ROME, Dimanche 30 janvier 2005 (ZENIT.org) – Le père James Puglisi, directeur du Centre Pro Unione de Rome, rappelle les paroles de son professeur, le cardinal Yves Congar (1904-1995) : « La porte de l’œcuménisme ne peut être franchie qu’à genoux » pour expliquer la signification de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens qui s’est conclue le 25 janvier.
La fidélité au Magistère du pape se mesure également à travers l’adhésion à l’engagement oecuménique proclamé par Jean-Paul II, rappelle, dans cet entretien accordé à Zenit, le père James Puglisi, Ministre général des Frères franciscains de l’Atonement.
Zenit : A l’issue de cette Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, qui s’est conclue mardi 25 janvier, avez-vous constaté des signes particuliers d’optimisme ?
P. J. Puglisi : Oui. Nous avons constaté que la collaboration entre les chrétiens est de plus en plus grande, face à la situation mondiale difficile dans laquelle vivent les Eglises. Ce que le cardinal Walter Kasper, Président du Conseil pontifical pour la promotion de l’Unité des Chrétiens, a défini comme un « dialogue de vie », est la réponse offerte par de nombreux chrétiens face à des situations comme la récente catastrophe naturelle dans le Sud-Est asiatique, la situation des chrétiens en Irak, en Terre Sainte ou dans des lieux comme le Soudan. Il s’agit de situations de nécessités humaines face auxquelles l’Evangile nous appelle à apporter un témoignage clair. On a noté un élan extraordinaire de charité, qui ne tenait pas compte des différences de confessions religieuses.
Au niveau théologique il faut admettre que les choses bougent plus lentement, ou, en tout cas « prudemment ». Dans nos discussions et dans nos dialogues, nous avons atteint un point critique où nous devons nous arrêter, pour analyser les deux points de vue : le point de vue théorique (les accords théologiques) et le point de vue pratique (la manière dont ces accords sont concrètement mis en pratique).
Nous devons maintenant nous rappeler et garder à l’esprit ce qui est affirmé dans les Actes des Apôtres et qui a été répété par le pape Jean-Paul II dans son encyclique « Ut Unum Sint », quand il explique que nous ne devrions rien imposer de plus que ce qui est demandé dans les Ecritures.
Cela exige patience, étude, réflexion et surtout prière. Le père Congar nous a toujours dit dans ses cours que « la porte de l’œcuménisme ne peut être franchie qu’à genoux ». On pense immédiatement à la porte de la Basilique Saint-Paul-hors-les-Murs avec les trois chefs religieux agenouillés qui frappaient à la porte, qui est l’image du Christ. Voilà en effet la raison d’être de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens.
Zenit : Selon vous, pourquoi existe-t-il encore des marques d’hostilité à l’égard de l’œcuménisme ?
P. J. Puglisi : L’hostilité que nous voyons est plus que tout une forme de crainte. Actuellement nous nous trouvons face à un appel à un changement systématique, la conversion des Eglises et de leurs structures, y compris l’Eglise catholique.
Nous savons qu’historiquement les structures de l’Eglise ont évolué selon les besoins, en réponse aux exigences que le monde présentait à l’Eglise, laquelle, sous la conduite de l’Esprit Saint, devait répondre aux nécessités de chaque génération. De cette manière, l’Eglise a accompli son rôle dans la société. Pour cette raison également l’Eglise s’est vue contrainte d’adopter les structures du monde séculier dans lequel elle vivait.
Le Concile Vatican II a réformé tout cela à travers des changements introduits par la Constitution dogmatique sur l’Eglise, « Lumen Gentium », selon laquelle le ministère s’insère au sein de l’Eglise et non au-dessus d’elle.
Dans la mesure ou nous maintenons une ferme division et une séparation (on pourrait aller jusqu’à dire une opposition) entre le clergé et les laïcs, le processus de sécularisation se poursuivra en progressant rapidement dans un monde qui change très vite au niveau social et culturel. L’Evangile doit être transmis à chaque génération, à chaque culture, avec les expressions et les symboles qui expliquent son message authentique pour la vie du monde.
