L’œcumenisme et le dialogue interreligeux sous le Pontificat de Jean Paul II

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Par le patriarche libanais Sfeir

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CITE DU VATICAN, vendredi 17 octobre 2003 (ZENIT.org) – Voici la conférence du cardinal Nasrallah Pierre Sfeir, patriarche maronite, lors du congrès des cardinaux qui se tient au Vatican depuis le 15 octobre à l’occasion des XXV ans de pontificat de Jean-Paul II. Il est diffusé par la salle de presse du Saint-Siège. Il y évoque la question du ministère pétrinien.

L’œcumenisme et le dialogue inter-religeux sous le Pontificat de Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II

Très Saint Père,
Vénérables Frères,
Mes chers amis,
Lorsque Notre vénérable Doyen, son Eminence le Cardinal joseph Ratzinger, Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, m’a écrit, pour me demander de faire cet exposé sur l’œcuménisme et le dialogue inter-religieux sous le Pontificat de Sa Sainteté le Pape Jean Paul II, je ne doutais pas qu’il me faisait un grand honneur. Je ne doutais non plus que tout honneur est une lourde charge, comme le dit si bien l’adage latin : Honor onus. C’est pourquoi, en m’acquittant du devoir de présenter mes plus cordiales félicitations à notre Saint Père le Pape Jean Paul II, à l’occasion du Jubilé d’argent de son glorieux Pontificat ,qualifié d’inclassable, et en rendant grâce à Dieu d’avoir donné à son Eglise un si méritant Père commun des fidèles, je veux espérer que ce vénérable aréopage ne manquera pas de me témoigner son indulgence.

Je prendrai pour guide dans mon exposé, certes, les Encycliques de Sa Sainteté, ses sermons, ses déclarations et ses rencontres avec les représentants des différentes religions dans ses visites pastorales dans le monde qui ont dépassé déjà le nombre de cent.

Première Partie
Jean Paul II et l’Oecuménisme I. L’unité est le vœu du Christ
L’unité des chrétiens est le vœu le plus cher du Christ. Il l’a exprimé dans son dernier testament, alors qu’il marchait vers son dernier destin tragique : la croix. Il dit dans sa prière sacerdotale:  » Que tous soient un. Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient un en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé ».1

L’unité des chrétiens est donc une condition pour que le monde croie. C’est le Seigneur lui- même qui l’a dit. C’est pour quoi, les divisions des chrétiens sont un scandale grave, une pierre d’achoppement pour les non chrétiens. Le Concile Vatican II l’a bien souligné tout au début du décret sur l’œcuménisme quand il a dit: « Il est certain qu’une telle division s’oppose ouvertement à la volonté du Christ. Elle est pour le monde un objet de scandale et elle fait obstacle à la plus sainte des causes : la prédication de l’Evangile à toute créature »2 Jean Paul II. L’a profondément ressenti dans son cœur de Père des fidèles, dès son accès au trône de Pierre.

Et c’est ce qui l’a poussé à œuvrer inlassablement en faveur de cette unité tant souhaitée par le Christ.  » Croire au Christ, dit-il, signifie vouloir l’unité ; vouloir l’unité signifie vouloir l’Eglise ; vouloir l’Eglise signifie vouloir la communion de grâce qui correspond au dessein du Père de toute éternité. Tel est le sens de la prière du Christ : Ut unum sint 3

Bien plus, le Mouvement œcuménique ne peut se situer que dans le cadre de la mission de l’Eglise qui consiste à porter l’Evangile au monde. Unité et mission sont indissociables. Les dernières paroles du Seigneur, avant de quitter la terre pour aller rejoindre son Père n’ont-elles pas été :  » Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit? » Après tout, nous avons  » un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême ; un seul Dieu et Père de tous « 4 C’est une profonde blessure et par suite une grande souffrance qu’on ne puisse pas partager la même Eucharistie.

D’après Jean Paul II,  » toute la vie des chrétiens est ainsi marquée par la préoccupation œcuménique et ils sont appelés à se laisser comme former par elle »5.Et il ajoute :  » Il en résulte indubitablement que l’œcuménisme, le mouvement pour l’unité des chrétiens n’est pas qu’un  » appendice  » quelconque qui s’ajoute à l’activité traditionnelle de l’Eglise. Au contraire, il est partie intégrante de sa vie et de son action, et il doit par conséquent pénétrer tout cet ensemble et être comme le fruit d’un arbre qui, sain et luxuriant, grandit jusqu’à ce qu’il atteigne son plein développement ».6Même le Droit Canonique tant occidental qu’oriental fait une obligation aux chrétiens de contribuer à la promotion de cette unité. Le code Oriental dit : « Les Eglises Orientales catholiques ont la charge spéciale de favoriser l’unité entre toutes les Eglises orientales, par la prière en premier lieu, par l’exemple de la vie, par une fidélité religieuse à l’égard des anciennes traditions des Eglises Orientales, par la collaboration et l’estime fraternelle des choses et des esprits. » (CCEO cn. 903).

