CITE DU VATICAN, Mercredi 28 mai 2003 (ZENIT.org) – Voici la traduction intégrale, publiée par L’Osservatore Romano en français du 27 mai, de l’allocution de Jean-Paul II en italien lors de l’audience générale du 21 mai.
Lecture: Ps 143, 1-4.9-10
1. Nous venons à présent d’entendre la première partie du Psaume 143. Il possède les caractéristiques d’un hymne royal, comprenant des références à d’autres textes bibliques, donnant ainsi vie à une nouvelle composition de prière (cf. Ps 8, 5; 17, 8-15; 32, 2-3; 38, 6-7). Celui qui parle à la première personne est le roi David lui-même, qui reconnaît l’origine divine de ses succès.
Le Seigneur est représenté à travers des images martiales, selon l’antique usage symbolique: en effet, il est vu comme un instructeur militaire (cf. Ps 143, 1), une forteresse inexpugnable, un bouclier protecteur, un libérateur (cf. v. 2). On désire, de cette façon, exalter la personnalité de Dieu, qui s’engage contre le mal dans l’histoire: il n’est pas une puissance obscure ou une sorte de destin, ni un souverain impassible et indifférent à l’égard de l’histoire humaine. Les citations et le ton de cette célébration divine portent la trace de l’hymne de David conservé dans le Psaume 17 et dans le chapitre 22 du Second Livre de Samuel.
2. Face à la puissance divine, le roi hébreu reconnaît sa fragilité et sa faiblesse qui sont celles de toutes les créatures humaines. Pour exprimer cette sensation, l’orant royal a recours à deux phrases déjà présentes dans les Psaumes 8 et 38, et il les insère en leur conférant un nouveau poids, plus intense: « Yahvé, qu’est donc l’homme, que tu le connaisses, l’être humain que tu penses à lui? L’homme est semblable à un souffle, ses jours sont comme l’ombre qui passe » (vv. 3-4). Ici apparaît la ferme conviction que nous sommes inconsistants, semblables à un souffle de vent, si le Créateur ne nous garde pas en vie, Lui qui – comme le dit Job – « tient en son pouvoir l’âme de tout vivant et le souffle de toute chair d’homme » (12, 10).
Ce n’est qu’avec le soutien divin que nous pouvons surmonter les dangers et les difficultés qui parsèment chaque jour notre vie. Ce n’est qu’en comptant sur l’aide du Ciel que nous pourrons nous engager, comme l’antique roi d’Israël, à marcher vers la liberté en échappant à toute oppression.
3. L’intervention divine est décrite à travers les traditionnelles images cosmiques et historiques, dans le but d’illustrer la puissance divine sur l’univers et sur les événements humains. Voilà alors des montagnes d’où s’élève de la fumée, lors d’éruptions volcaniques soudaines (cf. Ps 143, 5). Voilà les éclairs qui semblent des flèches lancées par le Seigneur et prêtes à anéantir le mal (cf. v. 6). Voilà, enfin, les « grandes eaux » qui, dans le langage biblique, sont le symbole du chaos, du mal et du néant, en un mot, des présences négatives au sein de l’histoire (cf. v. 7). A ces images cosmiques en sont associées d’autres à caractère historique: ce sont « les ennemis » (cf. v. 6), les "étrangers » (cf. v. 7), les menteurs et les parjures, c’est-à-dire les idôlatres (cf. v. 8).
Il s’agit d’une façon très concrète et orientale de représenter la méchanceté, les perversions, l’oppression et l’injustice: des réalités terribles dont le Seigneur nous libère, alors que nous nous acheminons dans le monde.
4. Le Psaume 143, que la Liturgie des Laudes nous propose, finit par un bref hymne d’action de grâce (cf. vv. 9-10). Il naît de la certitude que Dieu ne nous abandonnera pas dans la lutte contre le mal. C’est pourquoi l’orant entonne une mélodie en l’accompagnant de sa harpe à dix cordes, étant certain que le Seigneur « donne aux rois la victoire, et sauve David son serviteur » (cf. vv. 9-10).
La parole « roi » se dit « messia » en hébreu: nous sommes donc en présence d’un Psaume royal qui se transforme, déjà dans l’usage liturgique de l’antique Israël, en un chant messianique. Nous chrétiens, nous le répétons en gardant le regard tourné vers le Christ, qui nous libère de tout mal et qui nous soutient dans la bataille contre les pouvoirs cachés pervers. Celle-ci, en effet, ne se déroule pas « contre des adversaires de sang et de chair, mais contre les Principautés, contre les Puissances, contre les Régisseurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits du mal qui habitent les espaces célestes » (Ep 6, 12).
5. Nous concluons alors par une considération qui nous est suggérée par saint Jean Cassien, moine du IV-V siècle, qui vécut en Gaule. Dans son oeuvre L’Incarnation du Seigneur, s’inspirant du verset 5 de notre Psaume, – « Yahvé, incline tes cieux et descends », – il voit dans ces mots l’attente de la venue du Christ dans le monde.
Et il poursuit ainsi: « Le Psalmiste suppliait que… le Seigneur se manifestât dans la chair, apparaisse de façon visible dans le monde, soit assumé visiblement dans la gloire (cf. 1 Tm 3, 16) et que finalement les saints puissent voir, avec les yeux du corps, tout ce qui avait été spirituellement prévu par eux » (L’Incarnation du Seigneur, V, 13, Rome 1991, pp. 208-209). C’est précisément de cela que tout baptisé est témoin dans la joie de la foi.
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