Belgique : Le card. Danneels fête ses 25 ans d’épiscopat

Homélie prononcée lors de la messe d’action de grâce à l’occasion de son jubilé

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ROME, lundi 10 janvier 2005 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte de l’homélie prononcée hier dimanche en la cathédrale de Bruxelles, par le cardinal Godfried Danneels, à l’occasion de ses 25 ans d’épiscopat.

Le card. Danneels a été nommé archevêque de Malines-Bruxelles en décembre 1979, succédant au card. L.J. Suenens. Il a été créé cardinal en février 1983.

Dans son homélie, le cardinal Danneels a expliqué quels sont les « souhaits du berger pour son troupeau » : le charisme de la prière, que les chrétiens s’unissent et forment des communautés chrétiennes vivantes, une Eglise eucharistique, et qu’ils trouvent la juste relation au monde.

Bruxelles- Cathédrale saints Michel et Gudule
25 ans d’épiscopat 9 janvier 2005 – 15h30 Baptême de Jésus A

Frères et sœurs,

Un anniversaire nous invite à tourner la tête et à regarder le passé. C’est normal. Mais c’est une tentation. Ne fût-ce que parce qu’on risque de ne dire que du bien du jubilaire. Et puis, qui peut juger ces vingt-cinq ans qui viennent de s’écouler ? Aux historiens de regarder les faits et les actes. A Dieu de juger le fil rouge de l’amour qui les relie. Peut-on apprécier le tableau d’une vie à sa juste valeur, avant que le vernis – de la mort – y ait mis le vernis définitif ? Et nous n’en sommes pas encore là.

Regardons plutôt en avant, vers l’avenir. Non pas celui du berger, mais celui du troupeau. Car, puisque le berger vit du lait et de la laine de son troupeau, il a tout avantage à le conduire dans de verts pâturages et auprès de sources vivifiantes. Qu’est-ce que le berger souhaite pour son troupeau en ce jour de fête ?

D’abord il rend grâce à Dieu – le Père de Jésus, qui est baptisé en ce jour dans le Jourdain – d’avoir pu vivre pendant vingt-cinq ans, parmi d’innombrables fils et filles de Dieu sur lesquels, le jour de leur baptême, Il a dit les mêmes paroles : « Ceci est mon fils, mon bien-aimé en qui j’ai mis tout mon amour ». Ce que je souhaite ? Que tous ceux et celles qui me sont confiés dans l’Eglise, se replongent aujourd’hui dans la joie de leur baptême et deviennent des êtres nouveaux. Car cette fête du baptême de Jésus est aussi la fête de notre baptême à nous tous, le baptême de la tête étant celui du Corps tout entier.

Devenir des hommes nouveaux ? Mais qu’est-ce ? Où se trouve notre nouveauté de chrétiens dans un monde qui vieillit ? Et en quoi consiste notre originalité comme chrétiens, dans une civilisation qui se noie de plus en plus dans un gris universel et un relativisme nivelateur ?

D’abord et avant tout en ceci : que nous sommes des priants. Comme les trois enfants dans la fournaise ardente, nous chantons la louange du Père, du Fils et de l’Esprit Saint, sous le regard de plus d’un Nabuchodonosor. Les flammes nous entourent de toute part, mais nous nous promenons indemnes. Je souhaite au troupeau de Malines-Bruxelles, le charisme de la prière. Faisons de l’Eglise une grande famille priante. En effet beaucoup de bien que nous faisons, d’autres le font aussi. Mais prier le Père, par le Fils et dans l’Esprit Saint, nous sommes les seuls à le faire. C’est là notre spécificité. A laquelle d’ailleurs tant de nos contemporains semblent aspirer eux aussi. Car l’euphorie du 19me siècle qui avait tiré le rideau du firmament, pour cacher Dieu a fait long feu. Il fait place de plus en plus à un immense sentiment de solitude. Avec la disparition du Père, comment l’homme ne se sentirait pas orphelin ? L’Eglise ne survivra, que lorsqu’elle s’installe au Cénacle, en prière avec Marie et les apôtres. Mon souhait ? Un peuple en prière. L’année de la prière que les évêques de Belgique ont proclamée pour 2006, sera l’entrée au Cénacle.