II – Moyens d’action pour promouvoir l’Oecuménisme

1. Conseil Pontifical pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens
Dès son élection, le Pape Jean Paul II a encouragé le Secrétariat pour l’Unité créé après Vatican II qui est devenu sous son Pontificat en 1988 Conseil Pontifical pour la promotion de l’Unité chrétienne. Ce Conseil a joué, et continue de le faire, un grand rôle en faveur de l’unité des chrétiens. Il aide d’une part à l’application de l’enseignement sur l’Oecuménisme de Vatican II dans l’Eglise Catholique et à la diffusion de l’esprit œcuménique; d’autre part, il est au service des conférences épiscopales et des évêques pour tout ce qui concerne le domaine de l’Unité. Le Secrétariat pour l’Unité avait publié dès 1967 le Directoire œcuménique en vue d’indiquer les moyens pratiques pour l’application de cette unité. En 1993, il avait publié le Directoire pour l’application des Principes et des normes sur l’œcuménisme qui est une révision du premier Directoire. Le Conseil publie, en outre, une revue : Service d’Information qui paraît, trois fois l’an et qui est une mine d’information sur tout ce qui regarde l’œcuménisme. Elle publie régulièrement les discours du Saint Père ayant trait à l’Oecuménisme et les déclarations des chefs des communautés ecclésiales non catholiques.7

Le Conseil Pontifical entretient d’étroites relations avec bon nombre d’Eglises non catholiques, particulièrement avec le Conseil mondial des Eglises et les autres organisations internationales qui s’occupent de la question de l’Unité des chrétiens. Le conseil a procédé à un dialogue international assez fructueux avec presque toutes les Eglises non catholiques et les communautés ecclésiales, dialogue qui a abouti à certains accords bilatéraux.

On peut classer, comme l’a fait un numéro spécial du Service d’information, les partenaires de l’Eglise Catholique dans le dialogue œcuménique, en cinq catégories. Elles sont premièrement les Patriarcats d’Alexandrie, d’Antioche, de Moscou, de Roumanie, de Géorgie et l’Eglise autocéphale de Grèce. Secondement, ce sont les Eglises Orthodoxes Orientales : à savoir l’Eglise copte patriarcale, l’Eglise éthiopienne, syrienne, malankare, arménienne appelée catholicossat d’Etchmiadzine, le Catholicossat de Cilicie basée au Liban et l’Eglise assyrienne de l’Orient. Viennent en troisième lieu les Eglises et communautés ecclésiales d’origine occidentale. Ce sont la communion anglicane, la Fédération luthérienne mondiale, l’Alliance réformée mondiale, le Conseil méthodiste mondial, l’Alliance baptiste mondiale, l’Eglise chrétienne ( Disciples du Christ), les Pentecôtistes et les  » Evangelicals « . Il y a quatrièmement les Organisations internationales intercon
fessionnelles, et cinquièmement le Judaïsme. On peut dire que le dialogue avec ces Eglises ou communautés ecclésiales est déjà assez avancé. Pour l’Eglise, il a pour but la réalisation de l’unité visible de l’Eglise, et la pleine communion dans la foi apostolique et la vie des sacrements. Certains partenaires de l’Eglise Catholique, comme les Orthodoxes, les Anglicans, les Méthodistes, la Fédération luthérienne, pensent de même.8

2. La prière est une priorité
L’Eglise Catholique entretient, à travers le Conseil Pontifical pour l’Unité, des relations avec le Conseil mondial des Eglises dont elle n’est pas membre. Elle a eu des réunions annuelles, et toutes les fois que le besoin s’en fait sentir, avec ce Conseil. Ils préparent ensemble depuis les années soixante, les textes de la semaine de la prière pour l’Unité des chrétiens qui a lieu entre le 18 et le 25 Janvier de chaque année. Il y a entre eux aussi un échange de personnels dans différents domaines¸ comme il y a une coopération assez poussée dans le domaine œcuménique.

Sans doute, la semaine de prière pour l’unité des chrétiens a sensibilisé ceux-ci sur la gravité de leurs divisions. Elle les a convaincus que, seule la prière, peut faire tomber les préjugés, changer les cœurs, assouplir les attitudes et opérer la réconciliation sans la quelle on ne peut pas se réclamer du Christ. Celui-ci n’a-t-il pas dit :  » Quand donc tu présentes ton offrande à l’autel, si là tu te souviens d’un grief que ton frère a contre toi, laisse là ton offrande, devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère ; puis reviens, et alors présente ton offrande « . Jean Paul II a mis en pratique publiquement ce conseil donné par le Christ, près de cent fois concernant des questions allant de l’Inquisition jusqu’au mauvais traitement des femmes, d’après Luigi Accattoli, l’auteur du livre :  » Quand un pape demande pardon « . Et jamais chose faite auparavant, Il a admis la culpabilité de l’Eglise, malgré certaines objections et réticences manifestées par les uns et les autres dans quelques sphères catholiques.9

3. Oecuménisme et conversion
Citant le décret du Vatican II, Unitatis redintegratio, Jean Paul II dit dans sa lettre Encyclique Ut Unum sint :  » Cette conversion du cœur et cette sainteté de vie, en même temps que les prières privées et publiques pour l’unité des chrétiens sont à regarder comme l’âme de tout mouvement œcuménique et peuvent être à bon droit appelées œcuménisme spirituel « . Et d’ajouter :  » L’amour est artisan de communion entre les personnes et entre les communautés. Si nous nous aimons, nous tendons à approfondir notre communion, à la mener vers sa perfection 10 C’est qu’il n’y a pas d’œcuménisme au sens authentique du terme sans conversion intérieure 11
4. Le dialogue oecuménique
Après la prière vient le dialogue sous ses différentes formes. Le dialogue œcuménique  » qui est un passage obligé sur le chemin à parcourir vers l’accomplissement de l’homme par lui-même, de l’individu de même que de toute communauté humaine…ce dialogue ne se limite pas à un échange d’idées. En quelque manière, Il est toujours un  » échange de dons « . Mais,  » Quand on commence à dialoguer, chacune des parties doit présupposer une volonté de réconciliation chez son interlocuteur, une volonté d’unité dans la vérité.12

