Dans la vaste province du Xinjiang, située au nord-ouest du pays, les mesures prises par les autorités chinoises pour entraver le développement des communautés musulmanes, soupçonnées de nourrir le sentiment séparatiste des populations ouïghoures (1), gênent grandement les activités de la communauté catholique, pourtant quasi-exclusivement formée de Chinois Han. Tel est le constat que des prêtres du diocèse du Xinjiang-Urumqi dressent et qui les a amené à protester officiellement auprès des autorités politiques de la province du Xinjiang.
A Yining, ville située à proximité de la frontière entre la Chine populaire et le Kazakhstan, le P. Song Zunsheng, curé de la paroisse de Yining, explique que les autorités interdisent à toutes les personnes âgées de moins de 18 ans ainsi qu’à tous les étudiants, enseignants, soldats et fonctionnaires la pratique de toute religion, voire la simple participation à une activité religieuse. Le P. Song précise que toutes ces personnes sont dans l’obligation de signer une déclaration selon laquelle ils n’adhèrent à aucune religion. A Urumqi, le P. Wang Gang affirme que ces directives sont strictement appliquées dans la quasi-totalité de toute la province et cite, à titre d’exemple, la garde montée d’avril à juin 2003 par deux fonctionnaires devant l’entrée de l’unique église catholique d’Urumqi ; ils interdisaient l’entrée de l’édifice à tous les enfants se présentant. Pour éviter tout ennui, des parents anticipent et n’envoient plus leurs enfants à l’église, ajoute-t-il.
Le P. Wang explique que les prêtres du diocèse sont bien conscients que les restrictions à la liberté religieuse visent avant tout les communautés musulmanes, toujours soupçonnées par les autorités de séparatisme, mais elles sont appliquées à toutes les religions. A cause d’elles, dit-il, les camps d’été de catéchisme, une activité fréquemment mise en place par l’Eglise en Chine, ont dû être supprimés. Pour contourner les mesures gouvernementales, les prêtres n’hésitent pas à dire qu’ils recourent à la ruse. Les élèves, étudiants et enseignants catholiques vont à la messe tôt le matin ou tard le soir ; parfois, les messes sont célébrées ailleurs qu’à l’église lorsque les agents de la Sécurité se livrent à des descentes de contrôle. « Les officiels ont leurs politiques, nous avons nos contre-mesures », assure le P. Wang.
Face à ces restrictions de la liberté religieuse, le P. Song en appelle à la protection du droit chinois : « Notre Constitution protège la liberté religieuse. Les élèves, les étudiants, les enseignants, les soldats et les fonctionnaires sont également des citoyens chinois et ne pas les autoriser à croire au catholicisme est une violation de la loi et des droits de l’homme. » Il y a un an et demi déjà, il avait écrit au Bureau du travail du Front uni, organe du Parti communiste responsable des liaisons entre ce dernier et les organismes civils indépendants. Dans cette lettre, il se plaignait des restrictions à la liberté religieuse vécues par les communautés catholiques de la province, citant des faits remontant à 1995 et d’autres plus récents. Il y réclamait aussi que toute intervention des autorités dans les affaires de l’Eglise soit légalement justifiée et que la Constitution et les droits de l’homme soient respectés. La lettre n’a pas reçu de réponse.
Le diocèse du Xinjiang compte aujourd’hui 7 000 catholiques, répartis sur un territoire de 1,6 million de km² peuplé de 17 millions d’habitants. Ces catholiques sont presque tous des Chinois Han appartenant aux populations installées plus ou moins récemment dans la province et qui représentent aujourd’hui 38 % de la population de la province. Selon le P. Wang, les catholiques s’abstiennent de tout travail d’évangélisation en direction des musulmans, non seulement parce que les musulmans adhèrent fermement à leur foi mais aussi parce que les autorités découragent de telles activités par crainte de conflits ethniques ou religieux dans cette région « sensible », régulièrement marquée par des heurts entre forces gouvernementales et populations ouïghoures.
Le P. Song précise que la situation du diocèse s’améliore malgré tout. Par rapport à 1995, le nombre de prêtres a en effet doublé ; onze prêtres et vingt-deux religieuses œuvrent aujourd’hui dans la province et pratiquent « ouvertement » leur ministère bien que le diocèse puisse être considéré comme « clandestin ». L’évêque, Mgr Paul Xie Tingzhe, âgé de 72 ans, a été consacré en 1991. Les autorités lui reconnaissent la qualité de prêtre mais pas celle d’évêque, une situation qui, selon le P. Wang, obère en partie le développement de l’Eglise locale, les prêtres ordonnés par Mgr Xie n’étant pas reconnus par le gouvernement.
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