Lettre du pape pour les 400 ans de l’ordination épiscopale de saint François de Sales

Elle est adressée à l’évêque d’Annecy

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CITE DU VATICAN, lundi 9 décembre 2002 (ZENIT.org) – A l’occasion des 400 ans de l’ordination épiscopale de saint François de Sales, le pape Jean-Paul II a adressé une lettre à l’évêque d’Annecy. Nous publions le texte intégral de la lettre dans son original en français.

À Monseigneur Yves Boivineau,
Évêque d’Annecy

1. Le 8 décembre, vous fêterez le quatrième centenaire de l’ordination épiscopale de saint François de Sales, Évêque de Genève et Docteur de l’Église, votre prédécesseur, «une des plus grandes figures de l’Église et de l’histoire» (Paul VI, Angélus, 29 janvier 1967). Sacré «Prince Évêque de Genève» le 8 décembre 1602, celui que le roi Henri IV appelait de manière élogieuse «le phénix des Évêques», parce que, disait-il, «c’est un oiseau rare sur la terre», après avoir renoncé aux fastes de Paris et aux propositions du roi de lui donner un siège épiscopal de renom, devint le pasteur et l’évangélisateur inlassable de sa terre savoyarde, qu’il aimait par-dessus tout, car, avouait-il, «je suis Savoyard de toutes façons, de naissance et d’obligation». Se laissant guider par les Pères de l’Église, il puisait dans l’oraison et dans une grande connaissance méditée de l’Écriture la force nécessaire pour accomplir sa mission et pour conduire le peuple à Dieu.
Comme mon prédécesseur, le Pape Paul VI, qui écrivit la lettre Sabaudiæ gemma à l’occasion du quatrième centenaire de sa naissance (29 janvier 1967), je prie Dieu de faire refleurir et resplendir dans l’Église une vie spirituelle éclatante, grâce à l’enseignement du saint évêque de Genève, qui demeure source de lumière pour nos contemporains, comme il l’a été de son temps.
Conseiller des Papes et des princes, doté de grandes qualités spirituelles, pastorales et diplomatiques, François de Sales fut un homme d’unité dans une époque où les divisions constituaient une plaie au flanc de l’Église. Il eut en particulier le souci de rétablir l’unité de son diocèse et de maintenir la communion dans la foi, fondant sa démarche sur la confiance en Dieu, sur la charité qui peut tout, sur l’ascèse et sur la prière, comme il le soulignait dans un véritable discours programme juste après son ordination sacerdotale, car c’est ainsi, disait-il, que l’on doit vivre la règle chrétienne et que l’on se comporte vraiment en enfants de Dieu (cf. Harangue pour la prévôté: Œuvres complètes, édition d’Annecy, VII, p. 99 ss). Il expliquera plus tard ce qu’est en vérité la charité théologale : «La charité est un amour d’amitié, une amitié de dilection, une dilection de préférence, mais de préférence incomparable, souveraine et surnaturelle, laquelle est comme un soleil en toute l’âme pour l’embellir de ses rayons, en toutes les facultés spirituelles pour les perfectionner, en toutes les puissances pour les modérer, mais en la volonté, comme en son siège pour y résider et lui faire chérir et aimer son Dieu sur toutes choses» (Traité de l’amour de Dieu: Œuvres complètes, IV, p. 165).

2. Ayant pour modèle saint Charles Borromée, Archevêque de Milan, il s’appliqua à diffuser avec fidélité et inventivité l’enseignement du Concile de Trente, et à en mettre en œuvre les dispositions pastorales. Il réorganisa son diocèse, qu’il visita totalement à deux reprises, souffrant dans son cœur de la douloureuse situation de Genève, son siège épiscopal, qui était passé à la Réforme calviniste. Il prit soin de former des prêtres, notamment en instituant pour eux des conférences mensuelles, afin de donner aux brebis sans berger des pasteurs miséricordieux, capables d’enseigner le mystère chrétien et de célébrer toujours plus dignement les sacrements de l’Eucharistie et de la réconciliation; il eut en particulier à cœur de faire découvrir au clergé et aux fidèles que la pénitence est un moment de rencontre avec l’amour du Seigneur, qui accueille tous ceux qui viennent humblement demander pardon. Il eut aussi le souci de réformer les Ordres monastiques, comme il l’écrivait au Pape Paul V en novembre 1606 (Œuvres complètes, XXIII, p. 325).