En outre, le dialogue œcuménique a le caractère d’une recherche commune de la vérité, en particulier en ce qui concerne l’Eglise …d’une part, la prière est la condition du dialogue, d’autre part, elle en devient le fruit…  » Ce dialogue remplit en même temps le rôle d’un examen de conscience.13

Bien plus, ce dialogue se transforme en dialogue de la conversion, ou  » dialogue du salut « .  » Il ouvre pour les frères vivant dans des communautés qui ne sont pas en pleine communion entre elles l’espace intérieur où le Christ, source de l’Unité de l’Eglise peut agir efficacement avec toute la puissance de son Esprit Paraclet « . 14 Le dialogue est aussi un instrument naturel pour confronter les différents points de vue et surtout pour examiner les divergences qui font obstacle à la pleine communion des chrétiens entre eux. Il exige :  » amour de la vérité, charité, et humilité, en menant ensemble avec les frères séparés, leurs recherches sur les divins mystères »15. Puis vient la collaboration entre tous les chrétiens qui  » exprime de façon vivante l’union qui existe déjà entre eux et fait paraître le visage du Christ Serviteur dans une lumière plus pleine …comme le dit le décret Unitatis redintegratio de Vatican II. Par cette collaboration, tous ceux qui croient au Christ peuvent facilement apprendre comment on peut mieux se connaître les uns les autres, s’estimer davantage et préparer la voie à l’unité des chrétiens « .16

5. La Formation Oecuménique
Le Directoire Œcuménique insiste sur la formation à l’œcuménisme en en soulignant la nécessité et la finalité, en en indiquant l’adaptation aux situations concrètes des personnes, les moyens, et les milieux propices. Il insiste sur la formation de ceux qui travaillent dans le ministère pastoral, particulièrement sur les ministres ordonnés .Il montre l’importance de la formation spécialisée au dialogue, le rôle des Universités catholiques, des Instituts œcuméniques spécialisés et la nécessité de la formation permanente. Il dit notamment  » qu’il convient de profiter des diverses formes de rencontres spirituelles pour approfondir les éléments de spiritualité communs et particuliers « .17

6. Le Saint Père, Pèlerin de l’Oecuménisme
Pour Jean Paul II, l’œcuménisme est un engagement définitif pris par l’Eglise catholique. Il a assuré tous les représentants de l’Eglise et des communautés ecclésiales de  » sa ferme résolution d’aller en avant sur le chemin de l’Unité… et de ne pas s’arrêter avant d’être arrivé au but… qui est cette unité que le Christ souhaite pour l’Eglise « . « Cet engagement de l’Eglise catholique au mouvement œcuménique solennellement proclamé au concile Vatican II, est irréversible « . Bien plus, l’œcuménisme est pour Lui au cœur de l’Eglise : « C’est une priorité pastorale que l’Eglise ne peut pas abandonner ».18

Etablir des contacts personnels avec différents chefs d’Eglises ou de communautés, a toujours figuré au programme des visites pastorales de Jean Paul II. Il a entrepris d’assez longs voyages qui l’ont mené dans presque tous les Pays du Monde. Il s’est félicité de rencontrer tel ou tel chef religieux, comme il l’a laissé voir à travers quelques unes de ses lettres encycliques. Il n’a pas manqué d’évoquer l’une ou l’autre de ces rencontres dans sa lettre encyclique Ut unum sint parue en 1995 .Il y dit :  » En ce qui concerne l’Eglise de Rome et le Patriarcat œcuménique de Constantinople, le processus auquel nous venons de faire référence a été engagé grâce à l’ouverture réciproque dont ont fait preuve les Papes Jean XXIII et Paul VI, d’une part, et le Patriarche oecuménique Athénagoras Ier et ses successeurs, d’autre part. Le changement historique intervenu est manifesté par l’acte ecclésiastique grâce auquel  » on a ôté de la mémoire et du milieu des Eglises  » le souvenir des excommunions qui, il y a neuf cents ans, en 1054, étaient devenues le symbole du schisme entre Rome et Constantinople ».19 Il évoque de même la rencontre qui a eu lieu entre Paul VI et le Patriarche Athénagoras Ier à Jérusalem, rencontre à laquelle J’ai eu, jeune nouvel évêque, accompagnant le Cardinal Patriarche Méouchi, mon avant premier prédécesseur, le privilège d’assister en 1964. Puis, ce fut l’échange des visites, deux ans après, entre Paul VI et le Patriarche Athénagoras. Encore, deux ans après son accès au trône de Pierre, Jean Paul I
I rencontra le successeur du Patriarche Athénagoras, Dimitrios 1er au Phanar. Et le dialogue continua entre l’Eglise Catholique et toutes les Eglises orthodoxes en communion canonique avec le siège de Constantinople. Les deux Eglises ont pris l’habitude de se faire représenter mutuellement lors des fêtes des saints Apôtres Pierre et Paul à Rome, et de saint André au Phanar.20 Jean Paul II mentionne, à ce sujet, deux évènements ayant leur signification relativement à l’œcuménisme : le jubilé de 1984 pour célébrer le 11ème centenaire de l’œuvre d’évangélisation de Cyrille et Méthode, co-patrons de l’Europe, et la proclamation de St. Benoît patron également de l’Europe. Ainsi le dialogue entre les deux Eglises : celle d’Occident et celle d’Orient continue toujours.21