Zenit : Jean-Paul II est un pape oecuménique. Pourquoi avons-nous si peu d’évêques ou de croyants œcuméniques ?
P. J. Puglisi : C’est une question intéressante mais très délicate ! Peut-être n’y a-t-il pas eu de réel accueil du Concile Vatican II et de ses implications pour les évêques ou les croyants. Une fois encore, je considère que cela peut s’expliquer avec la différence entre la théorie et la pratique. Naturellement le pape Jean-Paul II, à la suite de Jean XXIII et de Paul VI, a œuvré à un véritable renforcement de l’engagement œcuménique de l’Eglise, exactement comme cela avait été imaginé par les Pères du Concile Vatican II.
Il a expliqué cela dans l’Encyclique « Ut Unum Sint » et, sans exception, au cours de chaque visite pastorale qu’il a effectuée. Selon moi il est intéressant de constater que sa position œcuménique est l’une des dernières choses à être comprise, bien que l’on cite ses déclarations sur les questions morales.
En outre, j’ai pu noté que malheureusement, quand il s’agit de prendre des décisions en matière économique, l’un des premiers bureaux à disparaître des curies diocésaines, est le bureau ou la commission œcuménique. Autre exemple : la personne qui assume ce rôle particulièrement important a souvent trois autres charges en même temps, et ne possède aucun type de préparation ou de formation pour mener à bien le devoir qui lui est confié.
Nous devons nous demander de quelle manière nous vivons l’impératif œcuménique qui est au cœur de la mission et de la vie de Jésus, qui a prié avec ces paroles : « Afin que tous soient un (Jn 17), et les a étroitement unis à la mission de l’Eglise dans le monde, en ajoutant : « Afin que le monde croie ». La vie de l’Evangile dépend de cela !
Jean-Paul II a reconnu et s’est engagé sur ce chemin, s’efforçant de suivre les pas du Seigneur. Demandons-nous si d’autres ont fait de même et si tel n’est pas l’engagement que tous les chrétiens assument avec le baptême. Nombreux sont ceux qui proclament leur fidélité au Magistère de Jean-Paul II, mais cette fidélité touche-t-elle tous ses enseignements ? Voilà une question sur laquelle les catholiques ont dû réfléchir au cours de cette Semaine de prière.
Zenit : Les relations avec l’Eglise orthodoxe sont-elles plus cordiales en ce moment ?
P. J. Puglisi : Je ne suis pas un vrai expert des relations avec les orthodoxes. Je peux seulement dire que lorsque nous parlons des Orthodoxes, nous généralisons, tout comme lorsque d’autres parlent des Catholiques.
Je crois que ça dépend de quels orthodoxes on parle. Je crois que l’on peut voir des progrès dans nos relations avec certains orthodoxes et un peu moins avec d’autres.
D’un côté nous devons accepter une partie des reproches, mais nous ne pouvons pas nous laisser harceler non plus. Il est vrai que dans certains pays nos évêques n’ont pas arrêté certains groupes et mouvements catholiques trop zélés qui faisaient pression sur les orthodoxes en les traitant comme s’ils n’étaient même pas chrétiens. Il y a eu des abus que nous devons reconnaître et dont nous devons assumer la responsabilité.
Il y a en même temps des exemples de sollicitude chrétienne réelle, authentique, et de collaboration avec les orthodoxes dans leur tentative de se remettre des effets des régimes socialistes/communistes sous lesquels ils ont été contraints de vivre pendant
si longtemps. Je crois qu’il est impossible, pour celui ou celle qui ne l’a pas vécu, de se faire une idée des effets dévastateurs sur la culture, sur la psychologie des personnes et sur les mécanismes de défense.
Ce n’est pas parce qu’il y a eu des réactions de certains orthodoxes, généralement des chefs d’Eglises, des moines ou des membres du clergé, que tous les orthodoxes, de tous les pays orthodoxes, ont les mêmes sentiments vis-à-vis des chrétiens occidentaux et des catholiques en particulier.