à toute la société, et auprès de chacun et de chacune, même s’ils ne sont pas de notre Eglise ou même de notre foi. Voilà un second changement de base aussi : une société se construit par tous ses membres sans distinction. La parole de Dieu, la bonne nouvelle de la Résurrection, avec sa joie et son espérance, est également pour tous. Elle ne peut pas se limiter aux limites de notre paroisse : elle est un bien commun qui appartient à toute la société. A celui qui porte la Bonne Nouvelle à savoir en faire partager la joie tout en respectant toues les identités et les différences existantes dans sa société.
2. Rapports des chrétiens avec leur société.
La question des rapports des chrétiens avec leur société est parue récemment dans une tension entre druzes et chrétiens dans le village de Maghar en Galilée en Israël. Une querelle est arrivée. Cela est normal. Mais le fait que la tension existe toujours sans être encore parvenus aux réparations et à la réconciliation n’est pas normal. Ce qui n’est pas normal non plus c’est que les autorités civiles n’ont pas protégé tous leurs citoyens, dès les débuts des tensions. Tout cela a amené des chrétiens en Galilée à penser devoir revoir leur présence dans la société et la manière de se protéger. Face à cela nous disons ce qui suit : premièrement, l’Etat doit faire son devoir et assurer la sécurité à tous ses citoyens. Deuxièmement, les chrétiens, de leur côté, doivent certes trouver leurs voies de survie, mais sans se mettre dans des ghettos physiques, psychologiques ou partisans. C’est en s’ouvrant à toute la société, en ouvrant un dialogue avec tous les groupes, chrétiens, musulmans, druzes et juifs et avec l’Etat lui-même, que cela doit se faire. Le chemin est long. Mais il faut bien commencer. Troisièmement, un chrétien, pour assurer sa survie et sa croissance dans sa société, doit faire du commandement de l’amour que lui a donné Jésus-Christ une force spirituelle qui l’aidera à faire face et à trouver des solutions, sans pour cela faiblir ou devoir abandonner ses droits. Mais pour cela une vie personnelle chrétienne authentique est nécessaire.
La Résurrection aujourd’hui rappelle à tous que nous avons besoin d’une résurrection à une vie nouvelle. Tous nos rapports entre communautés et religions diverses ont besoin d’une vie nouvelle, et pour cela nous avons besoin d’une nouvelle éducation basée sur l’ouverture à l’autre et le respect mutuel. Le chrétien de son côté doit savoir que la voie de la Résurrection est la croix. Sa vie donc, comme par ailleurs, celle de toute personne humaine, est un combat permanent pour le bien et pour une collaboration digne avec tous les frères et sœurs de toutes les communautés et de toutes les religions.
3. La question du conflit et de la paix.
En ces jours, nous avons un temps de tranquillité relative et un désir exprès d’arriver à la paix, du moins du côté palestinien. Face à ce désir, des difficultés insurmontables semblent surgir : du côté israélien, le développement des colonies au lieu de leur arrêt ou leur abandon, la permanence du siège sur les villes palestiniennes qui restent des villes prisons, les prisonniers politiques qu’on semble oublier, sans compter toutes les questions principales qu’il faut traiter pour arriver à un accord définitif. Du côté palestinien, des voix discordantes semblent menacer la décision de réclamer les droits sans recours aucun à la violence… Cependant cette volonté expresse de paix doit être appuyée et soutenue. La sécurité pour Israël est une priorité, mais aussi la sécurité et l’indépendance d’un Etat Palestinien sont une priorité. Et les deux se conditionnent. L’une ne peut pas se réaliser sans l’autre.
Car la liberté est égale pour tous, pour le fort comme pour le faible. Le fort ne peut pas prétendre, pour le simple fait qu’il est le plus fort, d’éliminer le faible ou de lui imposer une soumission contraire à la dignité des personnes ou des peuples. La force peut imposer des faits : mais la dignité humaine se vengera et restera une menace et une source d’insécurité pour le fort. Il est temps de se convaincre qu’aucune partie ne peut vivre aux dépens de l’autre.
D’un autre côté, il est inutile de chercher à faire la paix avec la région avant de résoudre le cœur du conflit qui est entre Palestiniens et Israéliens. Car faire la paix avec les voisins ne fera qu’exacerber le conflit dans la Terre Sainte. C’est ce conflit qui doit être résolu en premier, car de la paix de Jérusalem dépendra la paix de toute la région.
Le Christ est réellement ressuscité (Lc 24,1-52). Réjouissons-nous. Oui au milieu de toutes nos épreuves présentes, nous sommes invités à nous réjouir et à vivre pleinement.
Bonne et sainte fête de Pâques.
+Michel Sabbah, Patriarche
Jérusalem, Pâques 27.3.2005