L’œcuménisme est intégré dans le ministère quotidien de Jean Paul II. Il le mentionne dans ses déclarations, dans ses audiences générales du mercredi, en récitant l’Angelus du dimanche, lors des visites des Evêques ad limina, aussi bien qu’en recevant des hôtes d’autres Eglises et de Communautés Ecclésiales en audience privée, et les lettres de créance des nouveaux ambassadeurs auprès du Saint – Siège. Au cours d’une concélébration eucharistique solennelle en présence du Patriarche Théoctiste le 9 mai 1999 en Roumanie, il termine son homélie en adjurant les fidèles par ces termes :  » Mon souhait le plus vif est que la prière de Jésus au Cénacle :  » Père que tous soient un ( Jn 17 : 21) demeure toujours sur vos lèvres et ne cesse jamais de battre dans vos cœurs « .22

III- Réalisations en matière d’oecuménisme

Dans sa lettre encyclique Ut unum sint, Jean Paul II a consacré le second chapitre aux fruits du dialogue. Je me contente d’en citer les têtes de paragraphes qui sont, par elles-mêmes, suggestives. Les voici : la fraternité retrouvée, la solidarité dans le service de l’humanité, les convergences en ce qui concerne la Parole de Dieu et le culte divin, apprécier les biens présents chez les autres chrétiens, progression de la communion, le dialogue avec les Eglises d’Orient, la reprise des contacts, Eglises sœurs, le progrès du dialogue, relations avec les Eglises anciennes d’Orient, dialogue avec les Eglises et Communautés ecclésiales d’Occident, relations ecclésiales, collaborations réalisées .Ce chapitre s’étend sur une quarantaine de pages. Au cours du développement de ce thème, le Saint Père s’écrie : » Parfois, la possibilité de pouvoir enfin sceller cette communion « réelle bien que pas encore plénière » semble assez proche. Qui aurait pu seulement l’envisager il y a un siècle?23

1. Avec les Eglises orthodoxes
Ce même document Ut unum sint relate, à propos des Eglises Orthodoxes, et de l’Eglise Catholique, qu’on peut déjà parler de découverte graduelle par rapport les unes aux autres, comme étant des Eglises sœurs. Ce terme soeurs a un profond sens théologique. Il indique une reconnaissance de l’autre comme ayant, dans la succession apostolique, la même structure sacramentelle relative à l’Eucharistie, au sacerdoce, et à l’Episcopat.24

Ensuite les relations fraternelles ont été rétablies entre l’Eglise catholique et les Eglises Orientales Orthodoxes qui avaient rejeté les formulations dogmatiques des conciles d’Ephèse et de Chalcédoine .Ces Eglises Orthodoxes sont : Les Eglises Copte, Syrienne, Ethiopienne, Arménienne, Malankare. Leurs chefs ont enfin déclaré  » notre foi commune en Jésus –Christ, vrai Dieu et vrai Homme ».

Ces déclarations ont eu lieu successivement sous Paul VI avec le Patriarche Jacob III, chef de l’Eglise Syrienne orthodoxe en 1971, avec le Pape Shenouda III chef de l’Eglise Copte orthodoxe en 1973. Sous le Pape Jean –Paul II, le Pape Mar Ignatius Zakka II, chef de l’Eglise syrienne Orthodoxe, a fait de même en 1984. Puis ce fut le Patriarche Abouna Paulos chef de l’Eglise Ethiopienne Orthodoxe en 1993. En cette même année, Il y a eu la déclaration de Balamand au Liban .Neuf Eglises orthodoxes autocéphales et autonomes y étaient représentées.

Du côté catholique, 24 membres de la Commission ont pris part à la réunion. Cette déclaration reconnaît particulièrement que « ce que le Christ a confié à son Eglise – profession de la foi apostolique, participation aux mêmes sacrements, surtout à l’unique sacrifice du Christ, succession apostolique des évêques – ne peut être considéré comme la propriété exclusive d’une de nos Eglises ».25L’année d’après, en 1994, ce fut le tour de Mar Dinkha IV, chef de l’Eglise Assyrienne Orthodoxe , jadis connue sous le nom d’Eglise Nestorienne.

2. Avec les Eglises issues de la Réforme
En outre, les relations avec les Eglises réformées se sont développées de façon plus ou moins satisfaisante. Citons la fédération des Eglises Luthériennes. Le dialogue qui a eu lieu durant près d’un tiers de siècle à partir du Concile Vatican II, a mené à un certain consensus sur le contenu essentiel de la doctrine de la justification par la Foi. On ne peut nier qu’il y a toujours quelques différences qui cependant ne divisent pas l’Eglise.  » Le 31 octobre 1999 l’Eglise catholique et la Fédération luthérienne mondiale signaient une déclaration commune , présentant l’accord fondamental atteint par l’une et l’autre Eglise, après de longues années de rencontres œcuméniques et de discussions théologiques concernant la doctrine de la Justification .Dans un article de janvier 2000, Son Eminence le Cardinal Walter Kasper, Président du Conseil Pontifical pour l’Unité des chrétiens, avait souligné la portée de la déclaration conjointe luthérienne-catholique, »sans cacher les divergences qui subsistent ».26

Toutefois, Jean- Paul II indique les thèmes à approfondir pour parvenir à un vrai consensus dans la foi :
1 – les relations entre la Sainte Écriture, autorité suprême en matière de foi, et la Sainte Tradition, interprétation indispensable de la Parole de Dieu.
2 – l’Eucharistie, sacrement du Corps et du Sang du Christ, offrande de louange au Père, mémorial sacrificiel et présence réelle du Christ, effusion sanctificatrice de l’Esprit Saint.
3- l’ordination, comme sacrement ; au triple ministère de l’Episcopat, du Presbytérat, et du Diaconat.
4 – Le Magistère de l’Eglise ; confié au Pape et aux Evêques en communion avec lui, compris comme responsabilité et autorité au nom du Christ pour l’enseignement et la sauvegarde de la foi
5 – La Vierge Marie, Mère de Dieu et Icône de l’Eglise, Mère spirituelle qui intercède pour les disciples du Christ et pour toute l’humanité.

