CITE DU VATICAN, Jeudi 9 décembre 2004 (ZENIT.org) – « L’intégration interculturelle », c’est le titre du Message de Jean-Paul II pour la Journée mondiale du Migrant et du Réfugié 2005, dont voici le texte intégral, dans la traduction publiée aujourd’hui par la salle de presse du Saint-Siège dans son bulletin quotidien (www.vatican.va).
Très chers frères et sœurs!
1. La Journée du Migrant et du Réfugié approche. Dans le Message annuel que j’ai l’habitude de vous envoyer pour la circonstance, je voudrais cette fois-ci traiter du phénomène migratoire du point de vue de l’intégration.
Il s’agit d’un mot qui est utilisé par un grand nombre de personnes pour indiquer la nécessité que les migrants s’insèrent véritablement dans les pays d’accueil, mais le contenu de ce concept et sa pratique ne sont pas faciles à cerner. C’est pourquoi je voudrai, pour en définir le concept en général, me référer à la récente Instruction «Erga migrantes caritas Christi» (cf. nn. 2, 42, 43, 62, 80 et 89).
Dans celle-ci l’intégration n’est pas présentée comme une assimilation, qui conduit à supprimer ou à oublier sa propre identité culturelle. Le contact avec l’autre amène plutôt à en découvrir le «secret», à s’ouvrir à lui pour en accueillir les aspects valables et contribuer ainsi à une plus grande connaissance de chacun. Il s’agit d’un processus de longue haleine qui vise à former des sociétés et des cultures, en les rendant toujours davantage un reflet des dons multiformes de Dieu aux hommes. Dans ce processus, le migrant est engagé à accomplir les pas nécessaires pour son insertion sociale, tels que l’apprentissage de la langue nationale et son adaptation aux lois et aux exigences du travail, de façon à éviter que ne se crée une différenciation exagérée.
Je ne rentrerai pas dans les divers aspects de l’intégration. Je désire seulement approfondir avec vous, en cette circonstance, certaines implications de l’aspect interculturel.
2. A personne n’échappe le conflit d’identité qui se noue souvent lors de la rencontre entre personnes de cultures différentes. Les éléments positifs ne manquent pas dans ce processus. En s’insérant dans un nouveau milieu, l’immigré devient souvent plus conscient de ce qu’il est, en particulier lorsqu’il ressent le manque des personnes et des valeurs qui sont importantes pour lui.
Dans nos sociétés touchées par le phénomène global de la migration, il est nécessaire de chercher un juste équilibre entre le respect de sa propre identité et la reconnaissance de celle d’autrui. Il est en effet nécessaire de reconnaître la légitime pluralité des cultures présentes dans un pays, d’une façon compatible avec la protection de l’ordre dont dépendent la paix sociale et la liberté des citoyens.
On doit en effet exclure aussi bien les modèles fondés sur l’assimilation, qui tendent à faire de celui qui est différent une copie de soi-même, que les modèles de marginalisation des immigrés, comportant des attitudes qui peuvent aller jusqu’aux choix de l’apartheid. La voie à parcourir est celle de l’intégration authentique (cf. Ecclesia in Europa, n. 102), dans une perspective ouverte, qui refuse de considérer uniquement les différences entre les immigrés et les populations locales (cf. Message pour la Journée mondiale de la Paix 2001, n. 12).
3. Ainsi se fait jour la nécessité d’un dialogue entre les hommes de cultures différentes, dans un contexte de pluralisme allant au-delà de la simple tolérance pour parvenir à la sympathie. Une simple juxtaposition des groupes de migrants et d’autochtones tend à la fermeture réciproque des cultures, ou bien à l’instauration entre celles-ci de simples relations d’apparence ou de tolérance. On devrait, en revanche, promouvoir une fécondation réciproque des cultures. Cela suppose la connaissance et l’ouverture des cultures entre elles, dans un contexte de compréhension et de bienveillance authentiques.
Les chrétiens, quant à eux, conscients de l’action transcendante de l’Esprit, savent en outre reconnaître la présence dans les diverses cultures de «précieux éléments religieux et humains» (cf. Gaudium et spes, n. 92), qui peuvent offrir de solides perspectives d’entente réciproque. Il faut bien sûr conjuguer le principe du respect des différences culturelles avec celui de la sauvegarde des valeurs communes inaliénables, qui sont fondées sur les droits humains universels. C’est de là que naît ce climat de «justesse civique» qui permet une coexistence amicale et sereine.
S’ils sont cohérents avec eux-mêmes, les chrétiens ne peuvent ensuite renoncer à prêcher l’Evangile du Christ à tous les hommes (cf. Mc 16, 15). Ils doivent bien sûr le faire dans le respect de la conscience d’autrui, en pratiquant toujours la méthode de la charité, comme saint Paul le recommandait déjà aux premiers chrétiens (cf. Ep 4, 15).
4. L’image du prophète Isaïe, que j’ai plusieurs fois évoquée lors de mes rencontres avec les jeunes du monde entier (cf. Is 21, 11-12), pourrait également être utilisée ici pour inviter tous les croyants à être des «sentinelles du matin». En tant que sentinelles, les chrétiens doivent tout d’abord écouter l’appel à l’aide provenant de nombreux migrants et réfugiés, mais ils doivent ensuite promouvoir, à travers un engagement actif, des perspectives d’espérance, qui préludent à l’aube d’une société plus ouverte et solidaire. C’est à eux qu’il revient en premier de percevoir la présence de Dieu dans l’histoire, même lorsque tout semble encore plongé dans les ténèbres.
Avec ces vœux, que je transforme en prière à ce Dieu qui entend rassembler autour de lui toutes les nations et toutes les langues (cf. Is 66, 18), j’envoie à chacun de vous avec une vive affection ma Bénédiction.
Du Vatican, le 24 novembre 2004
IOANNES PAULUS PP. II