L’accoutumance est le plus grand danger que court l’Eucharistie, estime le prédicateur du pape

Deuxième méditation de l’Avent en présence de Jean-Paul II et de la curie

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CITE DU VATICAN, dimanche 12 décembre 2004 (ZENIT.org) – « Le danger le plus grave que court l’Eucharistie est l’accoutumance », qui conduit à banaliser l’Eucharistie, affirme le père Raniero Cantalamessa OFMCap, prédicateur de la Maison pontificale.

Dans le cadre de l’année de l’Eucharistie convoquée par le pape, le père Cantalamessa a poursuivi vendredi ses méditations de l’avent, dans la chapelle « Redemptoris Mater » du Palais apostolique, en attirant l’attention sur la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie (Pour la première méditation, cf. Zenit 5 décembre, « L’adoration c’est regarder quelqu’un qui me regarde »).

Sa réflexion est un commentaire de la deuxième strophe de l’hymne eucharistique « Adoro te devote » qui est la suivante : La vue, le goût, le toucher, en toi font ici défaut, Mais t’écouter seulement fonde la certitude de foi. Je crois tout ce qu’a dit le Fils de Dieu, Il n’est rien de plus vrai que cette Parole de vérité.

« Ce n’est pas que les sens de la vue, du toucher et du goût, en eux-mêmes, se trompent sur les espèces eucharistiques, mais c’est nous qui pouvons nous tromper dans la manière d’interpréter ce que eux nous disent, affirme le père Cantalamessa. Ils ne se trompent pas, parce que l’objet exact des sens sont les apparences – ce qui se voit, ce qui se touche et qui se goûte – et les apparences sont véritablement celles du pain et du vin ».

Le père Cantalamessa poursuit en citant saint Thomas : « Dans ce sacrement, il n’y a aucun leurre. En effet, les accidents, qui sont perçus par les sens existent vraiment, alors que l’intellect qui a pour objet la substance des choses est préservé par la foi de la chute dans l’erreur ».

Citant à nouveau saint Thomas, il poursuit : « Que le corps et le sang véritables du Christ soit présent dans ce sacrement, est quelque chose que l’on ne peut percevoir ni à travers les sens ni avec l’intellect, mais avec la seule foi, la foi qui s’appuie sur l’autorité de Dieu. Pour cela, en commentant le passage de saint Luc 22, 19 : Ceci est mon corps livré pour vous, Cyril dit : Ne mets pas en doute la véracité de cela, mais plutôt accepte avec foi les paroles du Sauveur : parce que étant lui-même la vérité, il ne ment pas ».

« L’Eglise s’est basée sur cette parole du Christ pour expliquer l’Eucharistie ; celle-ci est le roc de notre foi dans la présence réelle » affirme le prédicateur du pape.

« Saint Ambroise est, parmi les Pères latins, celui qui a écrit les choses les plus pénétrantes sur la nature de cette parole du Christ, poursuit le père Cantalamessa : ‘Quand on arrive au moment de célébrer le vénérable sacrement, le prêtre n’a plus recours à ses propres paroles, mais à celles du Christ. C’est donc la parole qui célèbre (conficit) le sacrement… Le Seigneur ordonna et les cieux furent créés…, il ordonna et tout commença à exister. Tu vois combien est efficace (operatorius) la parole du Christ ? Avant la consécration, le corps du Christ n’existait pas, mais après la consécration, je te dis que désormais le corps du Christ est là. Il a dit et il a été fait, il a ordonné et il a été créé (cf. 33, 9)’ ».

« Si il y a quelque chose à ajouter aux explications de saint Ambroise et aux paroles de notre hymne, déclare le prédicateur capucin, c’est que cette ‘force d’action’, exercée par la Parole du Christ est due à l’Esprit Saint ».

Le père Cantalamessa poursuit sa méditation par une explication de la « transsubstantiation ».

« Sans en utiliser le terme, dit-il, cette strophe de l’hymne contient la doctrine de la transsubstantiation, c’est-à-dire comme la définit le Concile de Trente, de ‘la conversion admirable et singulière de toute la substance du pain en corps et de toute la substance du vin en sang de notre Seigneur Jésus Christ’ ».

« Peut-on rendre ce terme philosophique compréhensible en dehors du cercle exigu des spécialistes ? s’interroge le père Cantalamessa.