3. Le problème du ministère pétrinien
Depuis 1984 devant le Conseil oecuménique des Eglises à Genève, Jean Paul II est le premier à reconnaître ce problème ; comme il le rappelle, dans sa lettre encyclique Ut uum sint, où il dit: »la conviction qu’a l’Eglise catholique d’avoir conservé, fidèle à la tradition apostolique et à la foi des Pères, le signe visible et le garant de l’unité dans le ministère de l’Evêque de Rome, représente une difficulté pour la plupart des autres chrétiens, dont la mémoire est marquée par certains souvenirs douloureux ». Et là, il n’hésite pas à demander pardon ; en disant: »Pour ce dont nous sommes responsables, je demande pardon, comme l’a fait mon prédécesseur Paul VI ».27. Il se félicite de ce que ce problème est déjà « devenu un objet d’étude,en cours ou en projet « . Il rappelle ce que dit à ce propos St Augustin qui a montré que le Christ est le « seul Pasteur,en l’unité de qui tous ne font qu’un » et il ajoute: »que tous les pasteurs soient donc en un seul pasteur,qu’ils fassent entendre une seule voix,et non pas des voix discordantes…Cette voix, débarrassée de toute division , purifiée de toute hérésie , que les brebis l’écoutent ».28 Bien plus, sentant le po
ids de sa charge, Jean Paul II, avoue qu’il s’agit d’une :  » tâche immense que nous ne pouvons refuser et que je ne puis mener à bien tout seul. La communion réelle, mais imparfaite, qui existe entre nous tous, ne pourrait-elle pas inciter les responsables ecclésiaux et leurs théologiens à instaurer avec moi sur ce sujet un dialogue fraternel et patient, dans lequel nous pourrions nous écouter au-delà des polémiques stériles, n’ayant à l’esprit que la volonté du Christ pour son Eglise, nous laissant saisir par son cri, »que tous soient un…afin que le monde croie que tu m’as envoyé ».29

Nous recevant en audience le 29 septembre 1998, et après avoir rappelé les quelques lignes que je viens de citer de sa lettre encyclique Ut unum sint, le Saint Père s’est adressé à nous, les cinq Patriarches catholiques orientaux, en ces termes: « C’est à vous qu’il revient tout d’abord de rechercher, avec nous, les formes les plus aptes pour que ce ministère (d’unité) puisse réaliser un service de charité reconnu par tous. Je vous demande d’apporter cette aide au Pape, au nom de cette responsabilité dans la recomposition de la pleine communion avec les Eglises Orthodoxes, responsabilité qui vous incombe du fait que vous êtes les Patriarches d’Eglises qui partagent avec l’Orthodoxie une si grande part du patrimoine théologique, liturgique, spirituel et canonique. »30

4. Deux épisodes significatifs
Depuis Vatican II, surtout, l’Eglise a fait un progrès énorme en matière d’Oecuménisme. Pour mesurer l’étape parcourue, et montrer combien nous sommes loin du climat qui prévalait, il y a à peine un demi siècle, du moins chez nous au Proche-Orient, vous me permettez d’évoquer un souvenir de séminaire vers la fin des années quarante. Nous étions au Séminaire Oriental qui faisait partie à l’époque de l’Université St. Joseph de Beyrouth. Nous avions pour Directeur un Père jésuite, d’origine orthodoxe. Les membres de sa famille sont restés orthodoxes.

Il perd sa mère. Les séminaristes se sont demandés s’ils pouvaient prendre part à la prière à l’église orthodoxe. Consulté,le professeur de Théologie Morale était d’avis qu’on pouvait assister à la prière ; non dans le chœur comme clercs, mais dans la nef, comme simples fidèles.

Il nous a rappelé en même temps son enseignement à propos de la communicatio in sacris qui interdisait à un organiste orthodoxe de jouer de l’orgue dans une Eglise catholique. De même, il était interdit de sonner le glas dans une église catholique pour annoncer la mort d’un fidèle orthodoxe. C’était une série d’interdictions pareilles.

Un autre épisode qui a failli tourner en bagarre. C’était autour des années cinquante. De nos jours, il aurait été considéré comme scandaleux… A l’occasion de la mort d’un notable maronite, on a convoqué, comme d’habitude, les fidèles orthodoxes du même quartier de Beyrouth. La tradition veut que les fidèles viennent, avec, à leur tête, leur curé de paroisse. Or celui-ci arrive avec ses fidèles et se dirige, à l’invitation du curé maronite, pour prendre place dans le chœur L’évêque maronite qui présidait fait dire au curé orthodoxe qu’il ne pouvait pas rester dans le chœur. Blessé dans son amour propre, celui-ci se retire de l’église et avec lui tous ses fidèles ; les uns en grommelant, les autres en proférant des injures. Heureusement cette époque est à jamais révolue. Et l’attitude des fidèles de différentes églises est beaucoup plus tolérante, partout dans le monde.

