L'Eucharistie est le sacrement de la non-violence, affirme le père Cantalamessa

Troisième prédication de carême

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CITE DU VATICAN, vendredi 11 mars 2005 (ZENIT.org) – « Le Christ a vaincu la violence : non pas en lui opposant une violence plus grande, mais en la soumettant et en mettant à nu toute son injustice et son inutilité », a déclaré le père Cantalamessa ce vendredi.

Toujours hospitalisé, le pape a dû renoncer à assister à cette troisième méditation de carême en compagnie de ses collaborateurs de la curie romaine, dans la chapelle « Redemptoris Mater » du palais apostolique du Vatican. Cette méditation est la suite de la réflexion du père Cantalamessa sur l’hymne eucharistique « Adoro te devote » qu’il a déjà développée au cours de l’Avent (cf. Zenit 5, 12, 19), ainsi que lors des deux premières prédications de carême (cf. Zenit, 25 février; 4 mars)

Nous publions ci-dessous une synthèse de cette troisième méditation, proposée par le père Cantalamessa.

Pieux pélican, Jésus mon Seigneur

L’Eucharistie, sacrement de la non-violence

1. « Notre » pélican

A l’époque où fut composé l’Adoro te devote, de nombreux éléments avaient fini par faire, tacitement, de l’Eucharistie, le sacrement du corps du Christ et beaucoup moins de son sang. Il est donc positivement surprenant de trouver dans l’Adoro te devote une strophe entière consacrée au sang du Christ :

Pie Pellicane, Iesu Domine,
Me immundum munda tua sanguine,
cujus una stilla salvum facere
totum mundum quit ab omni scélere.

Pieux pélican, Jésus mon Seigneur,
Moi qui suis impur, purifie-moi par ton sang
Dont une seule goutte aurait suffi à sauver
Le monde entier de toute faute.

Le discours sur le sang du Christ est introduit par un symbole : le pélican. Dans l’Antiquité et au Moyen Age une croyance commune voulait que le pélican s’ouvrit, d’un coup de bec, une plaie sur le poitrail, pour nourrir, de son propre sang, ses petits affamés, ou également pour les ramener à la vie si ceux-ci étaient morts.

Le contenu théologique de cette strophe est un acte de foi solennel dans la valeur universelle du sang du Christ dont une seule goutte, dit-elle, suffit à sauver le monde. La difficulté plus actuelle que pose l’Adoro te devote concerne le moyen choisi pour accomplir ce salut universel. Pourquoi précisément le sang ? Peut-être faut-il penser que le sacrifice du Christ -, et donc, l’Eucharistie qui le renouvelle de manière sacramentelle – ne fait que confirmer l’affirmation selon laquelle « la violence est le cœur et l’âme secrète du sacré » ?

Nous avons aujourd’hui la possibilité de jeter sur l’Eucharistie une lumière nouvelle et libératrice, précisément en suivant le chemin qui a conduit René Girard à l’affirmation que la violence est intrinsèque au sacré, à la conviction que le mystère pascal du Christ a caché et rompu pour toujours l’alliance entre le sacré et la violence.

A travers sa doctrine et sa vie, Jésus, selon ces penseurs, démasque et brise le mécanisme du bouc émissaire qui sacralise la violence, faisant de lui, innocent, la victime de toutes les violences. Le fait que sur sa mort furent d’accord « Hérode et Ponce Pilate avec les nations païennes et les peuples d’Israël » (Ac 4,27) est significatif ; les ennemis du début devinrent amis, exactement comme lors de chaque crise ou l’on choisit un bouc émissaire.

Le Christ a vaincu la violence : non pas en lui opposant une violence plus grande, mais en la soumettant et en mettant à nu toute son injustice et son inutilité. (Le film de Mel Gibson a eu, au moins, le mérite de rappeler jusqu’à quel point s’est déchaînée la violence contre Jésus). Il a inauguré un nouveau type de victoire que saint Augustin a résumé en trois mots : « Victor quia victima » : vainqueur parce que victime. En le ressuscitant d’entre les morts, le Père a déclaré, une fois pour toute, de quel côté se trouvent la vérité et la justice, et de quel côté se trouvent l’erreur et le mensonge.
Peut-on encore continuer à parler de sacrifice, à propos de la mort du Christ et donc de la Messe ? Pendant longtemps, Girard a refusé ce concept, mais a fini par en admettre la possibilité, à condition de voir dans celui du Christ un genre nouveau de sacrifice, et de voir dans ce changement de sens « le fait central dans l’histoire religieuse de l’humanité ».

La nouveauté du sacrifice du Christ est mise en relief de divers points de vue, dans la Lettre aux Hébreux : « Le Christ n’a pas eu besoin d’offrir des victimes pour ses propres péchés, comme les grands prêtres » (7, 27) ; il n’a pas eu besoin de renouveler plusieurs fois le sacrifice, mais « une fois pour toutes, à la fin des temps, il s’est manifesté pour abolir le péché par son sacrifice » (9, 26).

« L’Ecriture grandit avec ceux qui la lisent (crescit cum legentibus) », a écrit saint Grégoire le Grand, et ceci est ce qui est advenu également à propos des textes sur le sacrifice du Christ et la rédemption. Les événements et les expériences du XXème siècle, jamais vécus dans ces proportions par l’humanité, ont posé à l’Ecriture des questions nouvelles, et l’Ecriture, comme toujours, s’est révélée en mesure d’apporter des réponses à la hauteur des questions.

L’abolition de la peine de mort reçoit aussi une lumière nouvelle des analyses sur la violence et le sacré. On retrouve quelque chose du mécanisme du bouc émissaire dans chaque exécution capitale, également dans celles légitimées par la loi. « Un seul est mort pour tous » (2 Co 5,14) : le croyant a un motif de plus, eucharistique, pour s’opposer à la peine de mort. Comment dans certains pays, des chrétiens, peuvent-ils approuver et se réjouir à la nouvelle qu’un criminel a été condamné à mort, quand nous lisons dans la Bible : « Prendrais-je donc plaisir à la mort du méchant – oracle du Seigneur Yahvé – et non pas plutôt à le voir renoncer à sa conduite et vivre ? » (Ez 18, 23).

Le débat moderne sur la violence et sur le sacré nous aide ainsi à saisir une dimension nouvelle de l’Eucharistie. Grâce à celle-ci, le « non » absolu de Dieu à la violence, prononcé sur la croix, demeure vivant tout au long des siècles. L’Eucharistie est le sacrement de la non-violence ! Dans le même temps elle nous apparaît, de manière positive, comme le « oui » de Dieu aux victimes innocentes, le lieu ou chaque jour, le sang versé sur la terre s’unit à celui du Christ qui crie à Dieu « d’une voix plus éloquente que celle d’Abel » (He 12, 24 ). A partir de cela l’on comprend aussi ce que l’on enlève à la Messe (et au monde !), si l’on ôte cet élément dramatique, exprimé depuis toujours par le terme de sacrifice.

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ZENIT Staff

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