« J’ai essayé un jour lors d’une transmission télévisée sur l’Evangile, en donnant un exemple que je l’espère ne semblera pas irrespectueux », raconte-t-il.

« Lorsqu’on voit une femme sortir de chez le coiffeur avec une toute nouvelle coiffure, on s’exclame spontanément : ‘Quelle transformation !’ Personne n’imaginerait s’exclamer : ‘Quelle transsubstantiation !’ A juste titre ; la forme et l’aspect extérieur ont en effet changé, mais pas l’être profond et la personnalité. Si elle était intelligente auparavant, elle l’est encore ; si elle ne l’était pas avant, elle ne l’est pas maintenant non plus. Les apparences ont changé, pas la substance », explique le prédicateur.

« Dans l’Eucharistie, c’est tout le contraire qui se produit : la substance change, mais pas les apparences. Le pain est transsubstantié, mais pas (au moins dans ce sens) transformé ; les apparences (forme, goût, couleur, poids) restent en effet celles d’avant, mais la réalité profonde a changé. Il est devenu corps du Christ. La promesse de Jésus que nous avons entendue au début s’est réalisée : ‘Le pain que je donnerai est ma chair pour la vie du monde’ », poursuit-il.

« La foi est nécessaire pour que la présence de Jésus dans l’Eucharistie soit, non seulement ‘réelle’, mais également ‘personnelle’, c’est-à-dire de personne à personne, ajoute le père Cantalamessa. Sans la foi, le Christ est dans l’Eucharistie, mais il n’est pas là pour moi. La présence suppose quelqu’un qui soit présent et quelqu’un à qui il est présent ; cela suppose une communication réciproque, un échange entre deux sujets libres, conscients l’un de l’autre ».

« Le danger le plus grave que court l’Eucharistie est l’accoutumance », poursuit le père Cantalamessa, l’accoutumance qui conduit à banaliser l’Eucharistie.

Pour éviter ce danger, le prédicateur de la Maison pontificale recommande de réécouter le cri de Jean-Baptiste : « ‘Parmi vous, il y a quelqu’un que vous ne connaissez pas !’ (Jn 1, 26) Nous sommes horrifiés à juste titre lorsque nous apprenons que des tabernacles ont été profanés, des ciboires volés à des fins abominables. De ceux-là Jésus répète peut-être ce qu’il a dit de ses bourreaux : ‘Ils ne savent pas ce qu’ils font’, mais ce qui l’attriste le plus c’est peut-être la froideur des siens. A ceux-là – c’est-à-dire à nous – il répète les paroles du psaume : Si encore un ennemi m’insultait, je pourrais le supporter ; (…) Mais toi, un homme de mon rang, mon ami, mon intime’ (ps 54, 13-14) ».

Le père Cantalamessa poursuit par une anecdote.

« Le Seigneur s’est servi d’une femme non croyante pour me faire comprendre ce que devrait ressentir quelqu’un qui prend l’Eucharistie au sérieux, raconte-t-il. Je lui avais donné à lire un livre sur ce thème, la voyant intéressée à la question religieuse, bien qu’étant athée. Au bout d’une semaine elle me le rend me disant : ‘Ce n’est pas un livre que vous m’avez mis entre les mains, c’est une bombe… Mais vous vous rendez compte de l’énormité de la chose ? Si on s’en tenait à ce qui est écrit là-dedans il suffirait d’ouvrir les yeux pour découvrir qu’il existe tout un autre monde autour de nous ; que le sang d’un homme mort il y a deux mille ans nous sauve tous. Savez-vous qu’en le lisant j’avais les jambes qui tremblaient et que je devais de temps en temps m’arrêter de lire et me lever ? Si cela est vrai, ça change tout ».

« Heureux de voir que le grain n’avait pas été jeté en vain, commente le père Cantalamessa, j’éprouvai en même temps à l’entendre, un profond sentiment d’humiliation et de honte. J’avais reçu la communion
quelques minutes auparavant, mais mes jambes ne tremblaient pas. Il n’avait pas tous les torts cet homme athée qui déclara un jour à un ami croyant : ‘Si j’arrivais à croire que dans cette hostie il y a véritablement le Fils de Dieu, comme vous le dites, je pense que je tomberais à genoux et que je ne me relèverais jamais plus’ ».

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ZENIT Staff

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