Lecture: Ps 71, 12-13.17-19
1. La Liturgie des Vêpres, que nous suivons à travers la série de ses Psaumes, nous propose en deux étapes distinctes le Psaume 71, un hymne royal et messianique. Alors que nous avons déjà médité sur la première partie (cf. vv. 1-11), se trouve à présent devant nous le deuxième mouvement poétique et spirituel de ce chant consacré à la figure glorieuse du roi Messie (cf. vv. 12-19). Nous devons cependant immédiatement signaler que le final des deux derniers versets (cf. vv. 18-19) est en réalité un ajout liturgique successif au Psaume.
Il s’agit, en effet, d’une brève mais intense bénédiction qui devait sceller le deuxième des cinq livres dans lesquels la tradition hébraïque avait divisé le recueil des 150 Psaumes: ce deuxième livre avait commencé par le Psaume 41, celui de la biche assoiffée, symbole lumineux de la soif spirituelle de Dieu. C’est à présent un chant d’espérance dans une ère de paix et de justice qui conclut cette séquence de Psaumes et les paroles de la bénédiction finale sont une exaltation de la présence efficace du Seigneur dans l’histoire de l’humanité, où «il accomplit des merveilles» (Ps 71, 18), ainsi que dans l’univers créé comblé de sa gloire (cf. v. 19).
2. Comme il apparaissait déjà dans la première partie du Psaume, l’élément décisif pour reconnaître la figure du roi messianique est surtout la justice et son amour pour les pauvres (cf. vv. 12-14). Ces derniers n’ont que lui comme point de référence et source d’espérance, dans la mesure où il est le représentant visible de leur unique défenseur et patron, Dieu. L’histoire de l’Ancien Testament enseigne qu’en réalité, les souverains d’Israël n’ont que trop souvent oublié cet engagement, opprimant les faibles, les humbles et les pauvres.
C’est pourquoi le regard du Psalmiste se pose à présent sur un roi juste, parfait, incarné par le Messie, l’unique souverain prêt à racheter «de l’oppression, de la violence» les opprimés (cf. v. 14). Le verbe hébreu utilisé est le terme juridique du protecteur des derniers et des victimes, également appliqué à Israël «racheté» de l’esclavage lorsqu’il était opprimé par la puissance du pharaon.
Le Seigneur est le «racheteur-rédempteur» primordial qui œuvre de façon visible à travers le roi-Messie, en protégeant «la vie et le sang des pauvres», ses protégés. Or, «vie» et «sang» sont la réalité fondamentale de la personne, il s’agit de la représentation des droits et de la dignité de chaque être humain, des droits souvent violés par les puissants et les violents de ce monde.
3. Le Psaume 71 se termine, dans sa version originale, avant l’antienne finale que l’on a déjà mentionnée, par une acclamation en l’honneur du roi-Messie (cf. vv. 15-17). Celle-ci est semblable à un son de trompette qui accompagne un chœur de vœux et de souhaits adressés au souverain, pour sa vie, pour son bien-être, pour sa bénédiction, pour la permanence de son souvenir au cours des siècles.
Nous nous trouvons naturellement en présence d’éléments qui appartiennent au style des compositions auliques, avec l’emphase qui leur est propre. Mais ces paroles acquièrent désormais leur vérité dans l’action du roi parfait, attendu et espéré, le Messie.
Selon une caractéristique des poésies messianiques, toute la nature est concernée par une transformation qui est tout d’abord sociale: le froment des moissons sera tellement abondant qu’il deviendra comme une mer d’épis qui ondoient jusqu’au sommet des montagnes (cf. v. 16). Tel est le signe de la bénédiction divine qui se répand en plénitude sur une terre pacifiée et sereine. Toute l’humanité, oubliant et effaçant même chaque division, convergera vers ce souverain de justice, accomplissant ainsi la grande promesse faite par le Seigneur à Abraham: «Bénies seront en lui toutes les races de la terre» (v. 17; cf. Gn 12, 3).
4. Dans la figure de ce roi-Messie, la tradition chrétienne a perçu le portrait de Jésus-Christ. Saint Augustin, dans son Commentaire sur le Psaume 71, relisant précisément le chant dans une optique christologique, explique que les humbles et les pauvres, au secours desquels le Christ vient, sont «le peuple des croyants en lui». Rappelant les rois que le Psaume avait auparavant mentionnés, il précise même que «dans ce peuple sont aussi compris les rois qui l’adorent. Ils n’ont pas, en effet, dédaigné être humbles et pauvres, c’est-à-dire confesser humblement leurs propres péchés et reconnaître qu’ils ont besoin de la gloire et de la grâce de Dieu, afin que ce roi, fils du roi, les libérât du puissant», c’est-à-dire de Satan, le «calomniateur», le «puissant». «Mais notre Sauveur a humilié le calomniateur, et il est entré dans la maison du puissant, en emportant ses vases après l’avoir enchaîné; il “a libéré le petit du puissant, et le pauvre qui n’avait personne pour le secourir”. En effet, aucune puissance créée n’aurait été capable d’accomplir cela: ni celle de quelque homme juste, ni même celle de l’ange. Il n’y avait personne en mesure de nous sauver; voilà alors qu’il est venu lui-même, en personne, et qu’il nous a sauvés» (71, 14: Nuova Biblioteca Agostiniana, XXVI, Roma 1970, pp. 809-811).
Traduction réalisée par Zenit