Que les temps ont changé ! Le directoire pour l’application des principes et des normes sur l’oecuménisme dit, à propos du partage de vie sacramentelle, spécialement de l’Eucharistie avec les membres des différentes Eglises orientales: « Lorsqu’une nécessité l’exige, ou qu’un véritable bien le suggère, et pourvu que soit évité tout danger d’erreur ou d’indifférentisme ,il est permis à tout catholique, à qui il est physiquement ou moralement impossible de joindre un ministre catholique, de recevoir les sacrements de pénitence, d’Eucharistie et d’onction des malades de la part d’un ministre d’une Eglise orientale. »31

Dès 1980, dans une allocution au secrétariat pour l’Unité des chrétiens, Jean Paul II déclare: « je suis convaincu qu’une réarticulation des anciennes traditions orientales et occidentales et l’échange équilibrant qui en résulte dans la pleine communion retrouvée, peuvent être d’une grande importance pour la guérison des divisions nées en occident au XVI e siècle. »32
D’ailleurs, Jean Paul II, dans Ut unum sint, le note bien quand il souligne que « la conscience de l’appartenance commune au Christ s’approfondit ».

Il ajoute. »Personnellement, j’ai pu le constater à de multiples reprises durant les célébrations œcuméniques qui sont parmi les évènements les plus importants de mes voyages apostoliques dans les différentes parties du monde, ou dans les rencontres et dans les célébrations œcuméniques qui ont eu lieu à Rome ». Un peu plus loin, il dit encore: »En un mot, les chrétiens se sont convertis à une charité fraternelle qui englobe tous les disciples du Christ ».33

Comme conclusion de cet exposé, on peut dire, avec Mgr Radano, responsable de la section occidentale du Conseil Pontifical pour la promotion de l’Unité des chrétiens, que « l’engagement de l’Eglise Catholique en faveur de l’œcuménisme est définitif et irrévocable pour cette raison que la prière du Seigneur qui demande que ses disciples « soient un » est éternelle. D’importants pas ont été faits vers l’unité. Beaucoup d’autres sont encore à faire sur chaque niveau de l’Eglise, local et universel. »34

Deuxième Partie
Jean Paul II et le dialogue interreligieux

Le dialogue interreligieux a pris de l’essor à la suite du Concile Vatican II qui lui a consacré une Déclaration intitulée « Nostra Aetate » où il est question de religions non chrétiennes. Cette déclaration dit que « depuis les temps les plus reculés jusqu’aujourd’hui, on trouve dans les différents peuples une certaine sensibilité à cette force cachée qui est présente au coeur des choses et aux évènements de la vie humaine, parfois même une reconnaissance de la Divinité suprême, ou encore du Père ».35 Elle s’arrête cependant sur : l’Hindouisme, le Bouddhisme, le judaïsme, et l’Islam. Faute de temps, je me limiterai à dire un mot de l’Islam et du Judaïsme

I. L’ISLAM
Elle dit notamment que « l’Eglise regarde aussi avec estime les musulmans, qui adorent le Dieu Un, vivant et subsistant, miséricordieux et tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes. Ils cherchent à se soumettre de toute leur âme aux décrets de Dieu, même s’ils sont cachés, comme s’est soumis à Dieu Abraham, auquel la foi islamique se réfère volontiers. Bien qu’ils ne reconnaissent pas Jésus comme Dieu, ils le vénèrent comme prophète ; ils honorent sa mère virginale, Marie, et parfois même l’invoquent avec piété. De plus ils attendent le jour du jugement où Dieu rétribuera tous les hommes ressuscités. Aussi ont-ils en estime la vie morale et rendent-ils un culte à Dieu, surtout par la prière, l’aumône et le jeûne « . Bien plus, le Concile  » exhorte tous à oublier le passé et s’efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle, ainsi qu’à promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté.36

1. Application du Concile Vatican II
Jean Paul II s’est fait un devoir d’appliquer les recommandations du Concile Vatican II. Il a élevé le Secrétariat pour les non-chrétiens, créé en 1964 par Paul VI, au rang de Conseil pour le dialogue interreligieux, en 1988. Pastor Bonus définit, à l’article 159, la compétence de ce Conseil en ces termes: »Le Conseil favorise
et règle les rapports avec les membres et les groupes des religions non-chrériennes et aussi avec ceux qui, d’une manière ou d’une autre, sont dotés d’un sens religieux ». Dans ses visites pastorales, il a toujours tenu à prendre contact avec des personnalités et des groupements musulmans. Il a même visité des Pays musulmans et prodigué son enseignement par lequel il insiste sur la convivialité pacifique islamo-chrétienne. Il a enfin toujours eu un comportement respectueux à l’égard des musulmans. De même, il n’a pas manqué de souligner la racine commune qui liait, à l’origine, judaïsme et christianisme.

2. Messages à l’occasion du Ramadan
Dès 1979, un an après avoir pris possession de son ministère du Père commun des fidèles, Jean Paul II s’est adressé aux Evêques d’Afrique, réunis en Assemblée ordinaire de printemps à Rome en ces termes: « Chrétiens et musulmans pourraient assumer ensemble dans le monde d’aujourd’hui le témoignage public de leur foi en Dieu créateur et Maître de l’histoire. La laïcisation de la vie sociale pèse finalement sur la liberté de l’homme qui doit assumer seul sa vie dans la foi ».37

Chaque année, à l’occasion du Ramadan, fête de la rupture du jeûne, le secrétariat devenu plus tard le Conseil pour le dialogue interreligieux a pris l’habitude d’adresser au monde musulman un message dans lequel il exprime sa sympathie et ses vœux.