Un autre souhait. Un grand danger nous menace tous, nous les chrétiens, en ce temps, où nous sommes dispersés et comme des exilés dans un monde gris, pluriel et pluraliste. L’isolement et la solitude sont porteurs de germes de mort. Unissons-nous donc et formons des communautés chrétiennes vivantes. Car voici que sont de retour les temps des premiers chrétiens. Or à même marginalisation, mêmes remèdes. Comme il est écrit dans les Actes de Apôtres : « Ils étaient assidus à l’enseignement des apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et à la prière… Tous ceux qui étaient devenus croyants étaient unis et mettaient tout en commun…Unanimement ils se rendaient chaque jour assidûment au temple …ils rompaient le pain à domicile, prenant leur nourriture dans l’allégresse et la simplicité de cœur. Ils louaient Dieu… » (Act 2,42 ss). Il ne manque rien à ce tableau de la communauté chrétienne et il propose une véritable thérapie, pour des communautés chrétiennes qui souffrent en situation de diaspora. Voici : vivre du message de la bible et de la doctrine des apôtres, de l’eucharistie, dans une fraternité solidaire, pratiquant assidûment la prière, tenant des repas fraternels et surtout manifestant les deux dons qui marquent du sceau de l’authenticité toute communauté chrétienne : l’allégresse et la simplicité de cœur.
Or tout cela : écouter l’écriture, prier, rompre le pain, dans la solidarité, la joie et la simplicité de cœur : qu’est-ce d’autre ou de plus, que de célébrer l’eucharistie ? Le souhait du pasteur ? Un peuple eucharistique. Toutes les périodes de ferveur eucharistique dans l’histoire de l’Eglise ont été autant de printemps, suivis d’une abondante moisson et de beaux fruits. Devenons une Eglise eucharistique et se réalisera ce que les Actes disent : « et les chrétiens trouvaient un accueil favorable auprès du peuple tout entier » (Act 2,47a).

Troisième souhait du berger : trouver la juste relation au monde. Avant de partir vers son Père le Christ a dit : « Père, je ne vous demande pas de les ôter du monde … » (Jn 17,15). Nous vivons dans le monde et nous ne pouvons ni ne voulons le quitter. On n’enlève pas le levain de la pâte pour le mettre à l’abri du risque. Non. Comme le dit déjà la Lettre à Diognète, il y a dix-huit siècles: « Les chrétiens dans le monde sont comme l’âme dans le corps : elle est partout, mais elle n’est pas le corps ». Nous sommes dans le monde. Nous vibrons aux mêmes enthousiasmes et nous versons les mêmes larmes devant les mêmes catastrophes ; nous cultivons la solidarité et la générosité avec tous les pauvres du monde. Parce que ce sont nos frères et sœurs humains, mais plus encore, parce que ce sont les frères et sœurs du Christ et les enfants du même Père. L’histoire du christianisme est cousue du fil rouge de la charité théologale.

Oui, nous sommes dans le monde. Mais le Christ poursuit ainsi sa prière : « Père, ils ne sont pas du monde comme moi je ne suis pas du monde « (Jn 17,16). Oui, à chaque époque de nouveau, il nous faut retrouver et redéfinir notre relation au monde et à la culture, trouver comment être dans le monde sans être du monde. C’est à réinventer chaque fois et à nouveaux frais. Certes, les chrétiens apportent beaucoup à la société et à la culture, dans le passé et de nos jours. Après des années d’indifférence et de critique, si pas d’une franche hostilité, il y a certains indices de nos jours, que la société actuelle attend du christianisme et des autres religions un apport indispensable, pour la paix et le progrès de la société. Il est vrai qu’une société risque de perdre son dynamisme, sa joie et sa confiance dans l’avenir, si elle relègue la religion dans la seule sphère du privé. Mais il ne faudrait pas que la société réduise notre rôle au d
omaine uniquement social ou culturel ou nous considère avant toit comme un facteur d’ordre et de pacification dans des conflits menaçants.

Ce que nous apportons à la société, c’est d’abord le Christ que nous aimons et de qui nous vient tout ce que nous avons à apporter à la société : tout que nous pouvons donner au monde dans l’ordre du social, du culturel et du moral vient de Lui. Il ne faudrait pas qu’on s’y méprenne. Sommes-nous meilleurs que les autres ? Dieu le sait. Mais ce qui est sûr, c’est que nous sommes autres.

Le souhait du berger ? C’est que les chrétiens trouvent pour notre temps leur juste relation au monde. Ni la fusion, ni l’absorption, ni la domination, mais être le sel de la terre et la lumière du monde. Vous savez …si le sel perd sa saveur … si la lampe est mise sous le boisseau …La tentation de vouloir contrôler et maîtriser tout dans la société : elle est devenue purement imaginaire. Ce danger écarté, il est temps de quitter le ‘profil bas’ pour les chrétiens dans notre société actuelle. Profilons-nous un peu plus. Le gris de l’hiver est derrière nous : voici le temps des fleurs et des couleurs du printemps. Profilons-nous. Mais faisons-le comme le Serviteur de la première lecture de ce jour tirée d’Isaïe : « Il ne criera pas, il ne haussera pas le ton, on n’entendra pas sa voix sur la place publique. Il n’écrasera pas le roseau froissé, il n’éteindra pas la mèche qui faiblit… » (Is 42 2s). Profilons-nous selon la méthode du Christ. La douceur vient à bout de toutes les résistances. La violence au contraire les suscite. Sauf s’il s’agit de la violence de la douceur, celle du Christ. Celle-là est irrésistible. Voilà le souhait du berger. Du Grand et du petit.

+ Godfried Card. Danneels
Archevêque de Malines-Bruxelles

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ZENIT Staff

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