Le 11 mai dernier, un groupe interreligieux mené par le vénérable Madampagama Assagi Nayaka Thero, moine bouddhiste, a annoncé qu’il allait rencontrer Chandrika Bandaranaike Kumaratunga, la présidente du pays, et Ranil Wickremasinghe, le Premier ministre, pour les inciter à mettre de côté leurs différends et sauver le processus de paix engagé avec les Tigres tamouls, processus en passe de s’enrayer. Depuis les élections de décembre 2001, au cours desquelles le Front national uni de Wickremasinghe a remporté la majorité des sièges au Parlement, le Premier ministre et la présidente appartiennent à deux bords politiques opposés et gouvernent le pays dans une « cohabitation » semée d’accrocs. A l’occasion du dernier incident en date, la Conférence des évêques catholiques du Sri Lanka a publié un communiqué le 15 mai dernier pour dire sa « profonde déception causée par la situation politique actuelle » et dénoncer en particulier la crise récemment provoquée par la question de la direction de la Loterie nationale.
Début mai, la présidente a manœuvré pour placer sous sa responsabilité directe la direction de la Loterie nationale, auparavant sous le contrôle du ministère de la Réforme économique. Le parti du Premier ministre a vigoureusement protesté. Cet épisode n’est que le dernier d’une longue série au cours de laquelle la présidente et le Premier ministre n’ont cessé de batailler au sujet de l’étendue des pouvoirs de la présidence, le Premier ministre tentant à un moment de rogner les pouvoirs de la présidence en faisant voter un amendement à la Constitution, tentative contrecarrée par la suite par la Cour suprême. Sur le chantier des négociations avec le LTTE, le camp de la présidente, leader de l’Alliance populaire, a accusé le Premier ministre de court-circuiter la présidence, tandis que le camp du Premier ministre a reproché à la présidente de créer des obstacles aux négociations. Dernièrement, dans le but de renverser le Premier ministre et son gouvernement devant le Parlement, l’Alliance populaire a fait mine de vouloir s’allier avec le JVP, le Front populaire de libération, parti marxiste qui s’oppose à toute dévolution importante de pouvoir aux Tamouls.
Pour les évêques catholiques, dont le communiqué est signé de Mgr Oswald Gomis, archevêque de Colombo et président de la Conférence, « cette crise ne peut que perturber le processus de paix » engagé entre le gouvernement et les Tigres tamouls du LTTE. Mgr Gomis a appelé les deux dirigeants politiques « à renoncer aux petites manœuvres politiciennes afin de travailler sans relâche et avec le sens du sacrifice personnel pour le bien-être du peuple » ; ce dernier, estime l’archevêque de Colombo, continue de faire confiance à ses dirigeants.
Le 26 mai, l’envoyé du gouvernement norvégien, médiateur dans les négociations entre le LTTE et le gouvernement sri lankais, était à nouveau présent à Colombo pour tenter de résoudre l’impasse dans laquelle sont engagés les pourparlers de paix. Le LTTE a posé comme condition à son retour à la table des pourparlers de paix la mise sur pied d’un conseil administratif par intérim dans les régions qu’ils contrôlent, dans la partie nord-est du pays. On se souvient que le 21 avril dernier les Tigres tamouls se sont retirés de ces pourparlers, rendant incertaine la tenue à Tokyo les 9 et 10 juin prochains d’un sommet international des pays donateurs susceptibles de financer la reconstruction du Sri Lanka (1). Dès la condition du LTTE connue, la présidente Kumaratunga s’est déclarée fermement opposée à la mise en place d’un tel conseil par intérim tant que les Tigres ne renonceront pas à la violence, ne désarmeront pas et n’abandonneront pas leur revendication d’un Etat tamoul séparé.
© EDA