3. Visites de Pays à prédominance musulmane
On peut situer dans ce cadre de sympathie pour l’Islam les visites effectuées par le Saint Père à des Pays musulmans tels que:

– la Turquie en 1979 où il a rappelé l’enseignement de Vatican II sur l’Islam.38

– le Maroc en 1985 où il s’est adressé aux jeunes musulmans pour leur dire entre autres :  » Je crois que nous, chrétiens et musulmans, nous devons reconnaître avec joie les valeurs religieuses que nous avons en commun et en rendre grâce à Dieu.39

– le Soudan, le Bénin et l’Ouganda en 1993 .A propos du Soudan où il a passé une journée, il dit : « Il faut parler aussi des problèmes qui intéressent nos relations avec les disciples de la grande religion qu’est l’Islam, en cherchant à y faire face avec un esprit ouvert aux solutions possibles. »40

– l’Egypte en l’an 2000, visite à la quelle j’ai eu le privilège de participer et où le Saint Père a déclaré à son arrivée au Caire : « L’avènement de l’Islam a donné des splendeurs au niveau de l’art comme du savoir, et celles-ci ont exercé une influence déterminante dans le monde arabe et en Afrique. »41

– La Syrie, en l’an 2001, où il a visité la mosquée des Omeyyades à Damas et s’est adressé aux musulmans en leur disant :  » Comme membres de la famille humaine et comme croyants, nous avons des obligations quant au bien commun, à la justice et à la solidarité. Le dialogue interreligieux conduira à des formes variées de coopération, particulièrement en répondant à notre devoir de prendre soin du pauvre et du faible. »42

4. Son enseignement
Je me permets de prendre un spécimen de cet enseignement lumineux qui prône la convivialité islamo-chrétienne dans l’Exhortation Apostolique:  » une espérance nouvelle pour le Liban « , où il dit :  » Ayant vécu côte à côte pendant de longs siècles, tantôt dans la paix et la collaboration, tantôt dans l’affrontement et les conflits, les chrétiens et les musulmans au Liban doivent trouver dans le dialogue respectueux des sensibilités des personnes et des différentes communautés la voie indispensable à la convivialité et à l’édification de la société ». Et de souligner la présence des délégués fraternels musulmans à l’Assemblée spéciale du Synode des Evêques pour le Liban, tenu à Rome en 1995, il dit : « Je remercie les délégués fraternels musulmans et druzes de leur présence à l’assemblée synodale et de leur participation active au dialogue. »43

5. Les deux Journées de prière à Assise
C’est dans le cadre du dialogue interreligieux que Jean Paul II à convoqué à une journée de prière à Assise par deux fois en 1986 et en 1999, auxquelles j’eu l’honneur de prendre part.
La première journée rassemblait environ cent trente responsables appartenant à toutes le communautés chrétiennes et à toutes les religions non chrétiennes qui ont été les hôtes du Pape à Assise pour prier et jeûner pour la paix. Cette journée a été vécue aussi à travers le monde par un grand nombre de croyants.44
La seconde journée réunissait près de deux cents participants de vingt traditions religieuses différentes. Dans son discours de clôture de cette Assemblée interreligieuse, Jean Paul II souligne que: « Toute utilisation de la religion visant à promouvoir la violence est un abus de la religion. La religion n’est pas et ne doit pas devenir un prétexte pour les conflits, en particulier lorsque l’identité religieuse, culturelle et ethnique coïncident. La religion et la paix vont de pair : faire la guerre au nom de la religion est une contradiction flagrante. »45

II. Le Judaisme
Comme pour l’Islam, Vatican II a exprimé son estime pour la religion juive. Il dit notamment que: « l’Eglise du Christ, en effet, reconnaît que les prémices de sa foi et de son élection se trouvent, selon le mystère divin du salut, dans les Patriarches Moïse et les prophètes. Elle confesse que tous les fidèles du Christ, fils d’Abraham selon la foi, sont inclus dans la vocation de ce patriarche et que le salut de l’Eglise est mystérieusement préfiguré dans la sortie du peuple élu de la terre de servitude ». Il ajoute: « Encore que des autorités juives, avec leurs partisans, aient poussé à la mort du Christ, ce qui a été commis durant sa passion ne peut être imputé ni indistinctement à tous les juifs vivant alors, ni aux juifs de notre temps. »46

Ce passage,on se le rappelle bien ,a soulevé, en son temps, une tempête de protestation dans le monde musulman, surtout chez les Palestiniens, toujours en conflit sanglant, depuis plus d’un demi siècle, avec les israéliens.

Aussitôt après Vatican II, en 1967, le Saint-Siège a établi un office pour les relations entre catholiques et juifs, devenu plus tard  » la Commission pour les relations religieuses avec les juifs.

En 1974, Cette commission a été incluse dans le Conseil Pontifical pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens. Cette commission a publié, cette même année, un guide et des suggestions pour l’application de Nostra Aetate qui ont servi de base pour le dialogue avec le Judaïsme. En 1985, cette même commission a publié des « Notes pour une correcte présentation des juifs et du Judaïsme dans la prédication de l’Eglise Catholique ». On y lit en conclusion: « Nos deux traditions sont si parentes qu’elles ne peuvent pas s’ignorer .Il faut encourager une connaissance mutuelle à tous les niveaux ».

Sensibilité de la question juive
Dès son accès à la chaire de Pierre, Jean Paul II a manifesté sa volonté d’être fidèle à l’enseignement du Concile. Par ailleurs, dès son enfance dans son pays natal, la Pologne, il a eu une sensibilité aiguë de la question juive, en raison des amitiés qu’il avait nouées avec quelques compatriotes juifs, selon l’avis de l’un ou de l’autre de ses biographes.