3. Docteur de l’amour divin, François de Sales n’eut de cesse que les fidèles accueillent l’amour de Dieu, pour en vivre en plénitude, tournant leur cœur vers Dieu et s’unissant à Lui (cf. Traité de l’amour de Dieu: Œuvres complètes, IV, p. 40 ss). C’est ainsi que, sous sa conduite, de nombreux chrétiens marchèrent dans la voie de la sainteté; il leur montra que tous sont appelés à vivre une intense vie spirituelle, quelles que soient leur situation et leur profession, car «l’Église est un jardin diapré de fleurs infinies, il y en faut donc de diverses grandeurs, de diverses couleurs, de diverses odeurs, et, en somme, de différentes perfections. Que toutes ont leur prix, leur grâce et leur émail, et toutes, en l’assemblage de leurs variétés, font une très agréable perfection de beauté» (Traité de l’amour de Dieu: Œuvres complètes, IV, p. 111).
Homme de bonté et de douceur, qui savait manifester la miséricorde et la patience de Dieu à ceux qui venaient le rencontrer, il proposa une spiritualité exigeante mais sereine, fondée sur l’amour, car aimer Dieu, «c’est le souverain bonheur de l’âme pour cette vie et pour l’éternité» (Lettre à Mère Marie-Jacqueline Favre, 10 mars 1612: Œuvres complètes, XV, p. 180). Avec une grande simplicité, il forma chaque personne à la prière d’oraison: «Il faut se prosterner devant Dieu et demeurer là devant ses pieds; il entendra bien par cette humble contenance, que vous êtes sienne et que vous voulez son secours, encore que vous ne puissiez pas parler» (Lettre à Jeanne Françoise Frémyot de Chantal, 14 octobre 1604: Œuvres complètes, XII, p. 352). Il s’est attaché à conduire les âmes jusqu’aux sommets de la perfection, dans le souci d’unifier les personnes autour de ce qui est le cœur de l’existence, la vie en intimité avec le Seigneur, par laquelle l’homme peut recevoir la perfection et devenir meilleur (cf. Traité de l’amour de Dieu: Œuvres complètes, IV, p. 49). Il avait le souci de permettre à chacun de revenir au Christ et de repartir du Christ, pour mener une existence bonne, car Dieu a donné à chacun le gouvernement de ses facultés, qu’il convient de placer sous le primat de la volonté (cf. Traité de l’amour de Dieu: Œuvres complètes, IV, pp. 23-24).
Comme sainte Jeanne de Chantal, puissions-nous écouter ses exhortations à être fidèles aux méditations sur la Vie et sur la Mort du Christ: c’est la porte du ciel. En les méditant souvent, nous apprendrons à connaître les trésors qu’elles contiennent. L’âme doit demeurer dans la contemplation de la Croix et dans la méditation de la Passion (cf. L’étendard de la Sainte Croix: Œuvres complètes, II). La perfection consiste à être conforme au Fils de Dieu, en se laissant conduire par l’Esprit Saint, dans une parfaite obéissance (cf. Traité de l’amour de Dieu: Œuvres complètes, XI, 15, V, pp. 291 ss): «Le parfait abandon entre les mains du Père céleste et la parfaite indifférence en ce qui regarde la divine volonté sont la quintessence de la vie spirituelle […]. Tout le retard dans notre perfection provient seulement du manque d’abandon, et il est sûrement vrai qu’il convient de commencer, de continuer et d’achever la vie spirituelle à partir de là, à l’imitation du Sauveur qui a réalisé cela avec une extraordinaire perfection, au début, durant et à la fin de sa vie» (Sermon pour le Vendredi Saint, 1622: Œuvres complètes, X, p. 389).

4. C’est aussi par une correspondance particulièrement fournie qu’il accompagne, avec une grande délicatesse et une pédagogie progressive adaptée à chaque situation, usant avec bonheur d’images hautes en couleur, les âmes qui se confient à sa direction spirituelle, pour que chaque act
e bon et chaque victoire sur le péché soient comme «autant de pierres précieuses [qui] seront mises en la couronne de gloire que Dieu nous prépare en son Paradis» (Introduction à la Vie dévote, IV, 8: Œuvres complètes, III, p. 307). Parce qu’il était passionné pour Dieu et pour l’homme, son regard sur les personnes était foncièrement optimiste et il ne manquait jamais de les inviter, selon son expression, à fleurir là où elles ont été semées. Aujourd’hui encore, et je m’en réjouis, les œuvres de François de Sales font partie de la littérature classique; c’est le signe que son enseignement sacerdotal et épiscopal trouve un écho dans le cœur des hommes et rejoint leurs aspirations profondes. J’invite les pasteurs et les fidèles à se laisser enseigner par son exemple et par ses écrits, qui demeurent d’une grande actualité.
Comment ne pas évoquer encore en cette circonstance sainte Jeanne de Chantal, avec laquelle il fonda l’Ordre de la Visitation Sainte-Marie, désireux de proposer, d’une manière originale et novatrice, un style de vie religieuse ouvert au plus grand nombre de femmes possible, qui mettrait à la toute première place la contemplation.
Rendant grâce pour le témoignage de vie sacerdotale et épiscopale de l’Apôtre du Chablais, ainsi que pour son œuvre, je demande au Seigneur de faire se lever dans le monde d’aujourd’hui un nombre toujours croissant d’hommes et de femmes qui sachent vivre la spiritualité salésienne et la proposer à nos contemporains, pour que tous aient «une foi veillante», qui «fait non seulement de bonnes opérations, mais qui pénètre et comprend avec subtilité et promptitude les vérités révélées», afin de les transmettre au monde (Sermon pour le jeudi après le premier dimanche de Carême, 1622: Œuvres complètes, XI, p. 220).

5. Enfin, mon souhait est celui du Docteur de l’amour divin: que «Dieu seul soit votre repos et consolation!» (Lettre à Mademoiselle de Soulfour, 16 janvier 1603: Œuvres complètes, XII, p. 163).
En vous confiant à l’intercession de la Vierge Marie, l’Immaculée Conception, et de saint François de Sales, je vous envoie de grand cœur une affectueuse Bénédiction apostolique. Je l’accorde également volontiers aux évêques de la région, aux prêtres et aux fidèles de Savoie, de Suisse et du Piémont, aux religieuses de la Visitation Sainte-Marie, aux membres des différents Instituts salésiens et à toutes les personnes qui vivent de la spiritualité salésienne, aux journalistes, aux écrivains et à toutes les personnes qui travaillent dans les médias, lui qui est leur saint patron, et à toutes celles qui s’associent aux festivités de cet anniversaire.

Du Vatican, le 23 novembre 2002.
IOANNES PAULUS II

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ZENIT Staff

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