CITE DU VATICAN, Dimanche 18 janvier 2004 (ZENIT.org) – "Nous devons trouver en nous le courage de la paix" : c’est l’appel lancé par Jean-Paul II lors du concert de la "Réconciliation" entre Juifs, Chrétiens et Musulmans, qui a eu lieu au Vatican, en la salle Paul VI, devant des milliers de personnes, dont des représentants de ces trois religions, samedi 17 janvier, Journée du judaïsme dans l’Eglise catholique d’Italie, et veille de la grande semaine de prière pour l’Unité des chrétiens.

Le programme portait le titre de "Concert de la réconciliation" en italien, en anglais, en hébreu et en arabe. Le concert a été introduit par le cardinal Walter Kasper, président du conseil pontifical pour la Promotion de l’Unité des chrétiens et de la commission pontificale pour les relations avec le Judaïsme, qui expliquait le sens des musiques au programme : un "message d’espérance, et de réconciliation entre les peuples de notre commun patriarche Abraham" (cf. ci-dessous in "documents" pour le texte intégral de cette allocution).

"Oui ! Nous devons trouver en nous le courage de la paix. Nous devons implorer du Très-haut le don de la paix. Et cette paix se répandra comme l’huile qui apaise, si nous parcourons inlassablement la voie de la réconciliation. Alors, le désert deviendra comme un jardin où règnera la justice, et l’effet de la justice sera la paix", déclarait Jean-Paul II (cf. ci-dessous également in "documents" pour le texte intégral du discours).

Au programme, en effet, le motet contemporain inspiré par la figure d’"Abraham" du compositeur américain, présent à cette première mondiale de son œuvre, John Harbison, et trois mouvements de la symphonie de Gustav Mahler (1860-1911) n°2, "Résurrection".

"Le choix des morceaux de ce soir a voulu attirer notre attention sur deux points importants, qu’ont en commun, d’une certaine façon, le Judaïsme, l’Islam et le Christianisme même si les textes sacrés respectifs les traitent de façon différente, expliquait le pape. Les deux points sont : la vénération pour le patriarche Abraham, et la résurrection des morts. Nous en avons écouté un commentaire magistral dans le motet sacré "Abraham" de John Harbison, et dans la symphonie numéro 2 de Gustav Mahler, inspirée par le poème dramatique "Dziady" de l’illustre dramaturge polonais Adam Mickiewicz".

L’orchestre de Pittsburgh et les chœurs d’Ankara, Cracovie, Londres et Pittsburgh étaient sous la direction de sir Gilbert Levine, premier américain à diriger un orchestre en Europe de l’Est, à Cracovie, et déjà choisi pour le concert marquant au Vatican le dixième anniversaire du pontificat, en 1988. On l’a retrouvé à Denver pour la JMJ de 1993, et à Rome dans le cadre du Jubilé de l’an 2000, si bien qu’une télévision des Etats Unis lui a consacré une émission en tant que "maestro du pape". En 1994, il a en effet reçu la plus haute décoration pontificale de "commandeur de l’Ordre équestre de saint Grégoire le Grand", qui n’était pas attribuée depuis 200 ans à une personnalité non ecclésiastique.

"Ce soir, nous sommes réunis ici pour donner une expression concrète à cet engagement à la réconciliation, en nous en remettant au message universel de la musique, insistait Jean-Paul II. On nous a rappelé l’avertissement : "Je suis le Dieu tout-puissant : marche en ma présence et sois parfait" (Genèse 17, 1). Chaque être humain sent résonner ces paroles en lui : il sait qu’il devra un jour rendre compte à ce Dieu qui, d’en haut, observe son chemin sur la terre".

Pour sa part, le pape Jean-Paul II était entouré du cardinal Kasper et du président du conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux, Mgr Michael Fitzgerald, du rabbin Elio Toaff, ancien grand rabbin de Rome, qui l’a accueilli il y a bientôt 18 ans, à la grande synagogue de Rome, et de l’imam Abdullawahab Hussein Gomaa, de la mosquée de Rome.

"Le souhait que nous exprimons tous ensemble est que les hommes soient purifiés de la haine et du mal qui menacent continuellement la paix, et qu’ils sachent se rendre mutuellement des mains sans violence, mais promptes à offrir de l’aide et du réconfort à qui se trouve dans le besoin", affirmait le pape.

Parmi les personnalités chrétiennes présentes, S. Em. Gennadios, archevêque métropolite des Grecs en Italie, représentant du patriarche de Constantinople, mais aussi des représentants des communautés russe orthodoxe, roumaine, copte, éthiopienne orthodoxe, érythréenne, des Eglises évangéliques d’Italie, du centre anglican de Rome, de l’Eglise luthérienne, des Méthodistes, et une délégation oecuménique de Finlande.

"Le Juif honore le Tout-puissant en tant que protecteur de la personne humaine et le Dieu des promesses de vie. Le Chrétien sait que l’amour est le motif pour lequel Dieu entre en relation avec l’homme et que l’amour est la réponse qu’Il attend de l’homme". Pour le Musulman, Dieu est bon et sait combler le croyant de ses miséricordes", expliquait le pape dans un silence impressionnant après les puissants accords de la musique de Mahler.

"Nourris de ces convictions, Juifs, Chrétiens et Musulmans ne peuvent pas accepter que la terre soit affligée par la haine, que l’humanité se trouve entraînée dans des guerres sans fin", concluait le pape.

Parmi les personnalités juives présentes, les Français reconnaissaient le rabbin Michel Serfaty, grand rabbin de l’Essone, accompagné de sa femme et de leur fils, représentant le consistoire israélite de Paris, chargé des relations avec les autres religions. Un rabbin connu pas seulement par la grave agression dont il a été victime mais aussi pour sa conviction que le rapprochement entre juifs et chrétiens est "une dynamique irréversible". A côté des représentants de la communauté juive romaine et italienne, on retrouvait entre autres le grand rabbin ashkénaze d’Israël reçu vendredi dernier par Jean-Paul II, Yona Metzger et le rabbin David Rosen, de l’Amerian Jewish committee.

Parmi les personnalités musulmanes se trouvaient le Dr Mohamed Ahmed Sharif, du World islamic Call Society, le prof. Hamid Al Rifaie, président du Forum international islamique pour le Dialogue du royaume d’Arabie, l’ambassadeur de la Ligue musulmane mondiale, l’ambassadeur Mario Scialoja et d’autres personnalités des communautés italiennes.

"L’histoire des rapports entre Juifs, Chrétiens et Musulmans est marquée par des lumières et des ombres et, hélas, a connu des moments douloureux. Aujourd’hui, on ressent le besoin pressant d’une sincère réconciliation entre croyants dans le Dieu unique", affirmait Jean-Paul II, longuement applaudi.

Le cardinal Kasper avait rendu hommage à l’action de Jean-Paul II au nom de tous en disant : "Au nom de toutes les personnes présentes, je salue … le Saint-Père, le pape Jean-Paul II, qui, au cours de ses vingt-cinq ans de pontificat a tellement fait pour la réconciliation des enfants d’Abraham. Je ne rappelle que certaines des "stations" de ce long chemin : sa visite à la synagogue de Rome, et la prière devant le Mur des Lamentations à Jérusalem : la visite à l’université Al Azhar du Caire et à la mosquée des Ommeyyades à Damas. Merci, sainteté, pour votre exemple courageux face au mépris, à la haine, et à la violence ; merci pour ce message qui exhorte au respect entre tous les hommes et toutes les religions ; merci pour votre contribution à la paix dans le monde".