« Pour le grand public catholique, deux gestes symboliques très forts ont marqué ce pontificat : l’un vers le début, celui de la visite à la grande synagogue de Rome en avril 1986, l’autre celui de la prière au Mur des lamentations en mars 2000. Quatorze années séparent ces deux évènements. Exactement à mi-chemin des deux, l’historien retiendra un troisième : l’ » accord fondamental » signé entre le Saint – Siège et l’Etat d’Israël en décembre 1993″.47

Dans son discours en réponse au Grand Rabin de Rome Elio Toaff, lors de sa visite à la grande synagogue
de Rome, Jean Paul II a souligné trois points essentiels :

« Le premier est que l’Eglise du Christ découvre son « lien  » avec le Judaïsme  » en scrutant son mystère ».

Le second point,relevé par le Concile est que, aux Juifs en tant que Peuple, on ne peut imputer aucune faute ancestrale ou collective pour »ce qui a été accompli durant la Passion de Jésus ».

Le troisième point que je voudrais souligner dans la Déclaration conciliaire est la conséquence du second: Il n’est pas permis de dire, malgré la conscience que l’Eglise a de son identité propre, que les juifs sont « réprouvés ou maudits », comme cela était enseigné ou pouvait être déduit des Ecritures Saintes ». 48

Lors de son pèlerinage très réussi en Terre Sainte en l’an 2000, Le Saint Père a eu des gestes très émouvants, particulièrement sa méditation devant le mur occidental du temple de Jérusalem.

Il s’est avancé tout seul et a conclu sa méditation en déposant dans un creux du mur cette prière :

Dieu de nos Pères,
Tu as choisi Abraham et sa descendance pour que ton nom soit apporté aux nations :
Nous sommes profondément attristés par le comportement de ceux qui, au cours de l’histoire, les ont fait souffrir, eux qui sont tes fils, et, en te demandant pardon, nous voulons nous engager à vivre une authentique fraternité avec le Peuple de l’Alliance.
Par Jésus, le Christ, notre Seigneur. Amen.
Dimanche 26 mars 2000
Jean- Paul II 49

Il y eut cependant plusieurs sujets de controverses entre chrétiens et juifs. Citons en passant le Carmel d’Auschwitz qui a été remplacé par un centre d’étude juif, en 1992 ; l’attitude de Pie XII face à l’extermination des Juifs, bien qu’il ait condamné cette extermination; la canonisation d’Edith Stein, Sœur Thérèse de la Croix, en 1998 ; le document de la commission pour les rapports religieux avec le judaïsme daté de mars 1998 qui est une réflexion sur la Shoah qui fut « certainement la souffrance pire de toutes ». 50 On ne peut, après tout ignorer la tragédie qui se déroule depuis déjà plus d’un demi siècle, sur la Terre Sainte entre Juifs et Palestiniens, et qui est à la base de la déstabilisation de toute la région du Moyen-Orient.

Conclusion

En ce jour de célébration de son lumineux Pontificat, entouré par le Collège cardinalice dont les membres sont venus de tous les horizons du monde catholique, soutenu de partout par la prière de ses Fidèles, objet d’admiration pour le monde chrétien et le monde tout court, Sa Sainteté le Pape Jean Paul II a bien mérité et de l’Eglise et de l’Humanité pour lesquelles il a toujours tracé, au prix de sa santé, le chemin à suivre, qui n’est autre que le chemin de celui qui a dit : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. »51
AD MULTOS ANNOS

1 – Jn 17 : 21
2 – U.R. N°1
3 – Ut Unum Sint N°9
4 – Eph 4 : 5-6
5 – Ut Unum Sint N° 15
6 – ibid N° 19
7 – The Bishop and his ministry P 290
8 – ibid P 291
9 – When a Pope asks forgiveness P 68
10 – Ut Unum Sint N° 21
11 – ibid N° 15
12 -ibid N° 28
13 -ibid N° 34
14 – ibid N° 35
15 – ibid N° 36
16 – ibid N¨° 40
17 – D.C. 1993 N°2075 P. 626
18 – New Catholic Encyclopedia P.71
19 – Ut Unum Sint N° 52
20 – ibid N° 52
21 – ibid N° 53
22 – New catholic Encyclopedia P.71
23 – UUS N° 45
24 – The Bishop and his ministry P.294
25 – D .C. 1994 N° 2100 P.782
26 – D.C. 2001 N° 2247 P.411
27 – UUS N° 88
28 – ibid 94
29 – ibid 96
30 – D.C. 1998 P. 952
31 – Directoire Œcuménique N° 123
32 – D.C.1980 P. 223
33 – UUS N° 42
34 – The Bishop and his Ministry P296
35 – Nostra Aetate N°2
36 – Ibid N°3
37 – D.C. 1979 P 761
38 – ibid. 1979 P 1052
39 – ibid. 1985 p .945
40 – ibid. 1994 p. 102
41 – ibid. 2000 p. 261
42 – ibid 2001 p. 479
43 – ibid. 1997 p .533
44 – ibid 1986 p. 1065
45 – ibid 1999 p. 1090
46 – Nostra Aetate N° 4
47 – Lumière et Vie 2003 p. 22
48 – D.C. 1986 p. 437-438
49 – ibid 1998 p. 952
50 – ibid 1998 p. 337
51 – Jn 14 : 6

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ZENIT Staff

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